Chacun a son
Paris en tête. Les écrivains bien sûr, mais aussi les peintres et les photographes, ont tenté d'exprimer cette attraction mystérieuse, voire mystique que la cité-coeur de France a exercé sur eux. Les vers de
Baudelaire, d'
Apollinaire, et de Villon avant eux, ont défriché cette sensation étrange et subtile qui fait de
Paris un rêve de ville, un lieu magique, un carrefour de souvenirs enfouis, une mélancolie en action. Ce sentiment, les plus talentueux piétons de
Paris -d'
Aragon à Fargue, de Breton à Calet- l'ont mis en mots, Manet, Utrillo et autres Monet en peinture, Atget, Doisneau et Brassaï en images.
Le duo André Dunoyer de Segonzac-Paul
Morand s'inscrit dans cette prestigieuse lignée, les eaux-fortes du premier se mariant admirablement au récit du second.
Morand a balisé son projet. Son livre écrit au début des années 70 caresse l'ambition de "descendre dans les siècles" avec pour objectif d'être "un
Parisien de toujours". Son admiration sourd de cette remarque : "Existe-t-il une autre ville au monde offrant semblable stratification de siècles?"
Et ces strates, il va les parcourir, les remuer, les tamiser pour y pêcher les visions
De Musset,
Balzac,
Verlaine et de tous les plus grands qui ont hanté les rues et quartiers de
Paris, s'en sont inspirés, les ont transformés en mirages éblouissants.
Morand ne néglige nullement l'envers du décor, et la perte de rayonnement de la cité à son époque -donc en 1970- car "ce qui compte à
Paris, dit-il, c'est le négatif du film qu'on y tourne.". Pour autant, conclut-il "J'allais être ingrat :
Paris m'a donné la vie". En tout cas, son petit livre et les sept gravures tendres et dépouillées de Dunoyer de Segonzac méritent toute notre gratitude d'amoureux de
Paris.