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EAN : 9782021531145
192 pages
Seuil (03/03/2023)
4.19/5   16 notes
Résumé :
Quatrième de couverture:
Étrange paradoxe: ceux qui s’imaginent que la France ferait face à un « tsunami » migratoire, par la faute des politiques, de l’Union européenne ou des juges, sont également convaincus que la migration est une anomalie dont la France pourrait se passer. On grossit l’immigration pour mieux la dénier. Pour dissiper ces illusions, il faut en revenir aux faits. Oui, la population immigrée a progressé en France depuis l’an 2000, mais moins... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
« Cessons de scruter avec anxiété, des berceaux à la tombe, l'évolution respective de la « population majoritaire » et des minorités visibles en cherchant à repousser le moment fatidique où « la France ne sera plus la France ». Travaillons plutôt à accélérer l'intégration des groupes « minorisés » dans une majorité élargie. Prenons au sérieux la lutte contre les discriminations de toutes sortes, directes et indirectes, individuelles et systémiques. le seul combat qui vaille est de poursuivre le mouvement engagé depuis plusieurs générations pour élargir les contours de la population majoritaire, renouveler notre vision de la « francité » en y intégrant tour à tour toutes le minorités. Nous avons suffisamment de données pour pouvoir affirmer à la fois que le brassage des populations progresse dès la deuxième génération et que les esprits évoluent dans le même sens, même si des combats d'arrière-garde veulent encore nous ramener au rêve désuet d'une France vierge de toute immigration. Notre horizon n'est pas le grand remplacement mais le grand renouvellement. »
(p. 169)
Au moment où les mots « invasion », « envahissement » ou « tsunami », et l'expression « grand remplacement », instillés par l'extrême-droite dans le discours sur l'immigration en France, se banalisent, dans un temps aussi où nombre de manifestations hostiles aux migrants, souvent particulièrement haineuses, sont organisées sur le territoire devant les centres d'accueil ou dans les villages où l'on projette d'en créer, quand la police à Calais et Dunkerque s'acharne contre des exilés (avec les méthodes violentes décrites par Louis Witter dans La Battue, autre ouvrage récent sur le sujet), le livre de François Héran constitue un bon début de réponse face à la contagion xénophobe et à la réédification des frontières. Fruit de ses recherches, comme sociologue démographe et philosophe, spécialiste de la question de l'immigration depuis de longues années, et aujourd'hui professeur titulaire au Collège de France de la chaire « Migrations et sociétés », il évoque avec des chiffres précis et une analyse scrupuleuse la réalité de l'immigration en France. Oui, souligne-t-il, les arrivées de migrants sont en augmentation depuis 2000 sur notre territoire (mais cela n'a rien d'extraordinaire, si au lieu de « dénier » ce phénomène mondial de déplacement massif de populations, lié au réchauffement climatique, aux guerres et aux répressions politiques, on en reconnaît l'inéluctabilité), mais non, la France, loin d'être envahie, est plutôt en net retard par rapport à ses voisins pour ce qui est de l'accueil des réfugiés (hier et toujours, afghans, syriens ou africains, aujourd'hui ukrainiens) et sa prétention à rester « terre d'asile » généreuse largement usurpée. François Héran montre aussi comment les dysfonctionnements, les retards et la mauvaise volonté de l'administration, dans le traitement des demandes d'asile et de séjour, aggravent notre relation avec ces immigrés, quand l'étude du long terme révèle que les efforts mis à faciliter l'intégration des populations nouvelles sont payants pour l'ensemble de la société. Un texte qui offre à tous les ressources nécessaires à une réflexion fraternelle, sinon simplement réaliste, sur la question, au moment où le nouveau projet de loi Darmanin fait craindre le retour de la pire démagogie et des réflexes ostracistes !
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C'est forcément un peu frustrée et contrite que je publie cette critique huit mois après ma lecture de cet édifiant essai (décidément, la collection La République des idées est une valeur sûre !), qui aurait mérité d'être érigé en lecture obligatoire avant le vote de toute loi sur l'immigration…

