Soudain, le DJ mit 1999 et un déclic se produisit dans sa poitrine. La voix de Prince, le rythme... Cette chanson à cet instant...
Nina posa ses célèbres fesses sur une pile de rouleaux
d’essuie-tout, baissa les épaules et rapprocha ses omoplates pour tenter de relâcher la tension de son dos.
Bordel de merde. Son mari était revenu à la maison, sa maîtresse avait débarqué, elle avait peut-être une sœur cachée et son frère couchait avec l’ex-petite amie de son autre frère. Vivement que la soirée se termine.
Elle en avait tellement... Des tonnes de vêtements dont elle n'avait jamais voulu, jamais eu besoin, qu'elle n'avait jamais portés. Elle avait tellement de " trucs"... A croire que c'était tout ce qui importait dernièrement : le nombre de choses que vous pouviez acheter.
Ce soir-là, alors qu’ils dînaient dans la salle de pause au fond du
restaurant et que June sirotait son cocktail vodka-canneberge, ils ne
parlèrent que de leur après-midi à l’eau. Son verre à la main, June les
écouta patiemment décrire chaque vague. Elle les fit parler, leur posant des
questions sur les détails les plus insignifiants de la journée. Aucun d’eux
ne se demanda si elle les trouvait réellement si fascinants que ça ou si elle
était naturellement très douée pour faire semblant. La vérité, c’était que
June adorait ses enfants, tout simplement. Elle adorait leurs pensées et
leurs idées, adorait qu’ils lui racontent leurs découvertes, adorait les
regarder grandir et devenir de vraies personnes à part entière.
Si je puis me permettre... intervint Casey. Comme le disait ma mère, quand elle était vraiment en colère, cette fille m'a tout l'air d'être UNE GROSSE CONNASSE.
- Doux Jésus. C’est le jeune homme le plus séduisant que j’aie jamais vu, déclara-t-elle. On dirait Monty Clift quand il était jeune !
June sourit et prit les carottes pour les poser sur la planche à découper. Sa mère secoua la tête.
- Mais raison de plus pour te méfier. On n’épouse pas les garçons qui ressemblent à Monty Clift. June baissa les yeux sur les légumes et commença à les couper en rondelles. Elle savait que sa mère ne la comprendrait jamais. Elle n’achetait jamais de nouvelles robes, n’essayait jamais une nouvelle recette, ne regardait jamais la télévision à l’exception du journal. Chaque année, elle relisait son exemplaire usé jusqu’à la corde des Grandes Espérances de Charles Dickens, car « pourquoi prendre la peine de lire un autre livre alors que je sais déjà que j’adore celui-ci ? ».
Si June ne voulait pas vivre la même vie que sa mère, alors il ne fallait pas qu’elle suive ses conseils. C’était aussi simple que ça.
Kit songea qu’une trop grande indépendance était en quelque sorte un affront pour les gens qui vous aiment. Car ça les prive du bonheur de vous soutenir, de l’impression de servir à quelque chose.
Nina observa sa sœur. Quelle bénédiction de savoir clairement ce que l’on n’était pas, ce que l’on n’avait pas envie d’être. Nina n’était pas sûre de s’être un jour posé la question.
Les enfants qui grandissent avec de l’argent n’ont pas la moindre idée de son existence. Mais ceux qui grandissent sans comprennent vite que c’est l’argent qui contrôle et alimente tout.
Nick pensait à ses enfants. Nina, Jay et Hud.
Il se disait qu’ils allaient forcément bien. Il avait choisi une bonne mère pour eux. Il avait au moins réussi ça. Et il payait toutes les dépenses. Il s’assurait qu’ils avaient un toit sur la tête et versait des pensions alimentaires astronomiques. Tout irait bien pour eux. Après tout, lui s’en était sorti avec beaucoup moins que ce qu’ils avaient.
Jamais il ne se disait qu’il était peut-être en train de les briser de la même façon qu’on l’avait brisé, lui