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Critique de michfred


Je vous ai déjà parlé de ma nouvelle "bible", Les désemparés. 53 écrivains au bord des mots de  Patrice Delbourg , qui constitue un réservoir quasi inépuisable d'auteurs méconnus, oubliés, metéoriques et fulgurants.

J'y plonge régulièrement pour y piocher du nouveau,  avec le petit frisson de l'inconnu...mais en alternant quand même avec des lectures plus franchement divertissantes -polars ou sagas exotiques,  pour déplacer la crainte ou carrément l'oublier!- car ces pépites "desemparées"  sont souvent des brûlots de malheur, des gouffres d'incompréhension, des torrents de guigne...

 Hyvernaud est ma première prise.

La peau et les os est un livre dur, simple, poignant, où Georges Hyvernaud, professeur à l' École Normale d'instituteurs, raconte avec humilité, réalisme et sincérité son expérience des camps de prisonniers,  pendant les cinq années de la dernière guerre.

Il ne s'agit pas de camps d' extermination, ni de camps de concentration, ni de camps de travail.  Pas non plus de camps d'internement comme Gurs ou Les Mille qui ont eu leur poids de cynisme et de cruauté. 

"Juste" des camps de prisonniers de guerre. de simples pékins français faits aux pattes par l'armée allemande. Et gardés par elle derrière des barbelés pendant cinq ans .

Tous ensemble.

Confinés,  si on veut, mais dans une intolérable promiscuité.

 Promiscuité à toute heure, dans tous endroits, aux maigres repas, aux épouvantables latrines, dans les dortoirs, à la réception du courrier, des colis. 

Promiscuité des corps, des gestes, des odeurs, des rêves, des propos, des esprits.

Comme l' écrit très justement Raymond Guérin, son préfacier, un autre "désemparé " dont je me réserve la lecture: " depuis que j'ai eu entre les mains le petit bouquin d'Hyvernaud, je me suis bien rendu compte qu'il était inégalable dans son humilité et sa bonne foi. L'atroce n'y prend pas naissance dans l'événement mais au plus profond du dénuement de l'esprit. »

L'espace individuel est si envahi qu'on en vient à douter que l'espace intérieur existe. Les souvenirs reviennent hanter comme de tristes fantômes ceux qui se demandent s'ils ont encore une vie à eux. Une pensée à eux. Un avenir possible après cette grande lessive collective.

Un peu comme le rescapé des camps qui a  survécu à la géhenne , le prisonnier qui a manqué  cinq ans de sa vie ne peut , à son retour, en parler aux autres.

Il n'a pas leurs mots et n'a plus les siens. On ne l'écoute pas.

Une fois de plus, on ne lui fait pas de place.

Une lecture saisissante  dans sa nudité,  d'une  force sincère,  absolue- et  qui tord le coeur.

 Remarquablement écrit ou plutôt  d'une écriture discrètement remarquable. Sans esbroufe, sans effet, bouleversante .
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