Ce livre, lorsque j'ai entendu l'avis qu'en avait fait Audrey, du compte le Souffle des Mots, j'ai tout de suite eu envie de le lire. D'autant que j'avais déjà beaucoup apprécié
La fille d'Avril d'
Annelise Heurtier.
Ici, on nous parle des zoos humains, monstruosité totalement inhumaine, qui a pourtant existé jusque vers la Seconde Guerre Mondiale. Ces zoos avaient pour but, à l'époque où l'on parlait encore des empires coloniaux, d'exposer des êtres humains, venant des différentes colonies, plus ou moins éloignées, dans leur cadre de vie "naturel" (je mets de guillemets, vous comprendrez pourquoi), en plein coeur de Paris. L'occasion pour les Français de découvrir ces autochtones de contrées lointaines, qui apprenaient pourtant à l'école que leurs ancêtres étaient les gaulois...
Je parle de monstruosité car il s'agissait d'arracher à leur terre natale des dizaines d'autochtones, comme c'est le cas dans ce roman pour Edou et ses compagnons de Nouvelle Calédonie, pour les ramener en France et les parquer dans des sortes d'enclos censés reproduire leur cadre de vie pour montrer aux Français la culture des colonies. le problème, c'est que, comme Edou s'en rend très vite compte lorsqu'il arrive au jardin d'acclimatation de Paris, c'est que ces enclos ne sont absolument pas représentatifs de leur vrai cadre de vie. le problème, c'est qu'on les présente sous un faux visage, en leur demandant de jouer un rôle qui ne correspond ni de près ni de loin à ce qu'ils sont vraiment. Ainsi, Edou se retrouve à devoir faire semblant qu'il est un sauvage cannibale alors que ce n'est pas du tout ce qu'il est. Edou est un chrétien, qui va à l'école, qui vit dans de vraies maisons (et pas dans des cases), qui porte de vrais vêtements (non, il ne se balade pas torse-nu avec un pagne pour seul habit et des colliers de coquillages autour du coup).
J'ai aimé la façon dont ce roman dénonçait très justement ces expositions coloniales qui donnaient aux colons à voir les "sauvages" des colonies, dans le but de montrer l'intérêt du colonialisme qui vient civiliser ces populations, et de montrer aussi la supériorité de l'homme blanc. Ce que j'ai aimé, aussi, dans ce roman, c'est la déconstruction de tout cela, personnifiée par le personnage d'Edou, mais aussi de Victor qui ouvre les yeux, qui s'intéresse à Edou et aux siens, qui est suffisamment observateur pour se rendre compte qu'en dehors des spectacles programmés, ces "sauvages" n'ont pas du tout le même comportement que lorsqu'ils sont "sur scène", Victor qui ose s'approcher d'Edou et lui poser des questions, qui est suffisamment intelligent pour comprendre ce qui se joue dans cet enclos et pour faire ce qu'il faut pour changer les choses autant qu'il le peut.
J'aime beaucoup la plume d'
Annelise Heurtier, c'est agréable à lire, facile à appréhender, à suivre. On sent que le récit est bien documenté, à travers toutes les références, les diverses coupures de journaux (réelles) qu'elle insère dans son texte. J'ai aimé la façon dont elle abordé le sujet, ce qu'elle en a fait, ce qu'elle nous amène à en penser.
Ce fut une belle découverte, un roman sur un sujet important, à mettre entre toutes les mains.