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Il y a toujours eu de la noirceur et du nihilisme dans les créations de R.E. Howard. C'est encore le cas ici avec ce barbare devenu roi de ses propres mains, dont on ignore les origines et les conditions d'accès au pouvoir. On sait que l'armée l'adore, ne particulier les troupes d'élite des, et que l'aristocratie le hait cordialement à l'exception de l'ambassadeur picte Ka-Nu et du Grand Chancelier Tu. le roi Kull, homme d'action condamné à l'inaction, enchaîné par les us est coutumes de la monarchie absolue, trompe son ennui dans une forme de mélancolie celtique qui pourrait vite dégénérer en déprime voire en dépression s'il n'était pas constamment confronté aux conspirations ourdies pour le renverser du trône… Car comme les patriciens de la fin de l'empire romain, les nobles valusiens ne supportent pas d'être dirigés par le représentant d'une race barbare donc inférieure.
Encore plus que les autres créations howardiennes, Kull sort du même moule que Conan. Il en constitue même le premier jet, le barbare cimmérien étant moins cérébral et moins mélancolique que le barbare atlante. On sent l'héritage des récits historiques romantiques, puisque ici on mélange très avec bonheur peplum et cape et épées, avec l'inclusion de divers éléments fantastiques voire horrifiques : on est clairement aux temps premiers de la Fantasy moderne (qui naît bien avant "Le Hobbit" de Tolkien en 1937…^^) D'ailleurs l'auteur texan, trop tôt disparu puisque mort à l'âge de 30 ans, ne se cache aucunement d'avoir piocher allègrement dans les récits bibliques pour composer la meilleure nouvelle de ce recueil : le Royaumes des chimères.

Il faut aussi mentionner un travail soigné de la part des éditions Bragelonne, supervisé par Patrice Louinet, éminent spécialiste de l'auteur américain, qui ici signe la traduction, l'introduction et la postface de l'ouvrage. Et on nous a gâtés avec les nombreuses illustrations intérieures de Justin Sweet. Encore du bel ouvrage donc, quoique peut-être un ton en-dessous des autres ouvrages de la collection dans son intérêt mais :
- Howard a toujours un don unique car il lui suffit de quelques lignes pour accrocher lecteur, de quelques pages pour l'immerger dans son univers et dans son histoire (chez Howard ni 100 pages de démarrage, ni 300 pages de mise en place, ni tome(s) d'introduction à la con)
- si on ne vibre pas toujours voire pas souvent au cours de la lecture chez Howard, il faut reconnaître que c'est un des rares auteurs dont la magie opère encore une fois le livre refermé… les bruits et les fureurs de Valusie restent en vous après la lecture des aventures du roi Kull !
Maintenant vous êtes invités à entrer dans un univers of High (Dark) Adventures…


Exilé d'Atlantide :

Une nouvelle qui montre à quel point Kull est plus qu'un jalon essentiel dans la création du personnage de Conan

Le Royaume des Chimères :

Excellente nouvelle : j'ai adoré du début à la fin !
La Cité des Merveilles et les dangers de son palais m'ont envoûté et j'ai presque ressenti la paranoïa qui envahit Kull au fur et à mesure des pages. Il y a du David Vincent dans ce Kull là : désormais il sait, car il les a vus !

Les Miroirs de Tuzun Thune :

Une nouvelle très bien écrite et bien servie par une prose poétique.
Mais je n'ai pas accroché en raison du ton trop contemplatif.

Le Chat et le Crâne / le Chat de Delcartes :

Une nouvelle assez inégale (se conférer aux remarques de notre Patrice Louinet national en appendices). Mais j'ai apprécié « la traversée » du Lac Interdit qui m'a rappelé aux bons souvenirs des aventures sous-marines de Fafhrd et du Souricier Gris. ^^

Le Crâne Hurlant du Silence :

Petite nouvelle sans grande prétention : vite lu, vite oubliée…

La Coup de Gong :
Une toute petite novellette qui ne va pas beaucoup plus loin que son titre, et sans doute issue du même moule que la précédente.

