Les adorateurs du temps immobile. Triste passion que le plaisir de retrouver des vérités acquises quand il ne se double pas du plaisir de la découverte ! (p.96)
Par ailleurs, si l'on veut que la régularisation prélude à l'intégration, il importe de stabiliser les situations. Il serait hautement paradoxal - et, pour tout dire, franchement hypocrite - d'avoir dénoncé en décembre le retrait des titres de séjour imputables aux défaillances de l'administration (comme l'ont fait avec une belle ardeur Gérald Darmanin, Olivier Dussopt, Aurore Bergé ou Fadila Khattabi), si c'est pour multiplier trois mois plus tard les clauses de retrait du titre de séjour indépendantes de la volonté des intéressés et susceptibles de les replonger dans la vulnérabilité. Le travailleur perdra-t-il son titre si le métier en tension où il officie vient à se « détendre » ? Retombera-t-il dans l'illégalité si son entreprise ferme? L'État ne saurait passer son temps à donner de la main gauche pour reprendre de la main droite. Il doit donner aux personnes régularisées des gages de stabilité. L'idée de rendre tous les titres de séjour probatoires sur des critères inconstants risque tout simplement de réduire à néant ce versant de la loi.
Par ailleurs, les porteurs du projet ont-ils songé à l'effet de sélection que produira la connaissance du français comme prérequis? Elle favorisera (en probabilité, bien sûr, et toutes choses égales par ailleurs) les immigrés originaires des anciennes colonies francophones, à savoir le Maghreb et l'Afrique de l'Ouest, alors qu'une politique de diversification des origines aurait du sens. Pourquoi imposer au technicien syrien ou afghan un obstacle linguistique placé au seuil de la France, qui sera largement épargné à son homologue algérien ou congolais ? Les auteurs de la loi, apparemment, n'ont pas anticipé ce biais de sélection.
Le problème tient au refus de prendre la mesure du monde tel qu'il est, y compris dans sa dimension migratoire. Les politiciens qui promettent la fin de l'immigration et un rythme d'expulsions toujours plus élevé pèchent par démesure quand ils prétendent mettre fin à l'impuissance. (pp.161-162)
Il n'est pas illégal de rappeler qu'il existe des passerelles légales entre l'illégal et le légal, si fragiles soient-elles, et de soutenir qu'on renforce la légalité en consolidant de tels passages. (p.150)
L'intégration a foncièrement besoin, pour se développer, de la stabilité dans les règles. (p.148)
Notre politique migratoire a tous les traits d'une fuite en avant. Qui peut croire qu'on pourra stopper la montée de l'immigration à coups de solutions techniques? (p.124)
L'immigration en France n'est pas une intrusion massive mais une infusion durable. (p.75)
Les diasporas n'ont pas toujours bonne presse, car on leur reproche volontiers leurs tendances communautaires, pour ne pas dire communautaristes ou séparatistes. À tort, elles allègent la charge de l'accueil sur les gouvernements et sur la société civile, elles assurent un accueil d'urgence qui mérite d'être apprécié à sa juste mesure, y compris par les pouvoirs publics. (pp.56-57)
La double tentation illibérale et xénophobe se situe dans l'héritage du communisme, qui a muré les peuples pendant quarante ans et les a empêchés de se familiariser avec la présence de l'étranger. (p.34)