Citations sur En Route (49)
Et le matin, leur première messe, la messe des ouvrières et des bonnes était non moins touchante ; il n'y avait là ni bigotes, ni curieux, mais de pauvres femmes qui venaient chercher dans la communion la force de vivre leurs heures de besognes onéraires, d'exigences serviles. Elles savaient, en quittant l'église, qu'elles étaient la custode vivante d'un Dieu, que Celui qui fut sur cette terre l'invariable Indigent ne se plaisait que dans les âmes mansardées ; elles se savaient ses élues, ne doutaient pas qu'en leur confiant, sous la forme du pain, le mémorial de ses souffrances, il exigeait, en échange, qu'elles demeurassent douloureuses et humbles. Et que pouvaient leur faire alors les soucis d'une journée écoulée dans la bonne honte des bas emplois ?
ed. Bartillat, p. 391
« Je suis encore trop homme de lettres pour faire un moine et je suis cependant déjà trop moine pour rester parmi les gens de lettres. » (p. 524)
Au fond, quel symptôme d'un temps! reprit-il. Il faut que décidément la société soit bien immonde, pour que Dieu n'ait plus le droit de se montrer difficile, pour qu'il en soit réduit à ramasser ce qu'il rencontre, à se contenter, pour les ramener à lui, de gens comme moi!
« Alors, dans cet admirable Moyen Âge où l’art, allaité par l’Église, anticipa sur la mort, s’avança jusqu’au seuil de l’éternité, jusqu’à Dieu, le concept divin et la forme céleste furent devinés, entr’aperçus, pour la première et peut-être pour la dernière fois, par l’homme. Et ils se correspondaient, se répercutaient, d’arts en arts. » (p. 59)
Et puis, hélas ! L’on n’entend plus les tempêtes des grandes orgues et les majestés douloureuses du plain-chant, qu’aux convois des détenteurs ; pour les pauvres, rien-ni maîtrise, ni orgue-quelques poignées d’oraisons ; trois coups de pinceau trempé dans un bénitier et c’est un mort de plus sur lequel il pleut et qu’on enlève ! L’Eglise sait pourtant que la charogne du riche purule autant que celle du pauvre et que son âme pue davantage encore ; mais elle brocante les indulgences et bazarde les messes ; elle est, elle aussi, ravagée par l’appât du lucre !
Puis, après le miracle de l'Eucharistie:
..........le Christ qui ne tordait plus ses bras douloureux dans le miroir de l'étang mais qui étreignait ses eaux, les éployait contre lui, en les bénissant.
Et elles mêmes différaient; leur encre s'emplissait de visions monacales, de robes blanches qu'y laissait, en passant, le reflet des nuées; et le cygne les éclaboussait, dans un clapotis de soleil, faisait, en nageant, courir devant lui de grands ronds d'huile.
Chacun doit-être l'aide-jardinier de sa propre âme ...
« Il faut un clergé dont l’étiage concorde avec le niveau des fidèles ; et certes, la Providence y a vigilamment pourvu. » (p. 54)
Il est évident, murmura-t-il, en marchant à grands pas, que l'abbé Gévresin est un habile horloger d'âme. Il m'a dextrement dévissé le mouvement de mes passions et fait sonner mes heures de lassitude et d'ennui (...)
Description avant la délivrance de son âme par la confession :
..... et l'on n'apercevait de ce Christ de marbre dont le corps était caché par son bois, que deux bras blancs qui dépassaient l'instrument de supplice et se tordaient dans la suie des eaux..........Et le cygne, demeuré jusqu'alors immobile dans un bras de l'étang, balaya, en s’avançant, la lamentable image, blanchit de son reflet tranquille le deuil remué des eaux......