L'Autel du Scorpion :
Une petite novellette dont le titre se confond avec le contenu, où Kull est tout juste mentionné. Aujourd'hui elle consisterait en quelques paragraphes dans une oeuvre plus consistante.

La Malédiction du Crâne d'Or :
Une novellette peu consistante : encore une fois tout est dans le tire ni plus ni moins.

Par cette hache je règne ! :

Un bon récit malgré une énième conspiration pour destituer le roi barbare de trône d'une nation dite civilisée. Aucune surprise pour celui qui a lu les intégrales Conan sinon celle de voir la version Kull presque meilleure que la version Conan.

Les Épées du Royaume Pourpre :

Une bonne nouvelle, classique mais efficace !

Les Rois de la nuit :

Une très bonne nouvelle, et j'ai déjà dit tout le bien que j'en pensais dans le sujet dédié à l'intégrale Bran Mak Morn

Lala-ah et Felgar (inachevé) :

On sort un peu des sentiers battus mais évidemment tout cela est encore orchestré par de vils conspirateurs dont on ne connaîtra pas l'identité… Car il s'agit bien d'un texte inachevé : on ne saura jamais quels démons et quelles merveilles Kull et Brule auraient rencontrés au-delà du fleuve Styx.

Fragment d'Am-Ra :
Il fallait bien les mettre quelque part !?


J'ai longuement hésité entre 3 et 4 étoiles, mais comme j'ai eu les yeux de Chimène pour "Le Royaume des Chimères, je m'assume et tranche pour un 4 étoiles. Bonnes lectures à toutes et à tous, et enjoy !
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Une surprise, pour peu en dire. Avec tout ce que j'entendais dire là-dessus, je m'attendais à une version pâle et peu intéressante de Conan, qu'un simple prototype sans substance qui n'en vaut pas vraiment la peine. Mais je venais juste de finir l'Heure du Dragon et j'avais envie de plus de Howard, donc je me le suis procuré.


LE LIVRE :


Très beau, mais puisque c'est Bragelonne, je crois que ça va sans dire. Reliure banale mais élégante, couverture plaisante au toucher qui avec un tantinet de soin ne reste pas trop pliée ou grafignée. Contrairement aux autres livres que j'ai de Howard par Bragelonne, celui-ci est un tantinet plus court (d'à peine un demi-pouce), et ses pages sont plus jaunes que blanches, ce qui ne me pose aucun problème. Je dirais même que j'aime la teinte des pages, car ça me rappelle un vieux livre poussiéreux qui traîne dans les tréfonds d'une vaste bibliothèque. Une façon un peu ridicule de le dire et de le voir, mais moi, je trouve que c'est charmant. Et puis, ce n'est pas comme s'il était de mauvaise qualité, loin de là.

Ce livre faisant partie de la collection del Rey que Bragelonne a « importé », nous avons donc droit aux textes originaux et à des illustrations. Pas de Gary Gianni ou de Mark Schultz pour celui-là; ici, il n'y a que du Justin Sweet qui (à moins que je sois dans l'erreur) n'a illustré que ce livre dans cette collection. Et je dois dire, c'est tant mieux, car Sweet a un style remarquable qui est mieux utilisé en petites quantités. Les illustrations complètes sont magnifiques, riches en détail, elles rappellent des peintures Romantiques avec leur palette sombre et les compositions grandioses.

