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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Attaquez le récit comme un radieux suicide.
Prononcez sans faillir le grand Non à la vie.
Alors vous verrez une puissante cathédrale
Et vos sens, vecteurs d'indicibles dérèglements,
Traceront le schéma d'un délire intégral
Qui se perdra dans l'innommable architecture des temps. »


Voici, enfin reliés les uns à la suite des autres, les commandements d'écriture qui donnent leur titre aux chapitres de ce livre. L'idée est originale : plutôt que d'écrire une biographie ou un essai critique, Michel Houellebecq propose d'écrire un manuel d'airain pour quiconque entreprendrait de rater sa vie et de réussir son oeuvre si, toutefois, comme il l'ajoute, ce dernier point reste hypothétique et sans assurance. le sacrifice le plus outrageux, une vie mise à l'équerre, ne constitue aucunement un gage de réussite.


Démesure des ambitions, donc, et petitesse de la vie. H. P. Lovecraft subit une grave crise lors de ses 18 ans. Celle-ci le plongea dans un état léthargique pendant une dizaine d'années. Il en sortit progressivement sans jamais retrouver ce qu'on appelle toutefois la normalité. Parce qu'il ne refuse aucune concession faite à la réussite, Lovecraft n'aura jamais de travail, refusera de corriger ses écrits pour les publier au rabais, sortira à peine de son pays pour aller explorer les architectures diaboliques que son esprit fantasme à propos du vieux continent, et il mènera une vie sociale réduite aux créatures difformes de son oeuvre. C'est exaltant de lire le récit de cette vie qui se consume à cause de ses trop grands idéaux. Tout le monde rêverait de vivre ainsi –en tout cas tous ceux qui n'aiment pas la vie. Ainsi se trouve-t-on désemparé lorsqu'on découvre qu'à 32 ans, Lovecraft rencontra Sonia Haft Green avec qui il vécut presque une décennie dans la douceur. Lovecraft courut même le risque de devenir heureux. C'est une chance que les problèmes économiques vinrent bientôt éprouver le couple : Lovecraft, incapable de trouver du travail, retourna bientôt vivre chez un lointain parent tandis que Sonia se déplaçait d'une ville à l'autre pour travailler. Sans animosité, le couple se sépara, Lovecraft retrouva son éternelle solitude, mais sans doute ne l'avait-il jamais vraiment quittée.


Ces détails de la vie d'un homme sont plutôt insignifiants, en fait. Ils ne conquièrent de leur intérêt que lorsque nous pouvons les rapprocher de ses textes. Les personnages flottent dans un brouillard d'indétermination. Comme dans la vie, Lovecraft ne fait aucun effort pour s'intéresser à ce qui lui semble inutile. Ainsi, ses personnages sont dotés des seuls éléments nécessaires à leur vie (membres, souffle, système cardiaque et respiratoire, plus quelques éléments de réflexion). Rien de leur vie passée, de leurs aspirations ou de leurs sentiments ne contamine le texte si cela ne contribue pas au déploiement de l'oeuvre. Enfin, le sexe ni l'argent n'ont leur place dans ces récits, parce que Lovecraft n'a jamais compris le désir qu'on pouvait ressentir à leur égard. Rien de tout cela, et tout pour la grandeur des cieux, des architectures et de l'histoire, un emballement frénétique pour ce qui, sur terre, présage déjà d'une chute du surnaturel. Habité, Lovecraft l'est. Nous devrions nous pencher avec circonspection sur ses textes semblant témoigner d'une vie parallèle qui rend compréhensible le désintérêt que ressentait ce visionnaire pour la vie, et pour le monde.


Mettez fin à la vie :

« La vie est douloureuse et décevante. Inutile, par conséquent, d'écrire de nouveaux romans réalistes. Sur la réalité en général, nous savons déjà à quoi nous en tenir ; et nous n'avons guère envie d'en apprendre davantage. L'humanité telle qu'elle est ne nous inspire plus qu'une curiosité mitigée. Toutes ces « notations » d'une si prodigieuse finesse, ces « situations », ces anecdotes… Tout cela ne fait, le livre une fois refermé, que nous confirmer dans une légère sensation d'écoeurement déjà suffisamment alimentée par n'importe quelle journée de « vie réelle ». »


Ne considérez pas la mort comme un exutoire bienveillant :

