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Citations sur Le Roi et l'Horloger (61)

 Le temps s’était arrêté. Le chef-d’œuvre façonné à la gloire de Dieu et de la Vierge Marie deux cents ans plus tôt n’avait, de mémoire d’homme, jamais sonné les heures du jour et de la nuit, ni indiqué les phases de la lune ou la course des planètes. Ce butin de guerre acquis lors d’un conflit oublié depuis longtemps reposait sur une épaisse couche de poussière dans une remise du palais royal de Christiansborg, les monarques et leurs règnes avaient passé sans que le temps reprenne sa course.
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… Jon se repencha sur les clochettes censées jouer le psaume en songeant à son souverain, à son prédécesseur et à cette question sur le temps qui l’avait plongé dans l’embarras. Il aurait aimé pouvoir interroger le poète de la vallée de Saudlauksdalur qui l’avait engagé à faire preuve de curiosité, à chercher des réponses et à penser le monde autrement qu’en termes de têtes de morues et de valeur des vaches. Il aurait voulu savoir ce qu’Eggert avait à en dire. Peut-être envisageait-il le temps comme variable et inconstant. Trop court pour certains tandis que d’autres avaient l’impression qu’il ne passerait jamais.
Hélas, Jon devinait la réponse du poète.
Le temps était toujours trop court.
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La porte de la bergerie s’ouvrit. Olafur entra avec son régisseur et deux de ses ouvriers. Toujours vêtu d’une tenue peu digne de son statut de bailli, il ordonna à Hrolfur de se lever. Le vagabond se mit péniblement debout et demanda si on allait lui donner à manger. Olafur lui répondit de se taire. Il lui donna ensuite lecture des délits qu’on lui reprochait et semblaient conformes à la réalité puisqu’il avait avoué avoir commis quelques larcins et être un simple vagabond. Puis Olafur lui annonça la sentence et le châtiment auquel il le condamnait. Hrolfur recevrait sur-le-champ vingt coups de fouet sur son dos dénudé.
Le tribunal se résumait à cette simple bergerie. Les brebis étaient les témoins silencieux du procès qui s’y déroulait.
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L’air était parfaitement immobile, il baissa les yeux vers la mer lisse comme un miroir, toute parsemée d’îles, de presqu’îles et d’écueils. Sur l’autre rive du vaste fjord, la chaîne de montagnes du cap de Snæfellsnes, les jolis cônes du volcan de Helgrindur et le glacier de Snæfellsjökull surgissaient des flots, rougeoyants dans le soleil du soir. Au loin, on entendait le bêlement des moutons, le chant des oiseaux des tourbières et les cris des mouettes. Des oies volaient au-dessus du fjord, si près de la surface qu’on eût dit qu’elles l’effleuraient du bout de leurs ailes.
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Et alors qu'il marchait vers chez lui, rempli de ses pensées sur les souvenirs et le progrès, il prit conscience d'une chose à laquelle il n'avait jamais réfléchi. Chaque pas qu'il franchissait devenait aussitôt la proie du temps. Les autres passants le virent s'arrêter subitement sur le trottoir et rester immobile un moment avant de faire résolument un autre pas en avant. Puis il en fit encore un autre, s'arrêta une nouvelle fois, extrêmement pensif, et se remit en route comme si de rien n'était. Il avait alors compris que chaque pas qu'il faisait vers son domicile et vers sa boutique le ramenait un peu plus vers le passé.
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Son métier lui avait apporté l'apaisement dont il avait besoin. N'avait-il pas justement cherché une consolation en réparant les horloges parce qu'il avait sur elles un pouvoir et qu'il pouvait remettre en état ce qui s'était brisé, cassé en morceaux ? N'avait-il pas passé sa vie entière à réparer les rouages du temps de manière à ce qu'ils puissent à nouveau fonctionner aussi bien que s'ils n'avaient jamais été endommagés ? A rassembler les morceaux pour les reconstituer en un seul objet ?
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Les propos de ce misérable horloger sur Sa Majesté Frédéric V, son père, censé avoir fait exécuter des innocents, l'avaient tellement interloqué qu'il hésitait à abattre sur la tête de Jon sa bouteille de Madère ou appeler ses gardes pour le faire fouetter sur-le-champ. Jamais de tout son règne il n'avait été témoin de pareille impudence.
