Il y eut d'abord cet enfant, prénommé Elias, 12 ans à peine, et retrouvé poignardé par une soirée glaciale, dans la cour de l'immeuble où il résidait avec son frère et sa mère. Découvrant les origines thaïlandaises de la mère de la jeune victime, le commissaire Erlendur envisage immédiatement une dimension raciste à l'affaire. La société islandaise, très fermée, jalouse de son histoire et de ses racines, aurait-elle pu conduire l'un de ses membres à assassiner un innocent écolier ? Flanqué de ses deux collègues habituels –Sigurdur Oli et Elinborg- Erlendur va tenter de cerner la personnalité d'Elias en interrogeant ses professeurs, ses camarades de classe et…sa famille. Si le milieu scolaire ne leur pose pas particulièrement de problème, les enquêteurs auront plus de difficulté avec la famille du garçon : son frère aîné, Niran, n'a pas réapparu depuis la découverte du cadavre. Alors qu'il tente désespérément de trouver un début de piste auquel se raccrocher, Erlendur ne peut s'empêcher de penser à une autre affaire, non-résolue elle aussi. Avant que ne survienne ce crime incompréhensible, il tentait d'élucider la disparition d'une femme, mariée et mère de plusieurs enfants. Toujours hanté par la disparition de son frère, survenue dans leur prime jeunesse, Erlendur ne peut que se sentir concerné par chaque cas de disparition qu'il lui faut traiter dans le cadre de son métier –et Dieu sait s'ils sont nombreux en Islande : ‘Sa théorie était que les Islandais ne s'inquiétaient que peu des disparitions, considérant la plupart du temps qu'elles s'expliquaient de façon ‘normale' dans un pays où le taux de suicide était plutôt élevé….Il avait pour thèse qu'à la faveur de l'indifférence des Islandais face au phénomène, c'était un jeu d'enfant de commettre un crime.' Et si cette femme n'avait pas ‘disparu' en se jetant –comme beaucoup d'islandais l'avaient fait avant elle- du haut d'une falaise, mais avait plutôt été assassinée par son nouveau mari, dont elle soupçonnait l'infidélité ?
Bien qu'elles ne tournent toujours qu'autour d'un nombre limité de personnages principaux, les enquêtes du commissaire Erlendur brassent à chaque nouvel épisode un large éventail de thématiques. Au-delà de l'intrigue, passionnante et ponctuée de multiples rebondissements,
Arnaldur Indridason a toujours le chic pour nous plonger au coeur de problématiques qu'il présente comme typiquement islandaises, mais dans lesquelles chaque occidental un rien éveillé reconnaîtra des thèmes récurrents de ses propres journaux télévisés. Si le dénouement de cette enquête s'avèrera inattendu, il n'en restera néanmoins pas logique vu les différentes pistes suivies par les enquêteurs. Avant d'en arriver à la conclusion, ils auront ainsi envisagé –parfois avec la certitude de se trouver sur la bonne voie- que le racisme, la pédophilie, le crime familial passionnel ou le fratricide puissent apporter la clé de l'énigme. A chaque nouvelle approche, Erlendur, sous sa carapace de râleur misanthrope, va silencieusement se mortifier de ne pas arriver à boucler le responsable de ce crime. Crime qu'il ne comprend décidemment pas. Sans doute n'aura-t-il jamais été aussi pressé de résoudre une enquête. Sans doute jamais ne s'est-il senti aussi désolé pour la victime, ni même responsable –en tant qu'Islandais de souche- de sa mort injuste. Et, bien qu'il ne se livre que très peu, ses proches –ses enfants, sa nouvelle compagne et ses deux collègues- ne manqueront pas de ressentir les ‘effets collatéraux' du mal-être intérieur de leur parent, amant et collègue.
Plus sèche et directe que les précédentes enquêtes d'Erlendur, (l'auteur prend à peine le temps de présenter ses 3 policiers) ‘
Hiver arctique' n'a que l'apparence d'une histoire glaciale et glaçante. En vérité, sa conclusion vous marquera au fer rouge et –si besoin était- vous jettera en pleine figure l'un des principaux maux de nos sociétés occidentales.