« Bien entendu, la vie n'a pas de sens. Mais la mort non plus. Et c'est une des choses qui glacent le sang lorsqu'on découvre l'univers de Lovecraft. La mort de ses héros n'a aucun sens. Elle n'apporte aucun apaisement. Elle ne permet aucunement de conclure l'histoire. Implacablement, HPL détruit ses personnages sans suggérer rien de plus que le démembrement d'une marionnette. »


Infligez l'ultime blessure à l'humanité:

« Chez lui, pas de « banalité qui se fissure », d'« incidents au départ presque insignifiants »... Tout ça ne l'intéresse pas. Il n'a aucune envie de consacrer trente pages, ni même trois, à la description de la vie de famille d'un Américain moyen. Il veut bien se documenter sur n'importe quoi, les rituels aztèques ou l'anatomie des batraciens, mais certainement pas sur la vie quotidienne. »


Rappelez-vous le lointain univers :

« Dans ses descriptions d'un lever de soleil sur le panorama des clochers de Providence, ou du labyrinthe en escalier des ruelles de Marblehead, il perd tout sens de la mesure. Les adjectifs et les points d'exclamation se multiplient, des fragments d'incantation lui reviennent en mémoire, sa poitrine se soulève d'enthousiasme, les images se succèdent dans son esprit ; il plonge dans un véritable délire extatique. »

