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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
En Valachie, en septembre, tous les enfants du Baragan courent après les chardons épineux chassés par le vent russe glacé qui souffle avec fureur sur la steppe. Ils attendent cette période avec impatience pour oublier, un temps, leur misère effroyable. Affamés, en guenilles, sans espoir de quitter la condition d'ilote de leurs parents sous le joug du boïard, du pope et du maire.

Certains, pourtant, profitent de ce "crivatz" pour aller "voir le monde". Peu réussissent. Les autres abandonnent leur folle escapade pour subir les foudres de leur père.

Mataké a quinze ans. Il est de ceux qui enfourchent le balai du vent pour tenter sa chance ailleurs. Son bonheur d'apprenti carrossier ne dure pas longtemps.

L'été 1906 connaît une sécheresse terrible et l'hiver des pluies glaçantes continues. La famine ne guette pas les paysans, elle s'invite au quotidien avec la lassitude, la mort, le désespoir, l'alcoolisme et la fureur. Réduits à la plus inhumaine des vies, n'ayant plus rien à perdre, les campagnes se soulèvent en 1907 contre la tyrannie de leurs oppresseurs. La révolte est sanglante.

Eperdu d'horreur, Mataké fuit à nouveau dans le monde, poursuivi par des chardons autrement vénéneux, le fouet à la main.

La concision de style de Panaït Istrati donne tout son relief à cet épisode dramatique de la province danubienne dont "les femmes, la trentaine passée, semblent vieilles". de nombreux mots roumains émaillent le récit, ce qui avive le réalisme et la force des images.

Roman écrit en 1928 par un auteur à jamais marqué par la misère de son pays et qui, malgré ses multiples pérégrinations en Méditerranée, y reviendra toujours.

Panaït Istrati dédie ce roman "au peuple de Roumanie, à ses onze mille assassinés par le Gouvernement roumain. Aux trois villages : Stanilesti, Baïlesti, Hodivoaïa, rasés à coups de canon, crimes perpétrés en mars 1907 et restés impunis".

Commencer Panaït Istrati, c'est pour moi, ne plus s'arrêter.
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Quel charme cette écriture. On se fait tout petit. Neuf ans tout au plus, habillé de misère comme Matakè, un jour où tout commence, le jour du départ des cigognes. Qu'est-ce que c'est beau même si c'est triste. C'est grandiose parce que l'enfant raconte avec sa propre analogie et qu'il y a de la beauté dans ce regard ; quand la douceur nous attache en opposant une digression naturelle à la dureté. Son ami, Brèche-Dent vous le dirait aussi ; que lorsque le crivatz a soufflé fort en Roumanie, il a tout emporté dans la campagne ; du vent de la révolte des hommes emportés, à cause de la vie rude, de la terre sèche et de l'oppression, au vrai vent lui, enroulant, envolant tout, des chardons en plaine du Baragan jusqu'aux enfants.
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Mataké vit dans une famille misérable au début du 20e siècle en Roumanie, au bord d'un affluent du Danube. Il part avec son père vendre du poisson dans le Baragan, c'est le début d'une nouvelle errance.

La route est longue, monotone, et si peu semée d'espoir. Pourtant, le jeune garçon rêve de courses folles dans la gueule du Baragan, pourchassant les chardons épineux que le Crivatz bouscule avec rage.

Ces chardons que les enfants affamés poursuivent jusqu'à épuisement, « avec un grain de malice dans la caboche », ce sont leurs espoirs d'un avenir meilleur, l'envie d'aller de par le monde, de quitter cette misère qui leur colle à la peau, même si pour cela ils doivent quitter leur famille.

Quand un enfant de neuf ans, comme Mataké, pose son regard sur le Baragan et ses chardons arrachés par le Crivatz, il n'y voit que beauté. Et c'est vrai que c'est d'une beauté rude, lorsque cela est conté avec les mots de Panaït Istrati. Des mots concis, rudes, piqués de poésie, comme des mots-chardons, des mots-Crivatz, évoquant des images rugueuses, salées et splendides à la fois, pour décrire le vent, la terre, le soleil, le ciel, et les hommes.