François Héran y dénonce avec clarté et concision, et bien sûr chiffres à l'appui, à quel point le sujet de l'immigration est au coeur du débat public, que cette dernière est exagérée à l'envi pour mieux marteler ensuite quelles mesures drastiques il faudrait appliquer pour faire face à cette vague submersive permise par de récentes politiques trop laxistes. Face à ces cris d'orfraie qui oublient que l'immigration est une composante de la société française depuis belle lurette (et que la sacro-sainte continuité historique ne résiste pas à une analyse des différences entre régions françaises, dont les habitants se considéraient jusqu'à une période récente comme des étrangers), l'auteur milite pour une politique dépassionnée et respectueuse du droit international, une lutte contre la ségrégation territoriale et la paupérisation qui lui est souvent associée, et une simplification ou du moins une rationalisation des procédures administratives kafkaïennes de régularisation.

Abordant en premier lieu la bataille des chiffres, François Héran rappelle que la hausse de l'immigration est en effet réelle ces dernières années, mais que ce mouvement touche l'ensemble du monde, et que la France est loin d'être en tête du classement des pays européens lorsque l'on compare la part de population d'origine étrangère. Il balaie également le mythe d'une France incroyablement attractive pour les étrangers par une analyse détaillée des titres de séjour accordés ces dernières années, et en tire un bilan plus qu'instructif bien éloigné des conclusions à l'emporte-pièce que l'on entend de toute part. du point de vue de l'accueil des exilés et des réfugiés, la part de la France est là encore bien timide, loin des efforts faits dans les années 70 pour accueillir les boats people que rappelle l'auteur et dont on se souvient bien peu aujourd'hui.

J'ai trouvé l'exemple de Mayotte particulièrement édifiant ; l'auteur nous rappelle que la France, ayant encouragé l'intégration de l'île des Comores comme département français fait désormais face à une « migration étrangère » (auparavant insulaire et normale, puisque réalisée au sein d'un même pays). Il faudrait alors « lutter contre l'attractivité sociale et administrative » de Mayotte pour mieux la protéger, ce qui passe par un régime d'exception du point de vue législatif sur l'île. Si ce n'était pas aussi ubuesque, on pourrait presque en rire…

Les derniers chapitres reviennent sur le sujet inflammable qu'est l'immigration, et le traitement dont elle fait l'objet par les politiques d'extrême-droite et de droite, ainsi que sur l'appareil administratif et législatif aujourd'hui en place pour gérer les demandes de régularisation. La justice n'est pas chiche en la matière, puisque vingt-deux lois ont été publiées depuis 1986 sur le sujet, rendant la plupart des procédures inextricables puisque les directives changent tous les dix-huit mois.