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Son métier lui avait apporté l'apaisement dont il avait besoin. N'avait-il pas justement cherché une consolation en réparant les horloges parce qu'il avait sur elles un pouvoir et qu'il pourrait remettre en état ce qui s'était brisé, cassé en morceaux? N'avait-il pas passé sa vie entière à réparer les rouages du temps de manière à ce qu'ils puisse à nouveau fonctionner aussi bien que s'ils n'avaient jamais été endommagés? A rassembler les morceaux pour les reconstituer en un seul objet?
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Le monarque resta un long moment silencieux devant les pièces de l’horloge, chaussé de ses grandes bottes, sa cravache à la main, les jambes aussi chancelantes que son pouvoir absolu. Il avait conservé sa couronne, même s’il était notoire qu’il n’exerçait plus aucune autorité réelle. Fatigué après sa promenade à cheval et l’histoire des marins français, les yeux fixés sur les pièces de l’horloge, il demanda comme seuls les monarques absolus peuvent le faire de plein droit, dans un soupir ou peut-être un gémissement :
– Qu’est donc le temps ?
Ce serait mentir que d’affirmer que Jon Sivertsen ne s’était jamais penché sur la question, tant il avait passé d’heures dans sa vie à explorer les mécanismes destinés à la mesure du temps. Il en avait mis certains en route pour la première fois, il en avait réparé d’autres pour les faire repartir lorsqu’ils s’étaient arrêtés, il en avait réglé d’autres encore qui avançaient ou retardaient, et il en avait démonté certains entièrement avant de les remonter comme il le faisait maintenant avec l’horloge d’Habrecht. Mais c’était une autre affaire, beaucoup plus complexe, de répondre aux interrogations sur la nature même du phénomène, et il était dans l’embarras face à la question que le souverain avait posée comme incidemment, en passant.
Son maître d’apprentissage lui avait jadis parlé des théories d’Aristote et des interactions entre passé, présent et futur. Selon le philosophe grec, le temps n’avait ni début ni fin, il engendrait des changements et, en l’absence de ces changements ou transformations, il n’existait pas. Saint-Augustin, un des pères de l’Église, affirmait que Dieu avait créé le temps en façonnant le monde et qu’avant la Création le temps n’existait pas. La Genèse explique que le Tout-Puissant a d’abord fait le ciel et la terre et qu’il a poursuivi son œuvre les six jours suivants avant de se reposer le septième. C’est la première mesure temporelle. Mais que représentait une journée au royaume de Dieu ? Était-elle constituée de vingt-quatre malheureuses heures ? Et chacune de ces heures avait-elle une durée de soixante minutes ? Ou peut-être la plus petite fraction de seconde équivalait-elle à mille ans ? Et, par conséquent, une heure à une éternité extraite d’une autre éternité ? Le maître de Jon lui avait dit que le temps n’avait pas de réelle signification avant que l’être humain n’entreprenne de le mesurer, de le diviser en unités et de le cerner par l’usage du calendrier. Ces unités de mesure avaient toujours été des créations humaines et ce, dès le moment où les Chinois avaient mis au point le cadran solaire, mais serait-on un jour capable de définir la nature exacte, l’essence du phénomène ?
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Il se souvenait avoir entendu parler de ce territoire septentrional éloigné uniquement pour ses volcans, tremblements de terre et famines. Il y avait une dizaine d’années, la moitié de l’île avait été ravagée par des éruptions qui avaient causé une terrible disette, les Islandais avaient donné à cette catastrophe un nom qu’il n’avait jamais réussi à prononcer correctement. Möduhardidi, et qui signifiait Famine de la Brume ou quelque chose comme ça. Il y avait eu tellement de morts que, des années durant, la colonie n’avait pour ainsi dire pas rapporté le moindre revenu. À la Chancellerie, on avait même parlé, par charité, de transférer au Danemark tous les pauvres diables qui survivaient encore péniblement sur l’île, de manière à mettre fin à leur inutile calvaire sur cette terre du bout du monde, perdue dans l’océan, bien loin vers le nord. (…)
Il savait que jamais il ne se rendrait sur cette île éloignée. Il n’avait pas envie de supporter ce froid et cette humidité. On lui avait raconté des histoires incroyables de gens qui vivaient dans des chaumières enfoncées dans la terre, on disait que l’odeur qui émanait des Islandais n’était pas humaine.
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