Citations sur Les yeux bandés (12)
Je rentrai chez moi en courant et lançai quatre verres neufs contre le mur. Douze dollars plus taxe à la poubelle.
Il y avait huit mois que je connaissais Stephen et, bien que nous fussions souvent ensemble, nos amours allaient de crise en difficulté. Stephen était secret. Il aimait garder pour lui ce qu'il savait - l'origine d'un coup de téléphone, le lieu d'un rendez-vous, le nom d'un vieil ami, jusqu'au titre d'un livre. J'aurais dû savoir dès le début qu'il était perdu pour moi, mais la magie de son corps me tenait.
- Tu as rencontré quelqu'un cet après-midi ?
- Ah, ça, dit-il. C'était bien.
- Je connais ? J'écoutais avec une fascination détachée mon ton de jérémiade. Ma question était fausse. Aucune réponse ne m'aurait pacifiée. J'avais simplement cédé à un besoin pervers d'interroger, de m'exposer et de me tourmenter, et à peine m'étais-je entendue dire ces mots que j'en ressentais à la fois du soulagement et de l'humiliation.
Stephen inclina la tête. Son menton touchait le col de sa chemise amidonnée.
- Trop de secret, Stephen, dis-je. Je ne peux pas vivre comme ça. Ca m'étouffe.
- Tout le monde a des secrets, Iris.
- Je sais, dis-je, mais il y en a qui font du mal et il y en a qu'on ne peut pas garder. Tôt ou tard, ils éclatent au grand jour. Je me tus un instant. Comme toi et Georges. Je me sens dupée. J'ai l'impression que vous avez ri de moi tout ce temps, tous les deux. Je veux te l'entendre dire, Stephen. Dis le moi maintenant. Vous êtes amants?
J'examinai son visage et son impeccable chemise blanche. C'est un étranger, constatai-je. Il n'a rien à faire avec moi. Peut être l'avais-je aimé à cause de cela, de cette froideur étonnante qui le saisissait lorsqu'il discernait de la faiblesse chez autrui. Je le dégoûte, pensais-je.
À travers 4 expériences de vie, liées à des rencontres masculines , l'héroïne essaie de comprendre qui elle est,ses pulsions ,ses choix de vie,son appartenance sexuelle et l'origine de ses malaises physiques. C'est un peu comme se regarder dans un miroir brisé et essayer de recomposer son visage dans les fragments de la glace.
Il y a dans ce roman beaucoup de perversité , beaucoup d'atermoiement, d'auto analyses sur le corporel mais l'ensemble reste assez froid et " bien élevé"car la description profonde des sentiments,eux, sont tenus à l'écart.
C'est mon problème avec cette auteure,l' ambivalence,cette impression de lire des descriptions d'entomologiste, belles certes mais froides et précises,là où j'attendais des pleurs,des cris,un désespoir grandiose,du sang,des larmes bref de la vie. Trop de retenue.
Mais c'est très intelligent et bien disséqué... façon morgue...
Du coup je suis en train de relire un monde flamboyant et la femme qui tremble, histoire de voir si mon opinion a évolué.
La distorsion fait partie du désir. Nous transformons toujours ce que nous convoitons.
... je me souviens d'avoir pensé comme c'est facile de parler par Clichés, d'emprunter une réplique à un roman à l'eau de rose et de la laisser tomber. De toute façon, avec nos propres mots, nous n'arrivons jamais qu' à errer aux alentours de l'inexprimable, il y a quelque chose de rassurant à répéter ce qu'on a toujours déjà entendu.
... en partant je me sentais malheureuse je marchais vers chez moi avec une effroyable impression de vide dans la tête, la poitrine et l'estomac. Elle était si prononcée que la pensée me traversa que je n'habitais plus en moi-même comme auparavant. Le moi qui avait toujours désigné l'ensemble de ma vie intérieure semblait s'être déplacé, et pendant une minute j'arrêtais de marcher, abasourdie de me sentir étrangère à moi-même.
Sans le moindre semblant de réserve, il me dévisageait, détaillait du regard mon corps entier. Je ne sais pas si cet examen était libertin ou simplement curieux, mais je me sentis agressée et me détournai de lui, et lorsqu'il me demanda mon nom je mentis. Je mentis tout de go, sans hésitation, et m' inventai un nouveau patronyme Davidsen. Je devins Iris davidsen. C'était un acte défensif, une façon de me protéger d'un danger indéfini, mais par la suite ce faux nom m'a hantée et il semble qu'il m'ait suivie partout, me faisant dévier de mon chemin et modifiant étrangement mon univers pendant quelques temps. Quand j'y repense à présent, je vois dans ce mensonge le commencement de l'histoire, une sorte d'introduction à mon malaise.