AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Le siècle de Dieu (70)

Cette dame, pensa Viviane, a le sens de la beauté, de la poésie, elle aime la nature. Qu’est-elle d’autre qu’un oiseau prisonnier ? Mais elle craignait que, même la porte de sa cage ouverte, l’oiseau ne puisse plus s’envoler.
Commenter  J’apprécie          50
Viviane interrompit sa lecture. À une certaine admiration pour cette femme si pieuse et docile se mêlait de l’irritation. Jeanne était de la race des mystiques que l’extase et les visions délivraient d’une existence difficile subie sans tenter de rien y changer, comme si la volonté de Dieu était l’inertie, ou la négation de tout bonheur humain. Sa propre nature, positive, active, généreuse, la portait vers la vie. Pourtant, comme Jeanne, elle aurait eu bon nombre de motifs de se lamenter : orpheline à six ans, pauvre, recueillie par un oncle qui avait fait d’elle une sorte de fillette de compagnie pour Anne-Sophie, son enfant bien-aimée, vouée, faute d’une dot appropriée à sa condition, au célibat, elle avait pris son destin en main. (...)
Pour elle, le message christique était clair : le Royaume de Dieu appartiendrait à ceux qui soignaient les malades, recueillaient les enfants, visitaient les prisonniers, donnaient à manger à ceux qui avaient faim et à boire à ceux qui souffraient de la soif.
Comment rester en extase quand les légumes censés nourrir des affamés dépérissaient dans les potagers faute d’être arrosés ? Quand la soupe des pauvres brûlait pour ne pas avoir été surveillée ? Quand des nourrissons hurlaient leur détresse ?

Chapitre 6
Commenter  J’apprécie          00
La jeune fille déplia les feuillets couverts d’une fine écriture. Tracés à la hâte, les mots se succédaient sans grande ponctuation. Certains avaient été écrits d’une main tremblante. Une femme tourmentée, pensa Viviane. Jeanne narrait son existence durant les douze derniers mois à Montargis. Elle avait perdu son père, une fille, mais ces deuils avaient été sublimés par un envoyé de Dieu, le père Lacombe, un religieux barnabite. Il avait suffi à cet homme d’apparaître pour que ses souffrances prennent un sens. Il serait ce que François de Sales avait été pour Jeanne de Chantal, Pierre d’Alcantara pour Thérèse d’Avila. Il la conduirait à la sainteté. Il lui offrirait l’évasion. Tout les unissait, un goût vif pour l’aventure spirituelle, un grand attachement à l’Enfant Jésus entièrement soumis à ses parents, une nature sensible et vivante, une répulsion pour les choses basses et ordinaires de la vie. Leur cœur était trop loin du corps pour se complaire à la plus innocente sensualité. Tandis qu’il se rendait à Rome pour occuper une chaire de théologie, elle avait contracté dans le secret un mariage mystique avec l’Enfant Jésus, modèle de l’obéissance, qu’elle voyait souvent en rêve. Obéissance à Sa volonté mais, hélas, à celle de son époux pareillement. Accouchée d’un fils, elle était à nouveau enceinte.

Chapitre 6
Commenter  J’apprécie          00
À côté de l’église Saint-Lazare, un cimetière était réservé aux enfants de l’Hôpital général. Les sœurs de la Charité faisaient graver un nom sur la croix afin que leur mémoire ne disparaisse pas tout à fait. Mais le temps, l’absence d’entretien les effaçaient bien vite. Ne demeuraient qu’un peu de mousse, les débris d’un chérubin de porcelaine. Viviane aimait imaginer leurs petites âmes dans un oiseau, une fleur, un joli nuage rond. Si Dieu était partout, pourquoi pas ses petits anges

Chapitre 6
Commenter  J’apprécie          00
Souvent elle avait pensé à Jeanne Guyon, également mal mariée mais soumise, privée de toute estime d’elle-même par une marâtre qui dominait toujours un fils vieillissant. Dieu la secourait. D’après la duchesse, elle passait en prières une partie de ses journées, ravie d’amour, enfin libre. Mais pour payer le prix de cette félicité, de cette rencontre passionnée, elle portait un cilice, se frappait de verges, se piquait avec des aiguilles, s’affamait. Tant de haine pour soi-même, pensait Viviane, tant d’impuissance à s’affirmer autrement qu’en se torturant !