Et comme si ces illustrations complètes (il y en a 10, je crois) ne suffisaient pas, Sweet agrémente le tout de dessins et sketchs. Je ne pourrais dire combien il y en a mais, ma foi, les premières pages sont bourrées de ces sketchs, des images phénoménales qui accompagnent la première nouvelle pourtant médiocre. Les pages 28-29 sont particulièrement frappantes, avec deux grands dessins qui ornent chaque côté des pages. le style des sketchs et des illustrations peinturées diffère beaucoup, mais l'essence est la même, et si les dessins en marge des pages sont parfois un peu bruts et rudimentaires (ce qui je troue sied l'aspect brut et expérimental des textes), il existe des dessins du même style sur des pages complètes, aussi magistraux que les illustrations, tel que celle au début du Royaume des Chimères (page 32) et celle qui illustre Karon le nocher (page 334)

Patrice Louinet nous offre encore une excellente genèse à la fin du livre, permettant une meilleure compréhension et appréciation de l'oeuvre et de comment Howard L a créé puis s'en est détaché. Et comme d'habitude, c'est lui qu'il faut remercier pour la collection et leur édition, il est un des grands experts sur Howard et sans lui nous ne pourrions peut-être pas lire ces écrits; la traduction est bonne, la fidélité et le respect envers les textes se ressentent. Je ne vais pas lui donner trop de fil à retordre pour les traductions des poèmes, car dieu sait que c'est un cauchemar à traduire, mais au moins, il a eu la bonté de nous donner les poèmes originaux, qu'on puisse comparer et bénéficier de la poésie telle que Howard L a écrite.

Note: Après la rédaction de cette critique, j'ai repéré une énorme erreur. À la fin du Royaume des Chimères, la troisième personne du verbe souffrir est écrite comme "soufre" et, dans ce même paragraphe de dialogue, il est dit que la personne qui répond est Kull, au lieu de Brule (Kull étant évanoui). Je ne sais pas comment j'ai fait pour rater cette erreur évidente, mais je suppose que c'est attribuable au fait que j'étais très investi dans l'histoire et que cette scène finale est particulièrement épique (mais un peu gâchée par ces bêtes erreurs).


LE TEXTE :


Beaucoup plus varié que je ne l'aurais cru. Je m'attendais à une prose médiocre, à rien qui puisse rivaliser les histoires de Conan. Mais, je dois dire… Il y a beaucoup ici qui je dirais est au même calibre, et parfois plus haut. Ils sont trop différents pour que je puisse dire que l'un est meilleur que l'autre, mais en lisant, j'ai développé une affection étonnante envers Kull et ses aventures.

La prose est très libre comparée à Conan. C'est moins selon les formules, on ressent vraiment que Howard expérimentait et essayait plein de choses, et que Kull était d'abord une façon d'explorer des concepts, plutôt qu'un moule d'aventures à vendre et revendre à Weird Tales. Donc nous n'avons pas (ou très peu) de demoiselles en détresse, ni de barbare libre qui commet des crimes et s'évade de la damnée civilisation. Cela n'existe que dans la première nouvelle, non-terminée, qui offre une infime vue sur la jeunesse de Kull.

Au lieu, nous avons un roi las et philosophique, qui plonge souvent dans l'introspection. Dans le Royaume des Chimères, nous avons Kull rongé par la paranoïa, hanté par des chimères qui s'avèrent être bien réelles, prenant la forme de n'importe qui, se camouflant à perfection et ne faisant qu'intensifier sa paranoïa. Des hommes-serpents sont en cause, une idée géniale qui, malheureusement, et comme beaucoup d'autres idées dans ces textes, n'est jamais réutilisée ou mentionnée ailleurs.

Reste que l'histoire en soi est excellente, et représente la première histoire d'Épée & Sorcellerie jamais écrite. L'écriture coule bien, les descriptions ne s'éternisent pas, l'intrigue est bien tissée et ses détours sont nombreux et ne font que mettre l'emphase sur le palais labyrinthique, les politiques sournoises et les hommes-serpents qui rôdent en prenant l'apparence de ses alliés. La fin est parfaite : Kull et Brûle ont un bon gros combat dans une salle, seuls contre ces monstres, et par le sang et le tranchant de leurs armes ils survivent. Vient ensuite les portes qui claquent, les nobles confus qui voient les cadavres, Kull qui décrie leur présence et s'écroule à cause de sa perte de sang.

