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Critique de Lamifranz


Parus en 1893, « Les Trophées » constituent la quasi intégralité, avec quelques poèmes de jeunesse ou d'occasion, de l'oeuvre poétique de José-Maria de Hérédia. (1842-1905). Curieux destin que celui de ce Cubain d'origine, mais par sa mère descendant d'une grande famille française cultivée. A Paris il se rapproche de Leconte de Lisle, Sully -Prudhomme et les tenants du Parnasse.
Stop ! Séquence info : le Parnasse, en littérature, est un mouvement qui en réaction contre le romantisme, jugé trop lyrique, trop sentimental, trop personnel, prône une poésie qui proclame l'art pour l'art, et la recherche de la perfection formelle. Ses instigateurs sont Théophile Gautier et Théodore de Banville (les deux Théo). Ses principaux représentants sont Leconte de Lisle, Sully-Prudhomme, Catulle Mendès, François Coppée, Léon Dierx… D'autres poètes, et non des moindres, Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, Mallarmé et les « poètes maudits » (dont Tristan Corbière) ont pu par certains côtés, se rapprocher de ces thèses.
« Les Trophées » sont un ensemble de 118 sonnets et quatre poèmes qui répondent aux grandes recommandations parnassiennes : l'excellence formelle, le culte de la beauté (s'appuyant entre autres sur une solide érudition et une maîtrise technique sans faille) et bien entendu, l'absence de lyrisme, d'interprétation personnelle, d'émotion. Cette exigence demande un formidable travail d'artisan, d'artiste, de « ciseleur », d'orfèvre » qui se traduit par un immense effort de concentration. Il existe un danger, évidemment : le résultat peut être beau mais froid. Or la poésie, (mais peut-être me trompe-je) a justement pour raison d'être et pour but de communiquer émotion et chaleur. le poète a donc intérêt à présenter une oeuvre idéalement parfaite, dont la beauté constitue l'unique – mais définitive- caractéristique.
Les sonnets De Hérédia sont parfaits : il maîtrise à la fois le vocabulaire (son érudition fabuleuse y pourvoit largement), manie la couleur comme un véritable peintre, joue avec les rythmes, et reconstitue de véritables tableaux : ses descriptions de batailles romaines sortent tout droit des meilleurs peplums, et sa vision épique donne une force descriptive d'une réelle efficacité. le top du top du sonnet chez Hérédia, figure dans l'apothéose du dernier vers :
Et sur elle courbé, l'ardent Imperator
Vit dans ses larges yeux étoilés de points d'or
Toute une mer immense où fuyaient des galères.
(Antoine et Cléopâtre)

Tous anxieux de voir surgir, au dos vermeil
Des monts Sabins où luit l'oeil sanglant du soleil,
Le Chef borgne monté sur l'éléphant Gétule.
(Après Cannes)
Ou penchés à l'avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l'Océan des étoiles nouvelles.
(Les Conquérants)
Hérédia sacrifie un peu à une mode du temps (et pas seulement de son époque) : l'attrait du clinquant, du bibelot, du « pompier ». Il est très éloigné de ces maîtres du sonnet qu'étaient avant lui Du Bellay et Ronsard, Hugo, Musset et surtout Nerval, mais la facture de son travail le place au niveau des plus grands (Baudelaire, Verlaine et Rimbaud), mais à part : il manque cette pointe d'émotion qui caractérise les génies.
Mais pour les amateurs de poésie bien léchée, alliant la maîtrise technique avec le souci du vrai et du beau, votez Hérédia, vous ne serez pas déçus.
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