Une très belle synthèse à lire et à relire et qui résonne bien tristement au vu de l'actualité. En en relisant quelques passages, je n'ai pas résisté à étoffer un peu la partie citations, on sera étonné de voir à quel point François Héran avait anticipé les écueils de la loi immigration.
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La misère du monde.
Tout d'abord, il faut saluer le courage de François Héran pour faire le point sur un sujet aussi sensible politiquement que l'immigration en France. Dans une analyse qui se veut dépassionnée, il se fait pourtant le pourfendeur de certaines idées reçues sur le sujet. Il part d'une position claire : « la France souffre d'un déni de l'immigration c'est-à-dire nier que la France est une terre d'immigration, affirmer qu'elle l'est devenue et n'aurait jamais dû, dénoncer la submersion migratoire et se faire fort de l'endiguer » (p.11). D'où la conséquence, il faut « faire avec » sans état d'âme. D'autant que « Dans un état de droit, il existe forcément des migrations de droit, mais aussi un droit des états à contrôler les migrations, à condition que ce droit soit dument encadré et proportionné » (p.15). Il semble aligné sur les célèbres convictions de Michel Rocard : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde (Décembre 1989), mais elle doit en prendre sa part. (Août 1996) »
L'analyse des données montre que les migrations dans le monde sont en expansion continue que ce soit en nombre absolu ou en pourcentage. Cependant, la France, l'immigration progresse mais à un rythme plus faible que la plupart des pays européens comparables, attachés à l'état de droit. Les régions du monde qui émigrent le plus en temps de paix ne sont pas les plus pauvres mais celles qui ont une position moyenne dans l'échelle du développement humain (Maghreb, Caucase, Balkans, …). Il souligne le rôle facilitateur des diasporas qui allègent les charges d'accueil pour les gouvernements et la société civile. Les titres de séjour ont bien augmenté considérablement (61% en 15 ans) mais surtout en ce qui concerne les étudiants internationaux, les travailleurs qualifiés et les réfugiés, la migration familiale (« regroupement familial ») s'avère être en baisse. La France compte 11 à 12% d'immigrés, c'est une progression certes mais qui est plus faible en France que dans le reste des pays européens occidentaux comparables. Enfin, la France se révèle peu attractive pour les ressortissants des pays européens qui peuvent circuler librement. Voilà pour ce qui est de la claque aux idées reçues !! Il rappelle l'illusion qui consiste à croire que la société française aurait absorbé les vagues d'immigrés antérieures sans heurts. S'intégrer prend toujours du temps et nécessite une stabilité des règlements et des lois. Il faut, de plus, une administration et une organisation de l'accueil qui soit à la hauteur des enjeux et une volonté politique forte comme avec les boat-people (en1979 et en 1989) et les ukrainiens (en 2022).
Le dernier point que je retiendrai de cet essai sociologique et qui à mon avis en constitue la limite, c'est qu'on a affaire à une vision et à des interprétations très marquées à gauche qui cherche à nous faire croire que les méchants de l'histoire sont à droite de l'échiquier politique : rien ne peut les repêcher ! Que la démocratie serait belle sans le peuple !! Je cherche désespérément une autre vision des choses, mais il semble bien difficile d'être sociologue sans faire allégeance à la gauche !
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On me l'avait conseillé en me le présentant comme un essai sociologique sur l'immigration qui n'était ni pour, ni contre et qui savait défendre toutes les idées.
J'émets quelques réserves sur cette affirmation (cela dit, je pense que c'est difficile de parler d'un sujet aussi débattu en France sans pencher plus d'un côté ou de l'autre, que ça très droite ou très gauche - il aura eu le mérite d'essayer).

Cela étant, Héran prend à bras le corps le sujet en utilisant, chiffres à l'appui, quelques contre-arguments qui feraient pâlir des gens prêts à écouter et qui sont plutôt tendance droite. le style est facilement abordable et on peut sans soucis le lire sans grandes attentes, ni grandes connaissances (certaines choses peuvent échapper au néophyte, que je suis, mais dans mon cas c'est surtout dû à mon manque de connaissances de pleins de sujets d'actualité parce que, que voulez-vous, je n'ai que 24h dans une journée, minus 10h pour avoir une belle peau).

