Margarita jetait constamment des coups d’œil dans le miroir. N’ayant jamais possédé, ni même essayé, de bijou, elle venait de découvrir le pouvoir magique qu’exerçaient l’or, l’argent et les pierres précieuses. Ils soulignaient sa beauté. C’était sans doute pour cette raison qu’on les convoitait à ce point.
Margarita voulait ressembler à ces femmes élégantes qui fréquentaient Zonars, le nouveau café dans le centre d’Athènes. Elle les avait aperçues à travers les vitrines étincelantes, en train de déguster un café sans retirer leurs gants. En hiver, elles portaient du vison ; en été, de la soie pastel. Elles avaient toujours des mises en pli impeccables et arboraient, sans exception, de lourds colliers. Comme la mère de Marina, Margarita aurait un jour rendez-vous dans cet établissement, l’un des serveurs en livrée lui tiendrait la porte. Fière, elle passerait entre les tables, sur ses talons hauts, avec ses bas qui donneraient l’impression qu’elle avait les jambes nues.
Les enfants, inconscients des dangers environnants, avaient la liberté d’aller où bon leur semblait sous leur toit et ils emplissaient la bâtisse décatie de leurs cris et jeux turbulents. Themis était trop jeune pour y prendre part, mais elle s’asseyait au pied des marches afin de regarder ses frères et sœurs dévaler l’immense escalier central et glisser sur la rampe en bois lisse. La balustrade avait trois barreaux cassés, du même côté, ce qui créait un trou vertigineux sur le vide.
Enfin, tout le monde ne pense plus qu’au présent. Il serait bon de se tourner un peu vers le passé, de se souvenir que la situation a été bien pire.
Parce que la vie s’arrange toujours avec le temps. Parfois ça empire un peu avant. Mais sur le long terme, les choses s’améliorent.