(P.S. : excusez-moi, cela aurait pu être beaucoup plus court, mais il faut bien se reclure).
Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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A une époque qui commence à se faire lointaine, je rédigeai une thèse sur la littérature fantastique, dont un grand chapitre était consacré à Lovecraft.
Dans ces temps, où tous les étudiants n'étaient pas encore communément équipés d' internet, il s'agissait d'un travail de fourmi : arpenter les bibliothèques, correspondre à gauche et à droite, voire à l'étranger, et à la fin, faire une synthèse laborieuse.
Cette synthèse, je l'ai maintenant devant moi dans cet opuscule de Michel Houellebecq. D'un côté, cela fait un plaisir de relire tout ce que j'ai réussi à glaner moi-même, présenté avec infiniment plus de panache que j'ai pu faire à l'époque, mais de l'autre côté, le fait d'avoir des nombreuses sources ne me met pas totalement en symbiose avec le point de vue d'un seul auteur. Il ne s'agit pas de l'exactitude des informations, loin de là, mais plutôt de la personnalité de Lovecraft en tant qu'être humain.
En ce qui concerne l'oeuvre de Lovecraft, j'adhère totalement à Houellebecq. Il y a indubitablement une création d'un "mythe fondateur" à l'instar de "Seigneur des anneaux" ou "Star Wars". Lovecraft était loin d'imaginer le phénomène qu'il va déclencher. N'ayant pas une très haute opinion de ses propres écrits, il n'a jamais nié l'influence de ses modèles littéraires: "...il y a mes histoires dans la veine de Poe et dans la veine de Dunsany, mais où sont, mon dieu, mes histoires dans la veine de Lovecraft ?" Et pourtant...presque plus personne ne connaît aujourd'hui les mondes fantastiques et imaginaires de lord Dunsany; on ressent toujours l'influence de Poe (parfois trop; il suffit de comparer la fin d'Arthur Gordon Pym avec la fin des Montagnes Hallucinées, où Danforth crie sans arrêt "tekeli-li, tekeli-li", un mot bien connu des lecteurs de Poe; et c'est loin d'être le seul exemple), mais le style lovecraftien est là. Il est là dans le côté descriptif. Contrairement à Poe, les récits de Lovecraft sont des tableaux vivants, tant pour dresser le décor, que pour décrire les horreurs évoluant dans ce décor là. Et pour cela, Lovecraft reste un maître incontesté.
En ce qui concerne la personnalité de Lovecraft, personnellement je crois qui il y a un gouffre entre Lovecraft tel qu'il paraît à travers sa correspondance, et Lovecraft de la vie réelle. Je ne dirais pas qu'il "détestait la vie", mais plutôt qu'il vivait une vie très coincée d'un "british gentleman" (issu d'une ancienne famille coloniale, il se considérait toujours comme le sujet loyal de sa Majesté et l'existence des Etats-Unis n'était pour lui qu'une chose accessoire); je ne dirais pas non plus qu'il était foncièrement misogyne, mais plutôt excessivement timide (sa mère étant persuadée que son fils est incroyablement moche, il a fini par le croire lui aussi). Pour ce qui est de son racisme, connaissant Lovecraft uniquement à travers sa correspondance ne donne effectivement pas envie de se lier d'amitié avec lui. C'est vrai qu'il a des opinions dignes d'un planteur sudiste arriéré, mais heureusement cela ne transpire pas trop dans ses histoires (le seul exemple ouvert , peut-être, se trouve dans le "Terrible vieillard", avec les personnages de "rital répugnant" Angelo Ricci, "monstre tchèque" Joe Czanek et "le singe portugais" Manuel Silva") - où alors, comme suggère Houellebecq, indirectement dans les descriptions oppressantes. Mais dans la vraie vie, ce raciste de Rhode Island était entouré d'amis qui l'aimaient et l'appréciaient malgré son racisme sur papier - déjà Sonia, sa femme juive (n'importe quel vrai raciste allemand aurait appelé cela un "rassenschande"!), et aussi ses plus proches collaborateurs, dont au moins quatre Juifs - Sam Loveman, Robert Bloch, Henry Kuttner et Donald Wollheim. le porte parole de la haine raciale était, apparemment, dans sa vie personnelle un ami généreux et agréable, une personnification de bonté. Je ne veux en aucun cas excuser Lovecraft où corriger Houellebecq, mais avec les préjugés "british" vont aussi les qualités "british", et la correspondance tardive de Lovecraft montre le changement d'attitude et la honte de ses opinions de jeunesse.
En tout cas, j'ai eu un grand plaisir de lire ce petit livre de Houellebecq, notamment pour son analyse de la genèse de Cthulhu.
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Dans cette biographie, Houellebecq célèbre un autre auteur torturé : H.P. Lovecraft. Et à la lecture de cet ouvrage, on s'aperçoit que l'influence de l'Américain sur le Français n'est pas négligeable. Si leurs styles sont rigoureusement opposés (l'un privilégiant l'emphase, l'autre la sobriété), les deux écrivains se rejoignent dans la misanthropie. En effet, Lovecraft et Houellebecq vouent un mépris sans limite à leurs contemporains. Et cette perception négative du monde transparaît dans leurs oeuvres. Elles baignent ainsi constamment dans un climat très pessimiste au sein duquel les personnages ressemblent à des marionnettes de papier amenées à être broyées par un destin cruel et immaitrisable. L'origine d'un tel négativisme prend sa source dans leur incapacité commune d'intégration. Au début de leur vie, surdoués autodidactes, ils éprouvent une aversion pour l'école car ils s'y ennuient. Plus tard, ils vont se heurter violemment aux exigences du monde matérialiste et rater complètement leur passage à la vie adulte. Ces deux éternels adolescents, quelque peu schizoïdes, vont dès lors privilégier leur monde intérieur sur lequel ils peuvent exercer un contrôle total. Houellebecq a notamment déclaré à cet égard qu'il aimait jouer à Dieu lorsqu'il écrivait et il ne fait aucun doute que Lovecraft aussi.

Cette fausse biographie comporte des traces de ce que sera la future littérature de l'aveu. Des passages de la vie de Lovecraft seront suivis de commentaires orientés de Houellebecq. Pourtant, lorsqu'il décortique l'oeuvre proprement dite, il le fait avec objectivité et recul.Par conséquent, l'ensemble a de quoi dérouter mais témoigne d'une richesse sémantique peu courante due à ses différents niveaux d'écriture.

Une oeuvre donc hétéroclite et néanmoins très accessible que tout amateur de l'un ou l'autre écrivain se doit de lire pour mieux comprendre leurs parcours respectifs.
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Si on m'avait dit qu'un jour je lirais un bouquin de Houellebecq d'une traite, j'aurais ri. Beaucoup. Fort. Jaune.