Cette histoire, contrairement à la première, est une bonne introduction au reste des histoires, et une bonne introduction au monde et aux personnages. Brûle, Tu et Kaa-nu y font leur apparence, dès lors étant des fidèles alliés de Kull qui apparaitront dans la majorité des autres histoires. Je ne vais pas m'étendre sur chaque nouvelle, mais je tiens à mentionner celles qui se surpassent.

Les Miroirs de Tuzun Thune, quoique courte et assez simple, est très introspective et sa prose le reflète bien. Dans la même veine, le Crâne hurlant du Silence semble exister seulement car Howard s'était mis au défi de décrire l'indescriptible : le silence et le son. Je préfère largement le Crâne hurlant, ses descriptions sont viscérales, le concept est complètement fantastique, tous les personnages y sont et elle exsude d'une aura mythique, de faits plus grands que nature qui forment la fondation de toute mythologique.

Le Chat et le Crâne est une autre que j'ai beaucoup aimée. L'intrigue en soi est banale, l'histoire commence avec quelques lourds paragraphes qui nous disent tout et qui comportent deux noms trop similaires. Il y existe une des rares scènes d'action dans tout le recueil, sous l'eau, ce qui la rend unique, et cette histoire a aussi son lot de moments surréels, d'endroits et de géographie impossible qui font penser à Lovecraft.

Je vais admettre ne pas avoir vu le twist venir. Je le sais, c'était évident, et j'aurais dû le voir, et c'est vraiment trop clair qu'il s'agit de ça (et tâchez de ne pas lire ce paragraphe, car je vais le révéler), même Howard dit être nul pour écrire des mystères. Mais je me suis fait avoir, simplement parce que j'étais obsédé par Sarèmes. Voyez-le comme ça : si Sarèmes est capable de voir le future, le passé et le présent, elle est donc omnisciente, et elle sait à l'avance quand elle va révéler le future à quelqu'un, et elle sait ce qu'elle va lui révéler. Mais il est aussi dit que le futur peut changer, ce qui veut dire que Sarèmes existe et voit plusieurs lignes du temps différentes. Donc, suivant cette logique, je me disais que Sarèmes avait envoyé Kull au lac parce qu'elle savait qu'il survivrait, et parce que partir explorer le lac prendrait beaucoup de temps, assez de temps pour qu'il ne soit pas là quand Thulsa Doom attaquerait au palais. Donc elle l'aurait indirectement sauvé d'une attaque qui aurait été fatale.

Cette idée ne résiste pas longtemps aux questions, mais je me disais que si Sarèmes était omnisciente, alors elle savait quoi faire pour qu'il reste vivant, et que d'une façon ou d'une autre, ses détournements auraient fait du sens et sauvé Kull. Mais non. Et même si le twist est plutôt banal, j'ai bien aimé le peu qu'on voit de Thulsa Doom, et j'étais mort de rire quand j'ai réalisé qu'il était essentiellement la source d'inspiration pour Skeletor. Sa scène est bien théâtrale et légèrement comique, ça l'empeste l'écriture pulp mais moi je trouve ça adorable.

Par cette hache je règne! est notable pour être le croquis qui, plus tard, nous donnerait le Phénix sur l'épée. Opinion peu populaire, mais je trouve Par cette hache je règne! d'être la meilleure des deux. Mais pas de beaucoup. Je l'aime un peu plus, sûrement en partie car il s'agit de l'histoire originale, telle qu'elle était écrite et destinée à être, et non pas qu'une version remaniée et transformée en quelque chose d'autre, car certainement qu'il y a des choses qui se sont perdues d'une à l'autre.

