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Critique de MathieuK


Félicité Herzog, dont c'est le quatrième roman, convoque L Histoire pour retracer la rencontre de sa mère, Marie-Pierre Brissac avec son premier mari, Simon Nora.

Tout les oppose.
Marie-Pierre est issue d'une famille de la grande noblesse française, catholique et antisémite, chez qui l'on croise tout ce que le Paris occupé a compté de lâchetés et de compromissions, de Morand à Drieu La Rochelle, de Josée Laval à Coco Chanel.
Simon est juif ashkénaze, intellectuel engagé, résistant de la première heure, héros du maquis du Vercors.

Leur amour devra se jouer des préjugés de classe, de l'antisémitisme tenace et de l'autorité parentale dans cette France d'après-guerre où les femmes ont gagné le droit de vote, mais doivent encore demander l'autorisation de se marier.

C'est un roman lucide et téméraire sur les divisions de la société française, vite oubliées pour permettre la reconstruction du pays, à l'image de cette allocution du Maréchal Pétain acclamé au balcon de l'Hôtel de Ville de Paris le 26 avril 1944, soit à peine six petites semaines avant le débarquement. Ce courage de mémoire s'oppose aussi à celui de la devise de la maison de Cossé-Brissac, Virtute Tempore (Du courage et du Temps), qui offrit après-guerre une excuse toute trouvée pour s'être accommodée du gouvernement de Vichy qualifié rétrospectivement d'accident de régime” et ne pouvant remettre en cause six siècles au cours desquels cette famille s'est mise au service de la France.

J'ai aimé ce roman à l'écriture fluide, simple, sans chiqué et qui ne s'embarrasse pas de thèmes qui ne servent pas le propos, comme c'est parfois le cas dans la littérature contemporaine. A travers l'émancipation de Marie-Pierre de son carcan familial, affleure toutefois un féminisme éclairé, dans lequel j'ai aussi lu un manifeste pour l'éducation et la culture, hommage à la France des Lumières.

La libération à laquelle fait référence le titre est celle qui a permis, après la guerre, la rencontre entre les deux amants ; c'est aussi celle de l'auteure qui règle ses comptes avec son passif familial et se réjouit autant de l'union de Marie-Pierre et Simon que de la défaite de ses grands-parents à l'annonce du mariage. “Pierre était anéanti. Elle aussi”.
Il aurait pu s'appeler Un Bien fou, titre déjà pris par Eric Neuhoff qui se délecte dans son roman du tour joué à l'amant de sa femme.
Mais il y a peut-être autre chose…Cette libération est-elle seulement brève car on ne se débarrasse pas d'un trait de plume d'un sentiment de culpabilité transmis par un inconscient collectif familial? Ou faut-il lire dans cet adjectif l'ombre de drames familiaux plus profonds?

Tolstoi écrit en incipit de Anna Karenine : les familles heureuses se ressemblent toutes ; les familles malheureuses sont malheureuses chacune à leur façon.
Rien n'est plus vrai.

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