Dans ce livre en grande partie autobiographique, l'autrice nous explique qu'elle s'est retrouvée enfermée dans une prison pour femmes en Tunisie, la Manouba ; elle avait manifesté avec le mouvement FEMEN devant le Palais de Justice de Tunis pour demander la libération d'une femme emprisonnée abusivement.
Incarcérée - on l'a prévenue - avec des délinquantes, des tueuses, des folles, elle arrive terrorisée et en colère en détention ; dans la cellule de 30 m2, 28 femmes sont entassées et il va bien falloir faire avec ; petit à petit, au milieu des cafards, des moisissures et des odeurs insupportables, elles vont s'apprivoiser, essayer d'inventer un langage commun, ou au moins des gestes qu'elles comprennent.
Elle n'a pu garder qu'un livre avec elle la nouvelle prisonnière, alors c'est dans les marges des pages des "Contemplations" de
Victor Hugo, qu'elle écrira ses réflexions, son quotidien, "des notes chaotiques" et des petits batons pour compter les jours...
Il y a deux dominantes dans le groupe, et Bolona comme l'appelent ses codétenues qui en a terriblement peur au début va les amadouer : elle a quelque talent de "voyante" cette française, elle sait lire dans les lignes de la main, alors les deux femmes, condamnées pour meurtre pourtant, vont l'adopter, la choyer. car elles auront pu lui raconter leur histoire et voir qu'elles étaient entendues, comprises. Dans une prison aussi dure, pas de survie si on n'est pas aidée et protégée...
Les histoires de ces femmes sont souvent terribles, presque toutes en rapport avec l'hyperdomination des hommes de leur famille, père, frères, maris, oncles qui n'ont que mépris pour elles et qui tapent trop et trop souvent ! Alors, parfois, les femmes ne supportent plus, surtout quand les coups tombent sur les enfants.
Le système judiciaire peut faire disparaître des vies dit
Pauline Hillier, sans essayer de comprendre et sans aucune perspective de réinsertion ou de réhabilitation. La dénonciation de certains jugements et des conditions de détention est implacable !
De plus en plus beau et attachant au fil des pages, ce récit passionnant et bien écrit montre la force de la sororité et la dignité conservée de femmes qui ont pourtant été maltraitées toutes leur vie.
Extrait p 88 : " Les filles me racontent leurs vies, me montrent des photos de leurs enfants, m'informent sur l'avancement de leur procès. Elles poursuivent mon éducation aussi, sur les moeurs de la prison, ses codes, son vocabulaire, ses lignes rouges et ses zones grises. Elles me racontent les couleurs de leur campagne, les odeurs de leur jardin, le goût de leur cuisine, me vantent les beautés de leur région, des tapis de Kerouan aux poteries de Nabeul ".
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