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Critique de gerardmuller


Plateforme/Michel Houellebecq
Après l'« Extension du domaine de la lutte » et « Les Particules élémentaires », « Plateforme » publié en 2001 est le troisième roman de Michel Houellebecq, avant « La possibilité d'une île » et « La Carte et le Territoire », ce dernier lui ayant valu le Prix Goncourt en 2010.
Évidemment, avec Houellebecq il faut s'attendre à tout et les premières lignes du récit ne décevront pas ceux qui aiment les écarts provocateurs et moqueurs de cet écrivain surprenant.
Disons que cela commence un peu comme « L'étranger » de Camus pour les quatre premiers mots. Et vite la suite n'est que du Houellebecq pur jus. Et on se régale…À chaque ligne l'insolite côtoie l'inattendu et on se demande quelle va être la prochaine trouvaille de l'auteur pour nous faire sourire. Car son insolent humour, son goût de l'incongruité et son ironie souvent cruelle, son art de la dérision, font de chaque ligne un moment jubilatoire.
À la suite de la mort de son père, Michel, petit employé dans un ministère, part en Thaïlande avec un petit groupe de touristes. Il va se livrer alors à une véritable étude sociologique du groupe.
Houellebecq aime la sociologie et c'est avec tristesse mais réalisme qu'il déplore la misère affective et sexuelle et la solitude existentielle de l'homme occidental.
Mais : « L'absence d'envie de vivre, hélas, ne suffit pas pour avoir envie de mourir. »
Parlant de quelqu'un : « Pour tout dire il ne ressemblait pas à grand chose, mais il avait vraiment l'air d'un con. »
Et parlant d'un couple : « Ils donnaient l'impression de n'avoir pas baisé depuis trente ans. »
Alors, Houellebecq va exorciser le sexe par tous les moyens, ce sexe tant bridé par la morale judéo-chrétienne occidentale.
Et décrivant un groupe de touristes : « Il y avait également deux Arabes isolés, à la nationalité indéfinissable-leur crâne était entouré de cette espèce de torchon de cuisine auquel on reconnaît Yasser Arafat dans ses apparitions télévisées. En résumé le monde riche ou demi-riche était là, il répondait présent à l'appel immuable et doux de la chatte asiatique. »
De plus Houellebecq adore que ses personnages s'expriment par clichés et lieux communs qui le plus souvent arrivent comme des cheveux sur la soupe ce qui lui permet de se moquer finement de ses personnages et cela toujours dans un style banal, plat, neutre et sans recherche mais qui fait mouche. Pas de grands mots, pas d'envolée lyrique. Son style intertextuel amalgame plusieurs discours concomitamment et en cela rappelle G.Perec, dont il cite d'ailleurs le célèbre roman « La vie, mode d'emploi ».
Il se veut disciple de Schopenhauer qui dit : « La première et pratiquement la seule condition d'un bon style, c'est d'avoir quelque chose à dire. »
Avec Houellebecq il faut s'attendre à tout, aussi bien à des cours d'économie concernant les tours opérateurs en Thaïlande et à Cuba qu'à une soirée dans une boîte SM, réflexions et analyses à l'appui concernant la sexualité des gens qui s'adonnent à ces pratiques.
Sa rencontre avec Valérie qui travaille dans le tourisme va changer sa vie. Ils filent tout deux le parfait amour dans tous les sens du terme et vont aussi se révéler de fins observateurs de leur entourage. Ils vont s'intéresser beaucoup à l'aspect économique et sociologique de la prostitution et du tourisme sexuel qu'ils dénommeront désormais « tourisme de charme ». L'étude de marché annonce une occurrence prometteuse.
Mais l'entropie obsède encore une fois Houellebecq et sa vision désabusée de l'humanité et sa déconsidération de lui-même n'échappent pas à ce roman de même que son iconoclastie.
« Il existe un système de redistribution fiscale évolué qui permet de maintenir en vie les inutiles, les incompétents et les nuisibles, -dont, dans une certaine mesure, je fais partie. »
« Je n'arrive pas à imaginer grand-chose, concernant l'avenir. »
Houellebecq aime les phrases à l'emporte –pièce du genre : « ‘Tout peut arriver dans la vie, et surtout rien. »
Mais aussi le pire, le bonheur pouvant s'éclipser au moment où l'on s'y attend le moins…
Dans le dernier tiers du roman, le couplet sur l'Islam est un morceau d'anthologie ! À ne pas manquer !

Pour la petite histoire concernant l'auteur, il est à noter que malgré un certain désengagement de la vie publique, il s'implique dans la protection des animaux. Il a ainsi a accepté d'être juré du prix littéraire 30 Millions d'Amis en 2011.
Il rédige également « un projet de nouvelle Constitution » basée sur la démocratie directe, qui supprimerait le Parlement, rendrait le président de la République « élu à vie, mais instantanément révocable sur simple référendum d'initiative populaire », et permettrait au peuple d'élire les juges.
Un personnage hors-norme que Michel Houellebecq. Comme son roman.
« Je n'ai aucun message d'espérance à délivrer…et je ne mérite pas que rien me survive. »

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