Une belle écriture, simple, sobre, intelligente, très documentée, sans mièvrerie, avec juste de quoi émouvoir le lecteur…
L'auteur situe son histoire en 1861, dans le Londres victorien, le quartier miséreux de Sevan Dials, paroisse de Saint-Giles dans le West End ("On disait que presque trois mille personnes s'y entassaient dans à peine plus d'une centaine de logements…"), et l'immense cimetière de Brockwood. le
Waterloo Necropolis est un train qui relie la ville à la nécropole. le décor est dans les premières pages gothique, traversé de brumes, revêtu de crêpe noir, mystérieux et angoissant. Les vivants, riches et pauvres, accompagnent leurs morts vers une ultime destination.
Grace est une jeune fille courageuse, honnête et attachante qui doit s'occuper seule de sa soeur Lily, simple d'esprit. Toutes deux ont subi un traumatisme et ont dû fuir le pensionnat qui les hébergeait. La vie est très difficile et pour survivre, Grace doit effectuer plusieurs petits boulots, comme acheter du cresson et façonner des petits bouquets pour les vendre. On découvre alors le microcosme des échoppes, des marchés, et tous les négoces qui s'y attachent. Dans ce monde, les loques ont un prix, tout est monnayable, même l'âme. L'histoire raconte aussi la restructuration des quartiers pour les assainir et les pauvres gens qui se retrouvent à la rue, obligés d'abandonner leurs maigres possessions. C'est ce qui se passe pour Grace…
Lorsqu'on lui propose un rôle de pleureuse (par sa beauté, sa jeunesse, son innocence, Grace suscite de l'attendrissement), elle hésite beaucoup car cet univers lui semble grotesque et indécent. Comédiennes dans la peine, les pleureuses professionnelles devaient accompagner les familles et manifester leur tristesse, alors, que contradictoirement, la bonne société réprouvait tout étalage d'émotions. L'atmosphère vue de l'extérieur est complètement différente, feutrée et fantastique avec tout son décorum, et vue de l'intérieur, c'est une entreprise très lucrative qui exploite et escroque ; les bois vernis et précieux, les étoffes de satins, de velours, de crêpe, les sculptures en plâtre, les couronnes… les rites funéraires sont très anciens, mais en ce siècle, ils sont affaires de commerce.
En dehors du contexte historique de la toile de fond, l'auteur agrémente l'histoire d'une intrigue en mettant en scène un couple de mécréants qui arnaque les familles en deuil et qui menace Grace et Lily. le scénario a de quoi captiver le jeune lecteur, le faire frémir… car les méchants sont très méchants ! Il est question d'une spoliation d'héritage et d'un mystère très personnel que Grace voudrait élucider. Dès le début et dans des circonstances particulières que je ne dévoilerai pas, elle fait la connaissance d'un jeune homme de bonne famille, James Solent, futur avocat, qui va lui apporter une aide précieuse. Une touche romantique à l'histoire n'est pas pour déplaire…
En fin de roman, l'auteur laisse quelques précisions qui relatent l'épidémie de choléra qui eut lieu en 1840 et qui fut à l'origine de la conception de cet immense cimetière à l'extérieur de la ville. Elle parle également du culte de la mort qui fut instauré par la reine Victoria après le décès de son mari le prince Albert (en 1861, Victoria perdit sa mère et son mari). Elle cite
Charles Dickens et explique que ses histoires ont été une source d'inspiration.
Un roman jeunesse et un auteur que je vous conseille vivement.