L'une de ces choses, je crois, est le commentaire. Conan n'est pas un étranger aux commentaires sur la civilisation et la barbarie, mais les histoires de Kull sont beaucoup plus claires et axées sur ce genre de message que Conan, et cette histoire n'en est pas l'exception. Phénix sur l'épée n'est que de l'aventure pure, alors que Par cette hache est évident dans sa démarche et son but, celui de critiquer les tendances du peuple à idolâtrer le passé qui était souvent pire que le présent, à renier le présent en la faveur de chimères, à ne jamais être content de ce qu'il a et à toujours manigancer d'une façon ou d'une autre.

Parmi ces thèmes vient Ridondo le barde, qui fait beaucoup plus de sens dans cette histoire. Dans Phénix, ce personnage m'avait plus confus qu'autre chose; la narration s'arrêtait pour le mentionner et le traiter de façon spéciale, alors que son personnage n'avait vraiment rien d'important, hormis le statut de barde. Il n'était qu'un barde parmi plusieurs qui s'adonnait à détester Conan, pour une raison ou une autre. Mais ici, avec Kull, Ridondo est beaucoup plus développé et l'histoire explore le pouvoir qu'ont les artistes – Kull lui-même dit vouloir être son ami, car il sait que les artistes, les bardes et les scribes sont plus puissants et plus connectés au peuple que les rois, car ils sont leur voix et ceux qui immortalisent les hauts faits et les personnages importants. Ils sont les réels maîtres de l'inconscient collectif et de la culture, donc du peuple. Mais contrairement aux gens qui dirigent, qui sont logiques, basés dans les faits, l'efficacité et la bureaucratie sérieuse et réelle, ces artistes sont trop souvent idéalistes, de vrais fanfarons qui chantent hauts leurs idéaux impossibles à achever, qui donnent du rêve mais des rêves de fous.

Ainsi, quand on décrit ses chansons qui font l'éloge de l'ancien roi (roi de merde, soit dit en passant) et qui déclarent Kull comme étant un barbare, immédiatement je comprends mieux pourquoi il existe. Il n'est qu'une autre des brillantes facettes de l'histoire, utilisé comme conduit pour explorer une idée.

Je préfère aussi cette histoire pour son rythme moins laborieux et son début plus léger, simple et efficace. Dans Phénix nous avons des paragraphes sans fins de dialogues et de descriptions des déboires de Toth-Amon. Ici, il n'y a qu'une élégante scène où les conspirateurs jurent de mener à terme leur plan, dans une scène fortement inspirée par Shakespeare, et qui fonctionne bien mieux que la longue exposition de Phénix.

La grosse scène de combat n'est pas aussi bonne que dans Phénix, cependant. Elle manque un peu de peaufinage et ne résonne pas autant que les autres batailles dans le recueil. Et c'est un peu cliché et dérangeant que Kull soit sauvé au dernier moment par le jeune noble qui arrive juste à temps. Mais tous ces problèmes se rachètent dans la dernière scène de l'histoire, le fameux moment où Kull détruit la Tablette des Lois avec sa hache. Ensanglanté, essoufflé, dégouttant du sang sur les nobles abasourdis, il lève sa hache et rugit qu'il est la loi et l'état, qu'il est le roi, et que quiconque s'oppose à lui peut le dire à sa hache. Dire que cette scène est épique est un euphémisme.

Bien que le message soit surtout de ne pas s'empêcher de vivre à cause de traditions, de ne pas être enchainé par des lois obsolètes et des codes ridicules, j'ai vu passer un commentaire qui disait que la fin déclarait la tyrannie comme étant une bonne chose, et qu'il fallait se plier à la volonté du despote car c'est lui qui tient la hache. Il y a de la vérité là-dedans, mais il faut garder en tête le thème majeur de ces histoires : Kull est né un barbare, mais il s'est plié à la civilisation et est devenu part de la civilisation.