Et pourtant, c'est ce qui s'est passé… Mais il n'est pas aisé de faire la "critique" d'un tel livre. H. P. Lovecraft : Contre le monde, contre la vie n'est pas un roman, même si Houellebecq avoue avoir commencé sa rédaction dans ce sens, mais un essai où l'auteur donne sa vision de l'oeuvre de Lovecraft.
Premier point d'importance, il semble s'être documenté d'un manière assez précise car, en plus d'analyser l'oeuvre de fiction du "reclus" de Providence (qui n'était en fait pas si reclus que ça ; voir la très juste émission La Compagnie des Auteurs du mois de juin 2016 (France Culture) qui pointe le caractère désuet de certains points de l'analyse traditionnelle dont celle de Houellebecq fait partie), Houellebecq décortique également sa prolifique correspondance.
On y (re)découvre avec plaisir un Lovecraft profondément matérialiste et cynique. Un écrivain pour qui le quotidien n'est pas digne d'intérêt et d'après lequel, en littérature, seul le fantastique, le rêve, l'imaginaire ont droit de cité, ne sont pas ennuyeux à mourir. On y comprend aussi pourquoi les deux sujets qui régissent notre société actuelle (sexe et argent) sont inexistants chez Lovecraft, comme bannis. On met également des mots sur le succès de la mythologie Lovecraftienne, on décortique le phénomène Cthulhu, mondial, trans-générationnel et culturel. On décrit l'approche littéraire de l'auteur chez qui style, thèmes, objectifs sont réunis dans un ensemble parfait. En se penchant sur la vie de Howard Phillips Lovecraft, dans une partie biographique à prendre avec des pincettes (cf. l'émission mentionnée plus haut), on retrace une partie de la vie de Lovecraft, de Providence à New-York, et on y comprend comment l'homme est devenu l'un des plus grands écrivains américains en travaillant ses propres phobies, en les transposant du concret à l'onirique, des bas-quartiers malfamés d'une ville à ses yeux dépravés, aux tréfonds vaseux d'océans insondables où une cité enfouie attend son heure. Ce fils de WASP décadent perd alors foi en l'humanité, en la civilisation (et en ce sens il peut être considéré comme misanthrope) lorsqu'il prend conscience que la culture, l'éducation, les valeurs qui lui ont été transmises n'ont plus droit de cité, qu'être un gentleman ne vaut plus rien, que la brutalité et l'égoïsme régissent les lois du travail, du marché, et pour finir, la société dans son ensemble. Mais cette misanthropie qui transpire des lettres et des fictions de l'homme doit être tempérée par sa bienveillance à l'égard de ses amis et de ses pairs, comme le montre également Houellebecq.

Pour finir, je dirai simplement que je suis très heureux d'avoir effectué cette lecture. D'une part car elle comble le fan de Lovecraft qui est en moi en me donnant un aperçu du contenu de sa correspondance (je m'y plongerai correctement plus tard) et en mettant des mots sur mes sentiments de lecteur admiratif, d'autre part, car je sais maintenant que je ne lirai plus rien de Houellebecq… (sauf si les Grands Anciens me l'ordonnent.)
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On commence cette biographie par une préface de Stephen King. Qui d'autres peut parler de peur ? Personne. L'oreiller de Lovecraft est juste effrayant quand on connait le personnage et on comprend bien la terreur du Maitre. Faut-il préciser que King met en évidence la raison pour laquelle j'ai besoin et je dépends des livres : Toute la littérature, mais surtout la littérature de l'étrange et du fantastique, est une caverne où les lecteurs se cachent de la vie, se préparant à la prochaine bataille à livrer dehors, dans le monde réel. Je fais bien parti de ce troisième groupe.

Puis viens Houellebecq qui nous décrit dans un premier temps pourquoi ce Lovecraft et pas un autre, et nous introduit dans son oeuvre avant de développer la recette miracle (qui n'existe d'ailleurs pas) pour écrire la nouvelle lovecraftienne par excellence. On découvre à quel point Lovecraft est un OVNI dans la littérature, à quel point il connait le domaine des rêves et à quel point il mérite d'être connu.

Suite à l'étude de son oeuvre, on découvre la vie de Lovecraft, cette vie qui a fait évoluer son oeuvre. Sa descente aux enfers durant les années passées à New York, ces années où le racisme s'est développé en lui. Véritable symbole de l'échec de notre société, comment réagirai Lovecraft aujourd'hui ? C'est ce que Houellebecq imagine pour terminer ce très bon livre.

