J'ai adoré lire ce livre.
L'auteur postule qu'il existe une part en chaque être humain (vivant?) qui échappe aux déterminismes de l'inné et de l'acquis. Il y aurait pour chacun une image primordiale, un quelque chose qui aurait choisi nos circonstances terrestres pour s'accomplir. Et de cet accomplissement (qui nous est imposé, donné) dépend, non pas le bonheur, mais la pleine réalisation de soi. Et donc l'incarnation de sa juste place dans le monde.
Ce sont des thèses difficiles à entendre de nos jours si on n'est pas un peu sensible à la transcendance, si on n'accepte pas qu'on ne doive pas tout à notre volonté et à nos mérites.
Je regrette que l'édition de ce livre (esthétique très développement personnel, new age) contribue à perpétuer un malentendu : tout ce qui relève de l'invisible appartient à une charlatanerie de bas étage.
Il est intéressant de se demander pourquoi nous sommes tellement prémunis contre ce genre de vision.
Personnellement, cela m'inspire beaucoup et me ressource.
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Le postulat sexuel nous a gâté le regard. Nous ne sommes plus capables d'envisager une affinité sur des bases spirituelles. Nos diktats culturels débusquent un désir sexuel inconscient dans toute relation personnelle, l'envie de copuler dans toute affinité et une tentative de séduction dans la moindre confidence. En réalité, le ressort de chacune des relations que nous avons évoquées était une vision, une aspiration commune : les membres du couple étaient amoureux d'un même idéal. (...)
John Keats nous a ouvert les yeux sur le travail créateur de la perception dans les affaires humaines en écrivant : "Je tiens par-dessus tout à la vérité, au caractère sacré des élans du coeur et de l'imagination." Sa formule traduit les fondements plus qu'humains de l'art de l'empathie. Le talent de mentor se met en oeuvre dès que l'esprit tombe amoureux de la vocation de quelqu'un d'autre. Cela suppose forcément une composante érotique, dont Socrate nous avait appris l'importance éducative, n'en déplaise aux partisans de l'apprentissage par ordinateur qui voudraient le faire disparaître, et au dogmatisme sexuel qui ne voit que détournement de mineur, tentative de séduction, harcèlement ou simple expression d'un vulgaire besoin hormonal dans toute affinité personnelle.
P. 118 - Ce que je ne vois pas, je ne le connais pas ; ce que je ne connais pas j'en ai peur. Ce dont j'ai peur, je le hais. Ce que je hais, je veux le détruire. Voilà comment l'esprit rationnel en vient à préférer l'abîme aux voies d'accès entre les deux mondes.
Quand au désastre écologique que nous redoutons, il se déroule déjà sous nos yeux. Le désastre, c'est de se couper du monde en s'accrochant au mythe parental, de croire qu'on doit moins à ce qui nous entoure qu'à la famille. Car non seulement la mystification parentale nuit à la conscience de soi, mais elle annihile le monde.
Les bonnes intentions seront vaines tant que cette illusion ne sera pas dissipée. Le militantisme antiraciste et écologique, humanitaire, l'observation des oiseaux ou des baleines seront impuissants à nous rattacher au monde. Il nous faut procéder au préalable à une conversion psychologique, faire le saut, oublier le nid familial et faire confiance au monde.
La psychothérapie ne fait qu'aggraver les choses en rendant la famille responsable des troubles du développement. Elle détourne le patient de tout ce qui pourrait le rassurer et l'instruire. Vers quoi l'âme en peine se tourne-t-elle, quand elle n'a pas de psychanalyse à portée de main ? Vers les arbres, le bord de l'eau, l'animal de compagnie ; elle se plaît à errer dans les rues de la cité, à se perdre dans le ciel étoilé. Il suffit parfois de regarder par la fenêtre, de faire bouillir l'eau pour le thé, d'inspirer, d'expirer profondément, de se laisser aller, pour que quelque chose arrive de l'au-delà. Notre daimon, préférant la mélancolie au désespoir, semble alors apaisé. Le contact est établi.
L'intuition procure la certitude, pas nécessairement l'exactitude. Notre sensibilité mythique peut percevoir une réalité invisible authentique, mais on ne peut s'en assurer qu'en vérifiant les faits, en se référant à la tradition, en réfléchissant soigneusement et en faisant cas des sentiments.
La clarté de l'intuition, sa rapidité et son exhaustivité la rendent très convaincante, et du même coup peuvent lui faire manquer son but aussi rapidement qu'elle peut voir juste. Jung, pour qui l'intuition (aux côtés de la pensée, du sentiment et de la sensation) était l'une des quatre fonctions de la conscience, insistait sur la nécessité de la vérifier à l'aide des trois autres fonctions. Seule, elle peut miser sur le mauvais cheval aussi sûrement que sur le bon, ou s'engager avec la certitude de la paranoia, sans plus tenir compte de la logique, des sentiments et des faits.