Ça lui procure un certain mal de vivre (comme Conan, d'ailleurs) et il passe beaucoup de temps à penser et réfléchir sur son sort et sa vie. Chaque fois que Kull reprend ses instincts de barbare, c'est pour le bien de son royaume. Dans le Royaume des Chimères, il s'allie à Brûle le picte (donc un sauvage) pour massacrer et exposer les hommes-serpents au grand jour. Dans le Chat et le Crâne, ce sont ses talents au combat qui lui permettent de survivre et d'intimider le peuple de la cité noire de le libérer pour qu'il retourne au plus vite à son royaume.

Et dans Par cette hache je règne!, il utilise sa force pour déclarer une ancienne loi franchement ridicule comme obsolète et plus en vigueur. Il ne passe pas par les codes civilisés pour ce faire, il ne s'attarde pas à tenir un conseil et faire un vote pour changer la loi; il attaque littéralement la tablette. Il est la loi et l'état car il est un monarque – ainsi fonctionne la monarchie. Despote ou non, ses intentions sont bonnes, personne n'y perd, et comme tout le matériel relié à Kull l'indique, la mémoire que garde la Valusie de lui est bonne, ses faits sont chantés, ses exploits sont immortalisés. Il n'a fait que prendre les grands moyens, car il avait l'avantage d'être né un sauvage, et donc d'avoir un point de vue et une méthode uniques sur son rôle et ses enjeux. Quel mal y a-t-il à ce qu'un barbare vienne défier un peu le monde morne et superficiel des civilisés? Comme Howard nous le montre souvent, les civilisations ne peuvent pas durer de toute façon, donc qu'un barbare veule la sauver et la maintenir est à la fois ironique et poétique.

Au sujet de ses exploits, je me suis gardé deux autres de mes nouvelles préférées pour la fin. Les Épées du Royaume Pourpre réutilise la même idée de base, soit d'un complot contre Kull, mais s'opère de façon drastiquement différente. Je ne saurais dire laquelle je préfère, mais celle-ci a une intrigue plus complexe et longue, bien plus similaire à une histoire de Conan que n'importe quelle autre du recueil. Il y a des rebondissements, les péripéties sont bien ficelées et tous les personnages sont au rendez-vous dans la dernière nouvelle terminée.

Howard prend cette nouvelle dans une direction à laquelle je ne m'attendais pas, comme il le fait si souvent. Elle se termine avec une bonne grosse bataille comme on les aime, la bataille sur l'escalier qui accapare son propre chapitre, et qui est une merveilleuse scène de combat pur, elle-même riche en rebondissements. le seul point négatif que j'y donnerais, ce serait son mystère. Les indices sont trop peu nombreux et manquent de nuances, de contradictions, de fausses-pistes et de possibilités pour qu'il fonctionne vraiment. Autrement dit, le premier suspect qui vous vient en tête est en effet le coupable, pour une raison logique mais jamais mentionnée auparavant.

La dernière nouvelle que je mentionnerai est un fragment sans nom, non-terminé mais qui vaut le détour ne serait-ce que pour les quatre mots de dialogue à sa fin. On y retrouve Kull qui, après s'être fait insulté par un brigand qui s'est enfui avec sa noble bienaimée, décide de le pourchasser à travers le monde juste pour lui apprendre le respect. Une idée un peu farfelue, qui m'a semblée hors-personnage pour Kull (je m'imagine plutôt Conan faire une chose de la sorte. Kull n'avait jamais paru avoir une telle fierté), mais l'insulte a dû le prendre vraiment au coeur, je suppose.

Fragment ou non, la nouvelle est bien écrite, d'une structure simple mais ayant de bonnes péripéties, et s'attardant surtout sur le voyage, les paysages et la compagnie que Kull tient avec ses fidèles Tueurs Rouges. Ça peut paraître étrange à dire, mais le fait que l'histoire n'ait pas de fin est, je crois, une bonne chose. À la fin, Kull s'apprête à traverser un fleuve et explorer un territoire inconnu d'où personne ne revient jamais. de finir sur une telle note permet aux lecteurs de s'imaginer toutes les folles aventures qu'il a pu vivre, au lieu d'être déçus par des péripéties qui provoquent peu d'engouement et par une fin inévitable qui termine tout et cloître l'imagination.