Chapitre 6
Commenter  J’apprécie          00
Viviane songea à sa cousine. Depuis le départ de Charles, il lui semblait voir de la crânerie dans ses sourires. Elle paraissait vivre comme à l’accoutumée, mais à de minuscules détails, Viviane constatait que tout avait changé. Toujours en retard, Anne-Sophie était devenue exacte comme une horloge bien réglée ; gourmande, difficile même auparavant, elle mangeait désormais ce qu’on lui servait sans même regarder le contenu de son assiette ; volubile, elle restait parfois de longs moments silencieuse. Mais elle allait, venait, recevait, sortait, toujours mise à la mode, coiffée, parfumée, impeccable. Appréciée du roi, sa compagnie était recherchée par l’ensemble des courtisans. Avait-elle un galant ? Aucune confidence n’avait passé ses lèvres. Viviane s’affligeait. À quoi bon faire semblant d’être heureuse quand on souffrait ? Mais que conseiller à sa cousine ? Sa propre inexpérience la rendait impuissante face à ses problèmes d’épouse.

Chapitre 6
Commenter  J’apprécie          00
La douleur que Viviane avait éprouvée au début de sa mission avait fait place à une acceptation sereine. Dieu lui demandait de soulager, d’aimer, pas de juger. Était-ce ce Dieu qui faisait les ivrognes ? Lui qui permettait qu’on renverse les filles trop jeunes au coin d’une rue, dans un taudis ? Lui qui décourageait les candidates nourrices pas assez payées ? Le gâchis occasionné par les hommes devait être réparé par d’autres hommes.

Chapitre 6
Commenter  J’apprécie          00
Pensivement, la duchesse observa son amie. – Quel plaisir pouvez-vous éprouver à la vue de ces petits malheureux ? Je ne ressens, quant à moi, que du chagrin. – Le plaisir d’aimer, madame la duchesse, celui de donner un baiser, de chanter une chanson. Leur avenir est certes bien noir et c’est la raison pour laquelle le présent a une telle importance. Des moments heureux sont tout ce que nous pouvons offrir à ces enfants. Demain, certains seront morts. J’aime à penser qu’ils ne partiront pas privés de toute affection.

Chapitre 6
Commenter  J’apprécie          00
Durant le brusque silence qui suivit, Anne-Sophie chercha désespérément des arguments en sa faveur et ne les trouva pas. À quoi bon rappeler qu’elle avait vingt-cinq ans et qu’elle jouissait du bonheur de vivre ? Quant à Charles, quels efforts avait-il tentés pour apprivoiser une jeune épouse de seize ans ? Jamais il ne l’avait cajolée, complimentée, encouragée. Certes, il avait une haute idée du mariage chrétien, mais ses vertus étaient-elles suffisantes pour ouvrir la porte du bonheur ? Physiquement, il n’avait cessé de la heurter, lui rendant insupportable le devoir conjugal. L’amour était-il pour lui un acte aussi bref que possible que l’on devait accomplir furtivement, toutes lumières éteintes, sans même ôter sa chemise de nuit ?

Chapitre 5
Commenter  J’apprécie          00
La vue de ses beaux-parents assis de chaque côté de la cheminée la glaça. Dans cette chambre que les Vieilleville avaient conservée conjugale après trente ans de mariage, Anne-Sophie avait passé des moments heureux durant les quelques mois qui avaient suivi son mariage. Recouverts de tapisseries fleuries bordées de franges, de gros fauteuils aux pieds torsadés entouraient une table hexagonale incrustée de nacre. En face du lit, un délicieux cabinet italien d’ébène marqueté de fleurs superposait des petits tiroirs dans lesquels la marquise serrait les lettres de ses amies, classait des mémoires à régler. Au centre du cabinet, une niche entourée de fines colonnettes abritait la statuette d’une vierge à l’enfant gardienne de la vertu familiale.

Chapitre 5
Commenter  J’apprécie          00






    Lecteurs (73) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Quelle guerre ?

    Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

    la guerre hispano américaine
    la guerre d'indépendance américaine
    la guerre de sécession
    la guerre des pâtissiers

    12 questions
    3235 lecteurs ont répondu
    Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

    {* *}