Avant de s'enfuir comme si elle avait vu le diable, une belle bohémienne regarde dans la main du docteur Faust. Elle voit qu'il est un savant, qu'il sait beaucoup de choses pourtant, en lui, elle voit le doute, la lassitude aussi et une pointe d'amertume.
Couvert de dettes, sur ordre du bourgmestre, il est saisi.
Quelle tristesse ! le libraire ne lui propose qu'un prix ridiculement bas de ses chers livres, tant de fois lus et relus, qu'il se voit contraint de troquer contre du pain, du fromage et du lard.
C'est alors qu'un inconnu, richement habillé, pénètre dans la boutique et lui en offre 1000 marks avant de l'inviter, au nom de son maître, à dîner à l'auberge de la grand-place.
Le soir même, le docteur Faust, suivi du jeune Wagner, dernier de ses fidèles amis, se dirige vers le rendez-vous qu'il a, lui-même fixé avec son destin......
Cet album a une histoire
Il est le dernier travail de l'immense
Raymond Poïvet.
Il est le manuscrit, perdu pendant plusieurs années, oublié et finalement retrouvé après la mort de son auteur, sous son lit où les pages étaient regroupées en un gros paquet.
Une commande est à l'origine de cet album dessiné par
Raymond Poïvet sur un scénario de Rodolphe. Un jeune éditeur voulait coupler bande-dessinée et opéra.
Et puis voilà que l'éditeur fait faillite...
Mephistophélès, tapi dans l'ombre, ne ferait-il pas tout pour cacher ses sombres agissements ?
Mais par bonheur, une publication tardive vient remettre en lumière, 20 ans après, ce superbe album qui s' ouvre sur une préface de Rodolphe et qui n'est autre qu'un hommage rendu à
Raymond Poïvet.
Ce dernier est un prolifique et talentueux dessinateur de bande-dessinée qui, dès 1941, promena sa plume dans de nombreux périodiques tels que "Vaillant", "Coq hardi", "Pif", "Pilote", "l'Humanité" et "Le Téméraire".
En compagnie de Lécureux, un des pères de "Rahan", il crée, en 1945, la première BD française de science-fiction, la formidable série "les pionniers de l'espérance".
Reconnu comme un modèle par de grands auteurs américains, il anime un atelier où passent de nombreux jeunes créateurs qui seront les noms reconnus de demain,
Uderzo, Forest,
Mandryka.
Crayonné en noir et blanc, cet album est un régal.
La recette en est exceptionnelle.
Tout d'abord, l'idée originale d'animer le personnage de Mephistophélès, de mettre en scène la signature du fameux pacte.
Puis la réunion d'un scénariste surdoué et d'un dessinateur génial.
Au final, une réussite, un album superbe qu'il aura fallu attendre vingt ans mais dont le plaisir procuré ne déçoit à aucun moment cette longue attente.