Je m'en vais découvrir et relire HP Lovecraft.
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C'est sans doute le meilleur commentaire de l'oeuvre de Lovecraft. Dans le fond, les deux écrivains ne sont pas si loin l'un de l'autre et réunis au moins pour leur horreur métaphysique du monde et leur dédain pour la société.'
Et même leurs différences -hedonisme débridé d'un côté, stoïcisme puritain de l'autre- les rapprochent paradoxalement. L'excès de la chair aboutit au dégoût Et de fait la plupart des personnages de Houellebecq en arrivent là, et peut-être lui aussi. D'où la stupidité de ceux qui lui reprochent d'être un pornographe. En ce qui concerne Houellebecq, on remarquera cependant que son dernier livre (et peut-être son chef-d'oeuvre), Anéantir, exprime une conception plus apaisée, dans le cadre d'un'un certain retour à la morale traditionnelle.
Lecteur de Lovecraft de longue date, ce livre me l'a fait voir autrement et sans doute mieux comprendre.
De même le portrait de l'auteur est plein d'empathie et sa personnalité aussi bien cernées que par les meilleurs spécialistes, y compris Joshi dans sa biographie monumentale ( dont j'avoue ne pas être venu à bout)
Parenthèse pour les lovecraftiens s'il s'en trouve ici : ne manquez pas la superbe édit intégrale parue chez Mnemos. Les textes souvent mutilés et tronqués pour les premières éditions françaises sont restitués et retraduits, ce qui les purge de contresens monstrueux.
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Réussit l'exploit de m'intéresser à un auteur dont l'oeuvre me barba.
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Dans cet essai court mais dense, Houellebeck donne son avis sur Lovecraft, un des rares créateurs d'un « mythe fondateur » moderne à l'image du SEIGNEUR DES ANNEAUX, de CONAN LE BARBARE ou de STAR WARS. Son analyse est précise, poussée, érudite mais très accessible et l'écrivain décortique l'oeuvre de HPL en proposant de nombreux exemples tirés de ses « grands textes » mais aussi de récits plus mineurs, de nouvelles quasi autobiographiques (« lui ») et de sa nombreuse correspondance. Il évoque également les continuateurs du mythe avec une prose très agréable car, quoique l'on puisse penser de Houellebeck, le bougre sait façonner des textes de haute volée à la fois simples et impeccablement structurés. Si il ne retient qu'une partie de l'oeuvre foisonnante du reclus de Providence, Houellebeck reste objectif et explique, notamment, pourquoi le sexe et l'argent, si prisés des écrivains actuels, n'ont pas leur place chez HPL, gentleman d'un autre temps déjà suranné voici un siècle. Il ne cache pas non plus le racisme parfois délirant de Lovecraft ni sa fascination pour Hitler mais apporte des nuances en rappelant le contexte de l'époque, l'influence déterminante de sa désastreuse expérience new-yorkaise sur le vécu d'HPL, sa confrontation à la misère et son inadaptation sociale, ainsi que le côté réactionnaire quasiment naturel pour un Américain puritain du début du XXème siècle. Houellebeck souligne aussi les contradictions d'un personnage à la fois anti-sémique et marié à une Juive qui fut, sans doute, l'unique femme de sa vie. N'étant pas à une contradiction près, le terriblement misanthrope Lovecraft était pourtant d'une incroyable gentillesse envers ses amis et correspondait avec des dizaines de personnes. Une existence marquée par le malheur qui prouve que si HPL a raté sa vie (selon nos conceptions en tout cas) il a réussi son oeuvre en obtenant un succès posthume jamais démenti.
Quelque part entre la biographie, l'analyse objective d'une oeuvre et l'appréciation personnelle, Houellebeck signe un texte incontournable pour les admirateurs de l'écrivain de Providence devenu au fil du temps l'égal (si ce n'est plus) de Poe.

Lien : http://hellrick.over-blog.co..
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Contrairement à ce que l'on pourrait penser et à ce que l'on entend parfois, Extension du domaine de la lutte n'est pas la première publication de Michel Houellebecq.
C'est bien cet essai sur Lovecraft qui le fait entrer dans la catégorie des écrivains.
Cet essai est réussi, car tout simplement il m'a donné envie de lire Lovecraft.
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Houellebecq nous présente un portrait psychologique de HPL troublant. L'origine de ses peurs prendrait sa source dans une xénophobie plus ou moins maîtrisée. Il cultive une méfiance voire une haine de tout ce qui n'est pas anglo-saxon. Les monstres qui peuplent son univers sont bel et bien là, en face de lui.
Il n'empêche que son talent n'est plus à démontrer (celui de Houellebecq n'ont plus d'ailleurs !)
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