Mais ce Baragan, c'est aussi l'image de la Roumanie, dont les paysans sont écrasés par les popes, les maires et les boyards. Des « pauvres collés à la terre » qui finiront par crier leur révolte en 1907, pour demander justice, pour extirper ces chardons vénéneux, ces bourreaux, qui empoisonnent leurs vies, pour faire cesser ce Crivatz, ce servage, qui les empêche de respirer et d'avancer.
Ils sentiront les piquants pénétrer leur corps, car la révolte sera violemment réprimée, faisant onze mille morts.

Une écriture à découvrir, un roman puissant qui raconte cette révolte sanglante, cette vie de paysans misérables, d'enfants sans avenir, mais aussi les légendes des paysans roumains, qui s'inventent des histoires pour rêver et rester debout, comme ce petit Mataké rêvant de dompter les chardons du Baragan, ou de saisir ce fleuve de vent qu'est le Crivatz, de voler avec lui.
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En Roumanie, quand arrive le mois de septembre, le vent de Russie, que là-bas l'on nomme le crivatz, souffle avec tant de fureur qu'il emporte les chardons des terres incultes du Baragan dans une cavalcade effrénée, intempestive.
« le Baragan, c'est le lieu que le Seigneur a octroyé à la Valachie pour que le Roumain puisse rêver ». Une terre infertile où rien ne vient, sauf les chardons qui prolifèrent et envahissent l'espace tels « des moutons dont la laine serait d'acier ».
Mais lorsque le vent de Russie se met à rugir, entraînant à sa suite ces boules épineuses, l'homme du Baragan ne peut s'empêcher de se dire : Dieu que c'est beau !
Les enfants du pays attendent avec une impatience fébrile le mois de septembre pour pouvoir voler avec le crivatz à la poursuite des chardons.
Ces galopins miséreux issus de la plus basse extraction du petit peuple de la campagne roumaine, oublient alors la faim, la misère, l'extrême pauvreté à laquelle ils sont réduits, tout à leur joie de galoper ventre à terre dans le vent de Russie.
Certains, épris de liberté, se laissent emporter dans sa danse enfiévrée et ne reviennent jamais sur leurs pas. Ils partent voir le monde, espérant trouver ailleurs ce qu'il leur manque tant sur ces terres ingrates.
C'est le cas de Mataké, le narrateur, jeune garçon de 15 ans qui rêve d'un avenir meilleur.
La pauvreté l'a poussé sur les routes mais où que se tournent ses yeux d'adolescent c'est la même détresse, le même abattement.
C'est qu'en ce début d'année 1907, d'autres chardons, autrement vénéneux, piquent au sang le peuple roumain.
L'état, les boyards, les maires et les popes ont tant asservi le paysan roumain que même quand la récolte est bonne, le « cojan » n'a toujours rien à se mettre sous la dent ! Dieu a pris le parti des grands propriétaires terriens, pas celui des paysans !
Partout, dans tout le pays, des « villageois loqueteux, hâves, courbaturés », partout la même misère, le même désespoir, le même sentiment d'injustice face à la tyrannie des classes dirigeantes.
Et la colère enfle, et la révolte gronde…et le pays exsangue, agonisant, à bout de souffle, s'embrase alors comme « une langue de feu »…

