Avec sa couverture fort estivale, invitant au voyage et me faisant penser à la Grèce, Akata m'a de suite intriguée avec ce nouveau titre d'une autrice que je ne connaissais pas. le côté josei de son trait, le regard mélancolique de la jeune héroïne et plus lointain et nonchalant de l'homme qui l'accompagne m'ont de suite attirée.
Publié entre 2017 et 2018 dans le Be Love de Kodansha, la série complète en 3 tomes est loin d'être la première de l'autrice.
Nozo Itoi a publié de nombreux titres dans les années 2010 dans des genres aussi variés que le seinen, le shojo, le josei ou le boys love mais elle oscille à chaque fois entre la comédie et le tranche de vie avec une pointe de drame, des ingrédients que l'on retrouve aussi ici dans le titre choisi par l'éditeur français pour nous faire découvrir l'autrice. le titre a pourtant un certain atypisme.
Nozo Itoi nous conte la rencontre entre un père et sa fille, jusque là tout va bien, sauf qu'ils se rencontrent pour la première fois alors que Rutsubo à 9 ans et que celle-ci ne parle pas. Dur dur alors de devoir passer un été à deux, surtout avec un père qui ne sait pas ce que c'est d'être père.
Si j'ai beaucoup aimé le sujet de ce joli josei, j'ai été un peu déstabilisée face à la façon dont cette histoire nous est contée. Je m'attendais à avoir un gros coup coeur mais finalement même si ce fut une belle lecture, j'ai vraiment peiné à m'attacher aux personnages pendant longtemps. L'autrice met une distance entre nous et eux à cause de leur côté très atypique et c'est alors difficile de s'identifier et de ressentir les mêmes émotions qu'eux.
Pourtant, l'histoire de Rutsubo est bouleversante. Elle a perdu sa mère à la naissance, son père ne s'est jamais préoccupé d'elle depuis et elle a été élevée par des gens qui ne voulaient pas d'elle. Pas simple de se construire. On comprend qu'elle ait préféré se taire. Cependant, Rutsubo est loin d'être faible, c'est une force de la nature. Elle est aussi très intelligente et surtout elle a les souvenirs d'elle dans le ventre de sa mère et de ses premiers jours. Cela lui confère un regard très adulte sur son père, ce qui va rendre leur relation bien particulière.
Celle-ci est au coeur de la saga comme le suggère le titre. le temps d'un été, ils vont donc apprendre à se connaitre, apprendre à être père pour l'un, apprendre à être fille pour l'autre. Ce ne sera pas simple. Shima, le père de Rutsubo, est un drôle de bonhomme. Il vit dans son monde, à son rythme, avec ses valeurs qui ne sont pas toujours les nôtres, mais c'est quelqu'un de bon au fond. On apprend à découvrir cet original au fil des pages et si, comme avec Rutsubo, le lien ne se fait pas de suite, il se crée petit à petit, tout comme il se crée entre eux.
Ainsi, même si j'ai eu du mal au début entre cette petite qui ne parle pas et fait tout le temps la tête et ce père Don Juan qui semble avoir besoin de charmer tout le monde, petit à petit je me suis attachée à eux. J'ai aimé les voir tâtonner dans leur relation, pour leur premier repas, leur première sortie, leur première épreuve. Tout se fait difficilement, avec hésitation et non sans heurt, ce qui est tout à fait normal, mais chacun y met du sien au final et il est possible qu'ils nouent une très belle relation. J'ai vraiment apprécié de voir Shima chercher de l'aide dans son entourage mais aussi rester lui-même malgré tout. J'ai apprécié de voir Rutsubo s'ouvrir à l'amie d'enfance de Shima qui lui permet de voir son père autrement. C'est une bien belle histoire où la complexité de chaque émotion est parfaitement rendue.
En plus, l'autrice a vraiment un trait doux, rond et plein de poésie qui transporte le lecteur. Ses planches sont très claires et pleine de pureté. L'absence de parole de son héroïne la pousse à devoir être particulièrement expressive, ce en quoi elle réussit très bien. Chaque personnage a vraiment un look très fort : des gros sourcils et cheveux bouclés de Rutsubo, à la barbichette et au regard lointain de Shima, en passant par le look un peu européen, espagnol de leur colocataire, ou encore la douce rondeur féminine d'Himeko, l'amie d'enfance. J'aime énormément.
Sans être le coup de foudre attendu, le goût des retrouvailles fut tout de même une très belle lecture avec un gros potentiel pour m'émouvoir si l'autrice parvient à briser le mur du silence qu'ont érigeait les personnages autour d'eux. L'atypisme des personnages, leur mystère, mais aussi leur fragilité promettent une très belle histoire que l'autrice saura très bien porter avec son dessin doux et poétique, j'en suis sûre. C'est donc un début très encourageant !
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