Si l'on a surtout envie de renvoyer le tonton raciste dans les cordes ou animer un repas de famille un peu morne, Héran fournit un joli nombre d'informations qui permettront de clouer le bec (ou lancer un débat que vous pourrez fuir en allant vous réfugier en cuisine). Il initie bien sinon une approche (plutôt pro-immigration et pro-faisons notre part) et donne des clefs et de nombreuses sources qui permettront d'approfondir le sujet aux intéressés.
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Fort utile pour comprendre comment les idées de fin 2022 ont été complètement pervertie dans la loi finale de fin 2023...des analyses parfois justes mais complètement retournées par les Républicains...au total une déroute qui ne règle rien...espérons la sanction du CC
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critiques presse (1)
NonFiction
28 novembre 2023
Le grand spécialiste des migrations François Héran rappelle quelques faits salutaires sur le sujet pour sortir de la surenchère politique.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Par ailleurs, si l'on veut que la régularisation prélude à l'intégration, il importe de stabiliser les situations. Il serait hautement paradoxal - et, pour tout dire, franchement hypocrite - d'avoir dénoncé en décembre le retrait des titres de séjour imputables aux défaillances de l'administration (comme l'ont fait avec une belle ardeur Gérald Darmanin, Olivier Dussopt, Aurore Bergé ou Fadila Khattabi), si c'est pour multiplier trois mois plus tard les clauses de retrait du titre de séjour indépendantes de la volonté des intéressés et susceptibles de les replonger dans la vulnérabilité. Le travailleur perdra-t-il son titre si le métier en tension où il officie vient à se « détendre » ? Retombera-t-il dans l'illégalité si son entreprise ferme? L'État ne saurait passer son temps à donner de la main gauche pour reprendre de la main droite. Il doit donner aux personnes régularisées des gages de stabilité. L'idée de rendre tous les titres de séjour probatoires sur des critères inconstants risque tout simplement de réduire à néant ce versant de la loi.
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La vérité est que, migrations ou pas, les populations de la France n'ont jamais eu droit à la continuité historique et ce, quelle que soit l'époque considérée. Invasions, révolutions, Grande Peste, guerres civiles et guerres mondiales, conquête puis perte de l'Empire colonial, exode rural, vote des femmes, baby-boom, scolarisation massive, disparition d'une foule de métiers, effondrement de la pratique religieuse et des vocations, recul du mariage au profit de la cohabitation, diffusion des moyens modernes de contraception, divorce par consentement mutuel, suppression du service militaire, accès croissant des femmes aux responsabilités, construction de l'Europe, rétrécissement du territoire par la révolution des transports, informatisation de la société, communica- tion par les réseaux sociaux, pandémies, dérèglement du climat... Libre au lecteur de prolonger l'inventaire. La liste est longue des ruptures qui n'ont cessé de bouleverser notre histoire.
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Par ailleurs, les porteurs du projet ont-ils songé à l'effet de sélection que produira la connaissance du français comme prérequis? Elle favorisera (en probabilité, bien sûr, et toutes choses égales par ailleurs) les immigrés originaires des anciennes colonies francophones, à savoir le Maghreb et l'Afrique de l'Ouest, alors qu'une politique de diversification des origines aurait du sens. Pourquoi imposer au technicien syrien ou afghan un obstacle linguistique placé au seuil de la France, qui sera largement épargné à son homologue algérien ou congolais ? Les auteurs de la loi, apparemment, n'ont pas anticipé ce biais de sélection.
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Que l'extrême droite cultive le complotisme à outrance n'a rien de surprenant, c'est inhérent à son mode de pensée et de fonctionnement. Plus inattendue est la vision apocalyptique de la « crise des migrants» présentée en avril 2018 par Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur, au moment de défendre son projet de loi devant l'Assemblée nationale: Certaines régions françaises sont en train de se déconstruire parce qu'elles sont submergées par des flux de demandeurs d'asile. Cette vision d'un cataclysme migratoire ne traduisait aucunement la réalité. Elle reflétait d'abord le désarroi d'une administration locale mal préparée. L'outrance du discours révélait aussi l'incapacité à saisir les ordres de grandeur des phénomènes, ce qui est pour le moins surprenant pour un ministre en charge des questions migratoires..
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[…] pour réduire l'immigration clandestine des Comoriens, il faut “lutter contre l'attractivité sociale et administrative” de Mayotte. Idée pour le moins étrange. Car, enfin, que fait la France à Mayotte depuis des décennies, si ce n'est de bâtir à la périphérie des Comores un puissant foyer d'attractivité sociale et administrative ? Elle a attiré dans son orbite l'une des quatre îles de l'archipel dans les années 1960-1970 et organisé en 2009, avec l'appui décisif de quelques familles de notables, le référendum qui a fait de Mayotte le 101º département français. Les migrations depuis le reste de l'archipel ont été requalifiées dès lors en migrations étrangères. Or c'est un fait bien établi (voyez la base de données des Nations unies) que les taux de migration les plus intenses sur la planète s'observent dans les milieux insulaires, tant les individus s'y sentent à l'étroit pour déployer leurs projets.
[…]
Réduire l'attractivité de Mayotte est donc une tâche impossible pour la France, sauf à se retirer de l'île. L'irruption massive de migrants à Mayotte n'a rien d’une pression étrangère, c’est un afflux que la France a elle-même intensifié au-delà du raisonnable.
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