Bande dessinée underground canadienne signée
Rand Holmes qui n'est pas exactement n'importe qui puisqu'il est entré, à titre posthume, dans le temple de la renommée canadien de la bd, les Giants of the North, en 2007. Ceci dit, et à ma grande honte, à part
Rand Holmes, j'ai beau regarder cette liste, je ne reconnais aucun autre nom.
La coke du Führer, c'est le retour (en France, coté édition) d'Harold Hedd, dix ans après
Marijuana à Tijuana. le zonard s'est un peu rangé semble-t-il. On le voit apparaître dans les cases mais il n'est pas spécialement "actif". le paumé moyen qui tire régulièrement sur le chichon a tendance à se liquéfier naturellement mais là, on fait dans l'évanescence et dans le transparent, et on frise même la disparition. Tout au plus joue-t-il le rôle de faire-valoir, puisqu'il n'est clairement pas le protagoniste principal de l'histoire qui tourne autour de son cousin Elmo, de sa copine Irma et d'un perroquet tout aussi irritant qu'il est fortement porté sur la bouteille. L'animal est une ficelle un peu trop facile des gags qui émaillent le début de l'histoire mais il est nécessaire pour dénouer la situation finale (il faudrait pouvoir lire la bd complètement pour comprendre toute la subtilité des fines allusions que contient cette phrase et il m'est cependant difficile d'en dire plus sans gâcher le plaisir de la découverte du récit).
Dans la première histoire déjà, c'est Elmo qui avait amené l'affaire mexicaine. C'est un peu le même processus dans cette histoire-ci mais beaucoup plus mollement, ça prend son temps, ça se développe en tirant un peu à la ligne sur des situations plus "straight", si j'ose dire, et dignes du family strip classique avec pavillon de banlieue et problèmes récurrents de réveil-matin. On est loin de la prise de position active sur la contre-culture et les freaks libertaires. On le ressent aussi dans la manière dont les vignettes sont traitées, beaucoup plus dans le style économique des comics américains standards des années 80 et moins dans le style des planches au graphisme obsessionnel des bd underground des années 60/70s. Sur quelques pages, il saute aux yeux qu'Holmes s'est même lourdement ennuyé tant il n'y a plus grand chose à voir, les personnages prenant des poses peu naturelles sans que cela ait le moindre contenu volontairement caricatural. Heureusement, pas partout. Sur quelques cases présentant des décors très recherchés, Holmes retrouve le souffle de son inspiration de la maturité en particulier dans les éclairages et surtout dans la façon de dessiner les Boings 747. En tant que dessinateur, Holmes sait construire une image correcte avec un bon effet de volume souligné par ces fameux éclairages très personnalisés adapté de la manière
Wally Wood ; l'ensemble est bien lisible parce qu'il est basé sur des enchaînement dans la scénographie, la façon dont tous les objets et les personnages se trouvent liés. Les points de vue sont souvent en légère plongée pour accentuer encore plus l'effet. Dans quelques vignettes, pourtant, il ne reste plus qu'un personnage, vu frontalement donc quasiment à plat.
Clins d'oeil sarcastiques et autres hommages : Shogun, Kojac, les Aventuriers, le film de Robert Enrico.
Anecdote au sujet de cette édition, il y a un petit défaut sur la couverture où il est noté Albin Michel/spécial USA. Or, si le Canada est bien situé sur le même continent, c'est au nord des USA malgré tout.
Découpage et "je m'en foutisme" : la bd commence découpée en chapitres, et à la présentation de certaines planches, on a l'impression que les derniers en-têtes ont été massacrés par caviardage et qu'il manque l'indication Épilogue sur le tout dernier. Pour une page sur trois (environ), les encrages semblent "surexposés" ce qui fait presque disparaître l'image alors que le dessin de Holmes est plutôt assez gras en général.
Scénario : contrairement à la première histoire qui avait mené les deux compères du Canada au Mexique, et retour, ici, tout se déroule à l'intérieur des frontières canadiennes. Une bonne partie se passe dans une localité à coté d'Halifax, Peggy Cove, un petit port de pêche. Recherche d'un trésor englouti (mais vu la latitude de Peggy Cove, j'ai un doute sur le coté agréable de la plongée dans ce coin qui est loin de ressembler aux cotes congolaises) ; abordage du bateau par des visiteurs patibulaires qui cherchent à s'emparer de ce que tout le monde prend pour le trésor retrouvé par les trois amis. C'est la partie qui ressemble au film les Aventuriers.
En revanche, il y a un premier retournement à la fin de l'histoire. La malle remontée du fond de l'océan ne contient pas les 60 kilos de drogue attendus mais Elmo et Harold finissent malgré tout par faire fortune parce qu'ils sont tombés, par hasard, sur un cargo contenant de l'alcool de contrebande datant de la prohibition. Des milliers de bouteilles d'une marque très particulière, très recherchée et très rare qui ont vieilli tranquillement pendant plus d'un demi siècle.
Deuxième retournement, l'avion retrouvé n'est pas celui qui devait convoyer la Coke du Fuhrer. Ce pactole n'a jamais existé car dans l'avant-dernier chapitre, on apprend que le pilote a déserté et s'est enfuit avec la cargaison qu'il a revendu à des trafiquants locaux.
Troisième retournement ou conclusion, l'inspecteur Kojinx (allusion à peine voilée à Kojac) qui espérait revenir au sein de la brigade criminelle après avoir mis la main sur une aussi importante quantité de stupéfiant est muté à la brigade des moeurs où il sert d'appât aux pervers qui hantent les espaces boisés des jardins publics. Ce qui doit arriver, arrive et, alors qu'il est déguisé en femme, comme son équipe est trop lente à intervenir il subit les derniers outrages. C'est montré d'une manière si crue qu'il faut réserver cette bd à un public strictement adulte et averti.