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Critique de kielosa


Je sais que je m'aventure sur du terrain glissant en faisant la chronique d'un livre écrit par celui qui passe comme le père du sionisme.
Ce qui est un peu dommage, car sur à peine 92 pages, le journaliste autrichien, Theodor Herzl, fait un bilan de la situation des Juifs en Autriche - et par extension dans un nombre d'autres pays - à la fin du XIXe siècle extrêmement lucide. Ce serait une erreur de le rejeter purement et simplement comme sioniste et la cause lointaine du sort des Palestiniens et des conflits au Moyen-Orient. Comparé à ce petit essai, "Réflexions sur la question juive" de Jean-Paul Sartre par exemple ne pèse pas bien lourd, et je mesure mes mots !
Que j'ai hésité avant d'entreprendre cette critique, je l'admets volontiers, mais je me suis dit qu'après tout lire ce manifeste d'Herzl permet de mieux comprendre des écrivains comme Stefan Zweig et Joseph Roth par exemple, quand bien même s'ils n'ont jamais été sionistes. Je ne vais pas refaire l'histoire du sionisme, de la déclaration Balfour sur la création d'un "foyer juif" de 1917 à la création de l'État d'Israël en 1948, mais me limiter à situer l'analyse d'Herzl, telle qu'il l'a publiée en 1896. Je ne vais pas non plus approfondir l'essai de Claude Klein "de l'État des Juifs à l'État d'Israël ", qui accompagne l'essai initial de Herzl dans l'édition de "La Découverte" de 2003.

Je dois reconnaître que j'avais terminé ma chronique depuis belle lurette, mais que je continuais à hésiter à l'envoyer à Babelio. C'est finalement un commentaire récent de Bookycooky, que nous apprécions tous sur notre site préféré ét pour le choix de ses lectures ét la qualité de ses billets, qui m'a sorti de ma torpeur. En réaction à ma critique du livre "Dans la fosse des tigres", elle m'a encouragé à écrire des billets "sur ce qui se passe vraiment dans le monde...ce monde (qui n'est) pas Mars". À propos de la dernière bêtise du Grand Trump de transférer l'ambassade US de Tel Aviv à Jérusalem, ce qui est contraire aux intérêts légitimes des Palestiniens, hypothèque gravement les relations avec le monde arabe et l'Iran, provoque une relance du terrorisme et bute contre l'incompréhension du reste du monde. Même le pape s'est inquiété de cette décision peu réfléchie du Super Donald, indiquant que Jérusalem est un endroit saint pour 3 religions monothéistes : le judaïsme, l'islam et la chrétienté. Cette rupture avec une tradition de presque 70 ans n'est pas bonne pour les Juifs non plus et il n'y a que des politicards comme Benyamin Netanyahou - un des pires premiers d'Israël depuis 1948 - à s'en réjouir et s'étonner des réactions dans le monde ! Que cette initiative "trumpiste" fera la joie des antisémites ne fait pas l'ombre d'un doute, mais ce qui est pire c'est qu'elle nourrira les sentiments contre L'État d'Israël, les Juifs et la solution de Theodor Herzl.

Theodor Herzl est né à Budapest en 1860 dans une famille de riches Juifs assimilés. Il fit des études de droit à l'université de Vienne, mais abandonna assez vite une carrière de juriste pour devenir journaliste. Son journal l'envoya à Paris, où il fut témoin de la dégradation d'Alfred Dreyfus en 1895. Bien que différentes thèses s'opposent sur l'impact de l'affaire Dreyfus sur Herzl, il est incontestable qu'elle a rendu Herzl conscient de la question juive. Voir à ce propos "Le monde d'hier" de Stefan Zweig. Son mariage avec Julie Naschauer fut malheureux et ses 3 enfants meurent jeunes : sa fille Pauline d'une overdose et à son enterrement son fils Hans se suicide, "Trude" (Margarethe), sa plus jeune fille, au camp nazi de Theresienstadt (Terezín, en Tchéquie), son grand fils Norman, se suicida à Washington à l'âge de 28 ans.
Theodor Herzl meurt lui-même à l'âge de 44 ans d'une sclérose cardiaque.

L'auteur part d'un constat d'échec pour les Juifs en Europe. En Europe de l'est (Russie, Pologne, Ukraine, etc.), il y a les pogroms, tandis qu'en Europe centrale et l'Europe de l'ouest, il y a des campagnes antisémites plus ou moins violentes. de soi-disant bouquins "scientifiques" ne font qu'encourager cette regrettable tendance. Ceci est notamment le cas de Houston Stewart Chamberlain (1855-1927), qualifié de théoricien "racialiste" et le comte Arthur de Gobineau (1816-1882) avec son "Essai sur l'inégalité des races humaines", une vaste fumisterie de 1853. Et puis tant d'autres scribouillards, tels certains journalistes en mal d'inspiration, mais jaloux de la fortune des Rothschild par exemple, qui en concluent allègrement à un complot mondial et monstrueux des financiers juifs. Ils oublient bien sûr la misère des pauvres Juifs de l'est ("Ostjuden"), en dépit d'une littérature pourtant abondante, entre autres des frères Singer, Isaac Bashevis et Israël Joshua, et plus tard de Joseph Roth et Stefan Zweig.

Comme des mesures de la part d'un nombre croissant des Juifs en Allemagne, à Vienne, Budapest etc., comme la conversion au christianisme et le changement de nom de famille ne servent pas à grand-chose, puisqu'ils restent soumis à une interdiction d'accès à certains endroits et demeurent victimes de lois raciales, tel le "numerus clausus" aux universités, Theodor Herzl prône la création d'un État Juif, le "Eretz Israel" dans les terres leur ayant appartenu avant.

J'ai lu cet ouvrage comme si j'eusse été un intellectuel juif au moment où est paru son essai, en faisant abstraction des réalités politiques intervenues bien plus tard, et je dois admettre que beaucoup de ses arguments sont très convaincants. C'est dans cet esprit que je vous invite à lire ce document remarquable de Theodor Herzl.
Pour une étude approfondie du sionisme, je conseille l'excellent ouvrage de Walter Laqueur "Histoire du sionisme", en Français en 2 tomes.
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