J’ai quitté ma famille à dix-huit ans pour aller rejoindre une fille qui habitait une petite ville sans charme. Elle travaillait chez un marchand de meubles. Je passais toute la journée à l’attendre, couché, regardant la télévision, m’amusant à pêcher dans l’annuaire des noms de femmes que je ne connaissais pas, et à les appeler rien que pour entendre un instant leur voix. Je m’endormais en fin d’après-midi quand toutes ces activités m’avaient épuisé. Elle rentrait à dix-neuf heures trente, elle était trop fatiguée pour parler tout de suite. Au bout d’un quart d’heure de silence elle me demandait si j’avais faim, je lui répondais que j’avais envie d’aller au restaurant.
Souvent, elle était si fatiguée qu'elle préférait rester à la maison, et je partais seul en week-end. Je la retrouvais le dimanche soir encore plus triste. J'avais beau la malmener je n'obtenais d'elle aucun sursaut d'énergie, juste un surplus de larmes dont je ne savais que faire.
la vie était une simple torture, je ne comprenais pas pourquoi on me l'infligeait. je ne sortais de ma cachette que pour tituber sous l'impression que me faisait le réel.