Tsar

: Michel Honaker nous brode ici une nouvelle légende de l'élu sauveur dans une russie des Tsars.
La chronologie n'est pas précisée mais avec certains repères, le titre de ces monarques, les moines et les paysans, cela nous renverrait volontiers entre le 17ème et 18ème siècle.
L'aventure devrait être palpitante et au bout de peu de chapitres nous percevons les grandes lignes d'un scénario classique, certe, mais pas moins intéressant.

Nous entrerons à la capitale du nouveau tsar, Boris Godounov, en compagnie d'un moine, Pimène et d'une âme perdue recueillie sur le bas-côté de la route, un voleur adolescent, Grichka.
On ne nous cachera pas la politique de dictature de Boris, ni sa soif de pouvoir. Sa détermination à monter sur le trône d'ivoire coûtera la vie de l'ancien Tsar et même de son fils Dimitri.
Assassiner un bébé sera un mal nécéssaire pour le comploteur.
L'auteur Mucgel Honaker n'affiche aucune résistance de la part du peuple au début, nous serons dans le placement du décor et les fulminations du moine Pimène qui sait de quelles manières Boris est monté à la tête du pays.

Un mystère autour de Grichka commencera à germer dans l'esprit des lecteurs avec une possible résurrection de Dimitri, même si rien n'est évoqué clairement de la part des personnages. Personne ne croit au retour des morts et sinon dans le cas contraire, tout restera à découvrir.
Suspens.
Boris est-il hanté par son crime ou à t-il un vrai pressentiment?
Et si cela est avéré que peuvent réaliser seul un moine et un jeune voleur peu éduqué?
Nous le verrons.

Le brave Grichka se trouvera pris dans les affaires secrètes du royaume russe et multiples manipulations pour accéder ou rester au pouvoir.
Pauvre brigand de fortune, l'adolescent sera maintes fois saisi et placé comme un pion, là où il doit être, au début. L'entourage du nouveau tsar nous sera vite décrit et ce dernier devrait aussi se méfier de ses amis fidèles.
Les affaires politiques seront compliqués, nous faisant rebondir entre les partisans de l'ancien tsar, les complices du nouveau et ceux qui veulent renverser le régime royal tout simplement.
La ressemblance de Grichka avec le jeune héritier assassiné nous tiendra en haleine: simple instrument providentiel obligé à l'usurpation d'identité ou miraculeux retour d'un sauveur possible contre la tyrannie?
Alors?

L'Élu.
Que dire du concept?
C'est une légende du désespoir et de l'espoir, deux facettes d'une même pièce.
On le lit encore ici et on peut le comprendre, celui qui vit dans l'oppression et sous la tyrannie peut être amené à porter aux nues, à cannoniser l'individu qui évoquera l'étincelle du changement, rassurera sur la fin possible d'une misère injuste et dénuée de bon sens.
Grichka semble être l'élu sorti du chapeau, certe, mais que les paysans russes, les Moujiks, ne peuvent se refuser le luxe de repousser la perspective.
Ce qu'il représente est plus important que ce qu'il est -un jeune garçon inexpérimenté et élevé comme un petit voleur des rues-, avant d'attendre de lui la grande démonstration de son " pouvoir".

Très jeune mais au fur et à mesure conscient de jouer ce rôle symbolique majeur, Grichka se fixera un autre but plus valeureux que de faire les poches de personnages aussi pauvres que lui, il acceptera d'accompagner une bande disparate d'aventuriers( gens repentis, tsiganes...) qui ont de bons contacts et qui pourrait permettre par ce qu'il représente d'offrir de précieuses alliances en Lituanie et en Pologne contre l'actuel Tsar.
Nous, lecteurs, comprendrons qu'en définitive les oppressés de l'aventure trouveront en eux-mêmes la force et les moyens de mettre fin à leur propre servitude, puisque rien n'assure que Grichka est bien celui qu'il prétend être.

Une route longue en 424 pages, émouvante, qui fait réfléchir et captive les lecteurs.