La découverte de ce roman écrit en 1928, c'est avant tout celle d'un homme, l'auteur lui-même, Panaït Istrati, et la curiosité qu'il suscite lorsqu'on apprend que c'est une tentative de suicide et une lettre adressée au prix Nobel de Littérature 1915, Romain Rolland, qui a permis à ses écrits de voir le jour.
Et lorsqu'on se penche sur les « Chardons du Baragan », l'on peut alors appréhender pleinement tout le talent de ce conteur exceptionnel, un auteur engagé et ardent, un homme parti de rien pour qui la littérature est source de vie et d'espoir.
Dans un style spontané, authentique, naturel, à la fois âpre et chaleureux, Istrati nous fait partager l'errance de Mataké, jeune garçon témoin de la répression sanglante de la révolte paysanne roumaine de 1907.
« Les Chardons du Baragan » est une oeuvre forte, vivante, humaine, dans laquelle celui qu'on a surnommé le « Gorki des Balkans » s'emploie à décrire tout le dénuement de son pays d'origine, toute la dureté de vivre dans ce monde de misère, toute l'étendue de la détresse humaine accablée par le poids trop lourd de la pauvreté et du servage.
Mais si c'est un roman de la tragédie, ce n'est pas pour autant un roman tragique. Au contraire, au réalisme de la situation se joint une langue étonnement poétique, visuelle, imagée et bariolée.
L'écriture d'Istrati, ses phrases brèves et intenses, émaillées d'expressions populaires, ont le pouvoir d'évocation et l'incommensurable vigueur de ceux qui ont vu, vécu, touché du doigt ce qu'ils écrivent.
Là est la force d'Istrati ; force brute, virile, sensuelle, pour cet éternel vagabond qui n'a jamais réellement cessé d'être ce petit Mataké des « Chardons du Baragan » demandant apeuré : « Ou allons-nous maintenant ? » et à qui l'on a envie de répondre : « Voir le monde, Mataké…voir le monde… »
Car Panaït Istrati n'a jamais cessé de courir après les chardons…
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Roumanie profonde. Pour ces enfants tellement pauvres qu'ils ne mangent du pain qu'un dimanche sur quatre, c'est une vraie fête que l'arrivée en septembre du Crivatz qui fait s'envoler  les boules de chardon que l'on poursuit à travers le désert du Baragan, émouvante errance à la découverte du monde, d'un peuple affamé quasi réduit à l'esclavage et justifiant le tragique soulèvement de 1907.

Magnifique témoignage écrit en 1928.
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J'ai résisté à l'envie d'écrire une critique dès les premiers chapitres, tant je voulais partager avec vous mon émerveillement à la lecture de ce livre. J'ai donc attendu la fin. Je ressors de cette lecture, profondément émue, triste aussi. Pour moi, ce livre est une véritable perle. Il traite de sujets aussi divers et profonds que l'amour, la vie, l'éducation, la condition des femmes, la place des hommes, l'intolérance, la misère, l'asservissement du peuple , la révolte et enfin la cruauté, tout cela au travers des yeux d'un enfant qui deviendra adolescent, en traversant le pays, à la poursuite des chardons poussés par le vent sur la longue plaine du Baragan. le livre se termine par une terrible citation que quelqu'un avant moi a déjà déposé et que je ne reproduirais donc pas.
Je ne sais s'il se trouve facilement, mais si vous pouvez vous procurer ce qui est pour moi, un chef d'oeuvre, incontournable, ne le ratez pas.
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Mataké est un jeune garçon vivant en Valachie danubienne. Sa mère tient le ménage, son père ne pense qu'à jouer de la flute. Un père dont tout le monde se moque car, dans le ménage c'est lui qui fait le travail habituellement réservé aux femmes, notamment la lessive. La famille vit pauvrement en salant le poisson laissé sur le sable par le Danube à la suite des inondations et en tentant de le vendre. Ils vivent dans le Baragan, plaine aride de la Roumanie, chaude en été, glacée en hiver à cause du Crivatz, vent froid venant de Russie. Seuls y poussent des chardons que mangent les brebis, et qui une fois secs servent de combustible pour le chauffage.
Père et fils chargent la vieille carriole tirée par un vieux cheval de poisson salé et s'en vont le vendre...
Mais le mauvais sort s'acharnera, père et fils devront se séparer et abandonner leur vie antérieure. Comme dit le proverbe roumain : "Le chien ne fuit pas la tarte, mais le gourdin."
Mataké rencontrera alors un autre gamin, Brèche-Dent, qui fuit la violence de son père. Ensemble ils découvriront la ville puis les Trois Hameaux, et le travail comme apprenti. Une autre Roumanie, une autre pauvreté, celle des agriculteurs s'échinant pour le compte des Boyards, propriétaires fermiers. Une Roumanie de la faim, d'une autre faim, dans laquelle bêtes et hommes crèvent quand les récoltes sont mauvaises du fait de la sécheresse, quand la pluie ne laisse pas de temps pour rentrer des récoltes. Les loups et les chiens sont là pour dévorer les cadavres."Dans Trois-Hameaux, il n'y avait hormis les bébés et les infirmes, qu'une douzaine de ces heureux-là. Tous les autres étaient dehors, jusqu'aux enfants et aux vieillards. Et leur vie n'avait plus rien d'humain, dans cette lutte pour une poignée de farine et pour une brindille à jeter au feu"
Heureusement l'alcool est là, il permet d'oublier
"Les chardons du Baragan" n'est pas un roman né de l'imagination d'un auteur.
Le livre écrit en 1928 prend pour base des faits réels: la révolte de 1907 des paysans roumains, une révolte durement réprimée par le gouvernement. Onze mille personnes moururent sous les bombes ou fusillées par les soldats aux ordres des propriétaires. D'autres chardons autrement plus piquants "Tout comme la canaille humaine : plus elle est inutile , et mieux elle sait se défendre."
C'est à eux que Panaït Istrati dédiera ce livre
Deux découvertes, celle tout d'abord de l'écriture concise d'un auteur roumain qui écrivait en français, un auteur réaliste, comparable par bien des cotés à Zola, celle ensuite d'une période de l'histoire.
Des faits racontés sans pathos, ce n'est pas un livre destiné à "faire pleurer dans les chaumières".
Un vrai coup de poing, un vrai coup de coeur
Ne le ratez pas

Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Le hasard fait bien les choses puisque j'ai emprunté à la bibliothèque ce roman de Panaït Istrati uniquement parce que son nom commence par un i pour le challenge ABC et c'est une belle surprise.
"Les chardons du Baragan" m'a permis de découvrir la Roumanie rurale du début du 20ème siècle avec Mataķé un garçon de quatorze ans qui a envie de découvrir le monde. Son monde va pourtant se cantonner au Baragan et ses environs. Il s'agit d'une plaine désertique, "une immensité qui cache l'eau dans le tréfond de ses entrailles et où rien ne vient, rien, sauf les chardons" et où sévit un vent violent appelé le crivatz.

Le garçon vit dans une famille de paysans pauvres. Son père va l'emmener traverser le Baragan pour vendre du poisson fumé et gagner un peu d'argent mais l'aventure s'avérera plus difficile que prévu. Devenu orphelin, c'est avec son ami Yonel, surnommé brèche-dent, que Mataké va poursuivre son périple puis s'installer et travailler à la ferme.
Ils vont connaître la fraternité et l'amour mais aussi la misère puis la famine qui va les mener à la révolte contre l'injustice. Mais la répression sera terrible.

Même s'il y a beaucoup de noms roumains qui nécessitent de lire les nombreuses notes de bas de page, la lecture de ce roman d'apprentissage à beaucoup d'intérêt pour mieux comprendre un pays dont je connais peu la littérature, l'histoire et la géographie.


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Connaissant son histoire littéraire, calomnié de toute part, il fut publié grâce à Romain Rolland, mais ce qui émane de tous ses écrits (je les ai tous lu !) c'est la présence de son âme slave... Les Chardons du Baragan, vous êtes avec lui !
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J'ai dévoré d'une traite ce court ouvrage très beau, très poétique: l'image des enfants courant derrière les chardons soulevés par le vent dans la steppe…quittant leur village pour le vaste monde. Roman d'apprentissage?
Lien : http://miriampanigel.blog.le..
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