PLAISIR DE LA LECTURE :


J'ai eu beaucoup plus de plaisir hors de cette lecture que ce dont à quoi je m'attendais. Les illustrations, je crois, ont vraiment été importantes à mon appréciation de ce livre. Sweet a un don indéniable pour les images grandioses, étranges et épiques, il sait afficher des paysages vastes et mythiques, des personnages plus grands que nature, et ses compositions sont toujours excellentes. Il y a vraiment une qualité atmosphérique et immersive aux illustrations, ce sont elles qui, avant même que je lise une phrase, ont mis le ton pour le reste du livre, le ton d'une ère mystérieuse depuis longtemps perdue, de grandes cités dont les tours effleurent les cieux, d'architecture à couper le souffle, de montagnes gigantesques et châteaux embrumés, égarés dans les tréfonds du monde…

Mais je ne veux en rien rabaisser l'écriture en soit, seulement que je ne crois pas que j'aurais eu la même expérience surréelle et plaisante du début à la fin sans les illustrations, les pages jaunâtres, la police d'écriture et l'emballage si élégant de Bragelonne. Les histoires de Kull ont une bonne qualité onirique qui m'a envout
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On pourrait s'attendre à un sous-Conan, un pré-Conan ou à un Conan-like... mais il n'en est rien !

Tout en conservant cette ambiance si particulière qui fait la marque de Howard, on découvre ce nouveau "barbare", mot si cher à l'auteur, qui est mystérieusement devenu roi à la seule force de ses mains et de son caractère bien trempé. Doté d'une logique différente de Conan, un peu plus réfléchi peut-être, plus posé certainement, Kull ne fait aucunement figure de double.

Howard, c'est un peu l'exemple illustré de ce que je me plaît à dire très souvent sur les histoires, qu'elles soient dessinées ou écrites : est-ce que l'histoire en elle-même est la caractéristique principale qui fait la qualité de l'ouvrage ?
Ce n'est pas l'originalité qui fait tout , d'autant plus que les clichés ne l'ont pas toujours été (il a bien fallu des précurseurs, comme l'est assurément Howard dans la fantasy), mais bien la façon de raconter.
Et dans ce domaine là, Howard a une façon bien à lui de nous mener dans ses récits.
Effectivement, on ne sait pas d'où vient Kull, on ne sait quasi-rien sur l'Atlantide, on ne sait pas non plus comment il est devenu roi : mais ce n'est absolument pas important, la magie opère , et elle est bien présente tout du long, même le temps de quelques bribes jetées en paragraphes de travail non ordonnés , qui sont présentes en cette fin d'ouvrage pour aller encore plus loin dans la découverte de l'oeuvre de Howard.
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Bon j'avoue que j'avais quelques attentes avec ce livre. Après tout Kull semblait être le prédécesseur de Conan. J'ai été surpris de voir que seulement quatre nouvelles ont été publiées du vivant de l'auteur. Six autres nouvelles de lui ont été publiées bien après sa mort.

Je connaissais déjà la quatrième: Les Rois de la Nuit! Elle est incluse dans le volume sur Bran Mak morn.

Les nouvelles de Kull se passe du temps de l'Atlantide mais oubliez l'aspect science-fiction d'une Atlantide hyper moderne. Il s'agit simplement de barbares comme bien des pays de ce temps (si temps il y a car il s'agit après tout d'imagination).

Donc le cadre est planté: un monde que nous savons condamné dans le futur...et qui donnera naissance au monde de Conan!

Kull est un barbare Atlante qui par la force s'est emparé du trône de la Valusie, un état un peu plus civilisé que les autres.

