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Citations sur Le siècle de Dieu (70)

Ses parents lui avaient narré l’affaire de Loudun, le procès du père Urbain Grandier, torturé puis brûlé vif en 1634 parce que sept nonnes d’un couvent d’ursulines et leur supérieure, mère Jeanne des Anges, disaient avoir été ensorcelées par lui. Séduisant, séducteur, le curé avait attiré la convoitise de Jeanne des Anges qui l’avait sollicité pour être le confesseur de sa communauté. Après son refus, une haine implacable l’avait littéralement habitée.
Des mois durant, elle-même puis toutes les sœurs avaient eu d’effroyables convulsions, avaient exposé sans pudeur leurs parties intimes, s’étaient mises à baver, à hennir, à aboyer, à se contorsionner, possédées, clamaient-elles, par une armée de démons. Les exorcistes appelés à l’aide, tout aussi hantés que les malheureuses, n’étaient parvenus à rien. Tous haïssaient Grandier qui s’était montré hautain au temps où il occupait le haut du pavé à Loudun. En outre, le malheureux curé avait, quelques années plus tôt, commis un pamphlet contre le cardinal de Richelieu. Celui-ci ne pardonnait jamais. Quoique certain de l’innocence de Grandier (il ne croyait guère aux démons), le cardinal avait voulu l’écraser, le faire souffrir, l’anéantir. Juges et témoins avaient été soigneusement sélectionnés, les amis de Grandier ou ceux susceptibles de témoigner à sa décharge expulsés de Loudun.
Mais quand le corps du prêtre avait été réduit en cendres, après d’inhumaines tortures afin d’obtenir des aveux qu’il n’avait jamais signés, les démons, sans doute satisfaits chez les ursulines, avaient refusé de quitter la place. Il avait fallu l’intervention d’autres exorcistes et surtout la puissance du temps pour faire décamper la horde infernale. Jeanne des Anges qui, par son hystérie, avait conduit un innocent à la plus atroce des morts, était désormais considérée comme une sainte. Le roi Louis XIII, la reine, Gaston d’Orléans l’avaient reçue. Elle jubilait. On la comparait aux plus hauts mystiques. Une vie réussie en dépit de la violence qui lui avait été faite, des années plus tôt, par des parents désireux de la fourrer dans un couvent alors qu’elle n’avait nulle vocation mais un grand goût pour les hommes. Tout finissait bien.

Chapitre 36
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Anne-Sophie ne put retenir ses larmes. Quelque chose se passait ici, dans le petit cimetière de Saint-Médard, plus fort que la raison, que l’ordre naturel des choses. Catholique pratiquante, elle avait cependant toujours douté de la présence des démons, cette longue litanie d’anges maléfiques qui avaient habité le corps et l’esprit des hommes : Asmodée, Léviathan, Balaam, Isacaron, Eazaz, Caron, Zébulon et tant d’autres dont elle avait oublié les noms. Ils avaient tourmenté des religieuses, hanté des ecclésiastiques, semé le désarroi dans des pensionnats de jeunes filles. L’ennui, les frustrations, des rêves jamais réalisés, une docilité constante à des autorités oppressives, le manque d’amour, la privation de toute volupté s’emmagasinaient chez les possédés, arrivaient à maturité comme d’effroyables fœtus et venaient enfin au grand jour en les déchirant. Les monstres dont elles accouchaient étaient le fruit de leurs entrailles de femmes, des chimères mûries dans les répressions familiales et sociales.

Chapitre 36
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On se leva pour l’entrée du roi. Il tenait par la main sa jeune épouse. Les orgues tonnaient, les fumées d’encens noyaient l’autel d’une vapeur douceâtre. Anne-Sophie fut agréablement surprise par la reine : grande, mince, le teint clair, de beaux yeux, Marie semblait heureuse, épanouie aux côtés d’un mari devenu vite un homme très aimé. Beau, souriant mais toujours réservé, le roi portait à merveille son habit de Cour, le cordon bleu du Saint-Esprit et la croix de Saint-Louis. Partout où passait son carrosse, on l’acclamait. Il était le « Bien-Aimé », un souverain choisi par Dieu pour offrir le bonheur à ses sujets.

