De son emprisonnement, cinq ans plus tôt dans une prison de Tunis,
Pauline Hillier propose un roman poignant et édifiant sur la condition des femmes enfermées mais aussi de celles de ce pays.
Fin mai 2013,
Pauline Hillier manifeste seins nus avec d'autres Femen devant le Palais de Justice de Tunis durant le procès de
Amina Sbouï, militante féministe. Elle avait posté sur les réseaux sociaux une photo d'elle, seins nus, affirmant en commentaire «
Mon corps m'appartient et n'est source d'honneur pour personne ».
Séquestrée par des groupes extrémistes, elle décide de taguer un mur d'un cimetière pour dénoncer son traitement. Arrêtée, elle subit une peine d'emprisonnement de deux ans et demi pour possession de bombes aérosols et profanation d'un cimetière. Pour protester contre son arrestation abusive, deux Femen françaises, dont
Pauline Hillier, et une allemande ont été incarcérées.
Pauline Hillier choisit dans ce roman
Les contemplées de se présenter seule pour raconter son incarcération et donner voix, corps, histoires à ces femmes, parias d'un monde sous le joug d'un patriarcat absolu, oubliées et muselées, au fin fond de la Manouba, la prison de femmes, dans le pavillon D.
Pauline Hillier n'épargne rien des conditions terribles de détention, les odeurs, la saleté, les cafards, la chaleur, la brutalité des gardiennes, la promiscuité, le manque d'intimité, etc. mais démontre la solidarité qui règne dans ce pavillon, un peu moins violent que les autres, qui rassemble vingt-sept femmes de tous âges, de toutes conditions, de toutes origines dans un espace si réduit que certaines sans lit couchent par terre, tête bêche avec une autre.
Trouvant le subterfuge de lire dans les lignes de la main, “La voyante”, comme elle est surnommée au début, entre en contact avec certaines de ces femmes. Et ce simple geste du toucher suffit à libérer la confiance pour que chacune raconte un peu de son histoire. de celle qui affirme,
Pauline Hillier devient celle qui écoute et accueille.
Et, les portraits de ces femmes que
Pauline Hillier nous transmet prennent consistance : La Cabrane, cheffe du pavillon d'et sa vie de “mord-la-poussière”, Fuite et sa foi opportuniste, Hafida la généreuse au ventre qui s'impose, la si vieille Boutheina et ses médicaments secrets, mais aussi Samira, Chafia l'insomniaque, Warda et tant d'autres.
Ayant emmené dans son voyage de contestation un seul livre,
Les Contemplations de
Victor Hugo, ce recueil de
poèmes lui servira, à la fois, d'instants d'évasion, de journal intime et de mémoire codée.
Pauline Hillier les a aimées ses Contemplées, femmes de rien, prisonnières ou matonnes, brutales ou désarmées, mais toutes bafouées par l'arbitraire qui leur dénie toute humanité.
Plus qu'un roman,
Les Contemplées sont un hommage au courage de ses femmes opprimées, réduites à l'état d'esclaves par un arbitraire sociétal, religieux et ancestral qui ne reconnaît à cette partie de l'humanité aucune liberté.
Une force de vie et des brins d'humour, quelque fois ironique pour accepter l'insoutenable, rendent la découverte de ce récit indispensable et aisé. Par contre, difficile de ne pas succomber à la révolte contre l'injustice en constatant les motifs d'incarcération, leurs conditions de vie, et les modalités d'une justice qui n'a de juste que le nom.
Libérée au bout de quelques mois,
Pauline Hillier nous laisse continuer à faire vivre ces femmes, nos soeurs de misères, qui ressemblent tellement à celles qui peuplent les prisons iraniennes actuellement et dans d'autres endroits du monde.
Ne les oublions pas !
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