Kull n'est pas comme Conan même si il y ressemble par son goût de la bataille. Autant Conan aime les femmes autant Kull en a rien à cirer. Autant Conan rêve d'aventures autant Kull se confine sur son trône (tout en s'ennuyant beaucoup). Conan n'est pas très réfléchi (mettons...) alors que Kull s'interroge toujours de son rôle dans la vie. Très réfléchi Kull!

J'aurais vraiment aimé avoir plus de nouvelles de Kull!

Nouvelles digne de mentions:

*Le Royaume des Chimères. Probablement sa meilleure nouvelle de Kull. le roi déjoue un complot visant sa mort et met à jour une race ancienne d'hommes-serpents. Cette nouvelle aurait pu donner le ton à toute une gamme de nouvelles visant la destruction de cette race démoniaque... Aurait pu comme je dit! Vraiment bonne nouvelle...

*Le Chat et le Crane. Bon ce fut une nouvelle paru bien après sa mort mais j'ai bien aimé. Kull accueille une chatte dans son palais. ...et celle-ci parle! Et que de sagesse... Tout le monde pense qu'il y a un truc sauf lui. La chatte finit par l'envoyer dans un piège mortel. Après avoir déjouer ce piège on apprend que la ventriloquie, ben cela existe!!! Bien aimé cette nouvelle...

PS: vous devriez oublier le film de Kull avant de lire ce livre. le film ne rend vraiment pas justice à ce personnage...
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Dérouté par la réalité d'une vie sur le trône si éloignée de l'image qu'il s'en faisait et confronté quotidiennement aux complots et aux conspirations, Kull d'Atlantide est un homme en pleine introspection. Durant cette série de nouvelles d'une grande subtilité et d'une incroyable richesse littéraire, celui qui n'est vu que comme un sauvage féroce aux moeurs primitives par ses sujets mais dont le nom est maudit en son propre pays, s'interroge donc autant sur ses motivations que sur ses origines. Ceci contribue à en faire l'un des personnages les plus torturés et fascinants de l'auteur texan.

Cette édition intégrale établie à partir des manuscrits originaux, traduite et présentée par Patrice Louinet, le spécialiste du sujet, propose également les versions préparatoires de certaines nouvelles ainsi que des textes sans titre ou inachevés qui raviront ceux qui s'intéressent au processus créatif de l'écrivain. Par ailleurs somptueusement illustrée par Justin Sweet, ce volume continue d'imposer l'oeuvre de Robert E. Howard parmi les indispensables du genre. Voire les indispensables tout court.

Touchez mon blog, Monseigneur...
Lien : https://touchezmonblog.blogs..
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Kull, roi Atlante, regne sur le royaume de Valusie. Une fonction ennuyeuse et écrasante pour celui qui rêve de combats et d'aventures. Il lui faut toutefois déjouer les nombreuses tentatives de prise de pouvoir de ses ennemis.

Dans cette intégrale de Kull on trouve les 13 nouvelles ayant Kull pour héros ainsi que quelques textes inachevés. On décrit souvent Kull comme le précurseur de Conan, et si il est vrai que Kull, à l'instar de Conan, est un barbare musclé avide de combats, il est néanmoins beaucoup plus mélancolique et désabusé. Son rôle de roi lui pèse.

Les nouvelles sont inégales. Dans la première on découvre un Kull barbare qui aspire au pouvoir et dés la deuxième on le retrouve sur le trône de Valusie. de sa prise de pouvoir on ne saura rien, ou presque. L'essentiel des aventures consiste à déjouer les conspirations qui se trament dans le royaume, et on se dit que Kull est parfois un souverain bien naïf.

Restent l'écriture et le style magnifique de Howard. A noter aussi les superbes illustrations qui jalonnent les pages du livres, ce qui en fait un très bel objet.

Quelques bonnes nouvelles composent ce recueil qui intéressera surtout les inconditionnels de Robert E Howard.
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