Chapitre 35
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Caressé, flatté, le très jeune prince, que l’on disait beau comme l’amour quand il dansait, héroïque lorsqu’il chassait, travailleur exemplaire et éclairé quand il se penchait sur des dossiers, restait lucide et on décelait même chez lui de l’embarras lorsqu’il était loué à l’excès. Intéressé par les sciences, en particulier l’astronomie et la géographie, il se reposait des tumultes de la Cour en s’enfermant dans un cabinet particulier qu’il s’était fait aménager en entresol au-dessus de ses appartements. Peu de ses amis y étaient admis.

Chapitre 35
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Le régent et le cardinal Dubois étaient morts depuis deux ans. (...)
Le jeune roi donnait l’exemple. Beau, satisfait d’être désormais le seul maître de la France, heureux d’avoir réintégré le palais de son arrière-grandpère, il s’était séparé sans regret de la trop jeune infante d’Espagne, renvoyée chez son père, et s’apprêtait à épouser la fille du roi de Pologne détrôné, Stanislas Leszczynski, de deux années plus âgée que lui. On reprochait à la princesse une naissance peu prestigieuse, mais elle pourrait vite donner un dauphin à la France. Enivré par sa liberté toute nouvelle, le roi chassait avec une passion entretenue par son grand-oncle, le comte de Toulouse, grand veneur de France, qui l’accueillait volontiers dans son domaine de Rambouillet.

Chapitre 35
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– L’âme humaine n’a point changé et ne changera pas, mon amie. Voir souffrir un homme est un excitant puissant qui fait oublier un moment l’ennui, la rancune, le désespoir. Cruauté et bêtise sont jumelles, et hélas fort bonnes amies avec beaucoup d’entre nous.

Chapitre 34
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Tout en pansant ses plaies, la France attendait avec bonheur ce nouveau règne. La peste faisait toujours des ravages à Marseille et une partie de la population avait fui dans les bourgades alentour. On installait des barrières sanitaires, exigeait des mises en quarantaine. De nombreux réfugiés périssaient sans soins dans les granges où on les avait entassés. La disette, la ruine de beaucoup de petits fermiers et artisans saignés par l’impôt avaient en outre jeté sur les chemins des ouvriers agricoles, des apprentis prêts à tout pour ne pas mourir de faim.

Chapitre 34
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(...) le règne de Louis XV. Ce roi jeune et beau saurait transformer la France. Dès l’été, celui-ci s’installerait de nouveau à Versailles. On lui avait donné comme fiancée une charmante petite infante, mais encore si jeune qu’il ne pourrait l’épouser avant des années. Louis ne se montrait pas enchanté. À douze ans, il éprouvait déjà un certain intérêt pour les femmes et ce bébé de trois ans ne lui inspirait aucune sympathie. Majeur à treize ans, il prendrait en main le gouvernement, écartant ainsi son oncle qui redeviendrait simple prince du sang après avoir gouverné la France pendant plus de sept ans avec l’abbé Dubois.

Chapitre 34
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Face à une France écrasée par sa dette, le régent avait prêté une oreille attentive à Law, tout juste arrivé à Paris. Cet économiste fortuné l’avait entretenu sur le système révolutionnaire qu’il avait élaboré : l’or et l’argent, moyens d’échanges, devaient être relayés par des billets de banque, beaucoup plus souples à utiliser dans les opérations financières. Cette nouvelle monnaie pouvait être imprimée selon les besoins de l’État et contribuer à lancer de grands projets dont les bénéfices profiteraient à tous. Possesseurs de billets, les plus modestes pourraient emprunter et faire fonctionner la machine économique. Son système, il en était persuadé, allait redonner souffle au commerce et à l’industrie, permettre l’embauche d’ouvriers, développer l’artisanat de luxe. Une banque générale échangerait l’or contre du papier-monnaie sans frais de courtage. Le succès avait été immédiat et, dès 1717, Law créait la Compagnie d’Occident après avoir racheté celle du Mississippi qui contribuait au développement de la Louisiane. En achetant des actions de la Compagnie, les épargnants participeraient à cette énorme et profitable entreprise. Les bénéfices promettaient d’être considérables. Alléchés par le gain, une foule de Français l’avaient suivi et en 1718 Law avait créé la Banque royale.

Chapitre 33
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Se sentant à toute extrémité, le roi venait de recevoir le petit dauphin conduit par madame de Ventadour. Il lui avait fait un beau discours pour l’inciter à éviter les guerres, trop souvent entreprises par vanité. Puis il avait recommandé l’enfant à sa chère gouvernante et à son confesseur. Le dauphin avait quitté en larmes la chambre de son arrière-grand-père.

Chapitre 32
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