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Citations sur Dedans ce sont des loups (66)

Les histoires d'amour sont le plus souvent d'une affligeante banalité, y compris les douleurs et les peurs qu'elles occasionnent.
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Les raisons pour lesquelles débarquaient dans ce coin paumé des étrangers, chacun les connaissait. La frontière passait non loin de la ville située plus au sud, n’était pas difficile à franchir pour qui savait prendre l’autocar ou marcher, et aucun accord d’extradition n’existait entre les deux pays partageant cette frontière-là. Si le climat était rude, pas mal se disaient que c’était toujours mieux que la taule, ou pire : l’exécution. Pour le reste, il suffisait de se tenir à peu près à carreau, de travailler, et les autorités fermaient les yeux, oubliaient même jusqu’à votre existence, votre nationalité.

Beaucoup faisaient partie de cette catégorie d’immigrants peu désireux de causer de leur passé. Mais d’évidence, il ne serait pas venu à l’esprit des natifs de poser des questions. Disons que depuis le temps que l’immigration criminelle existait, depuis le temps qu’elle compensait en partie l’émigration massive portée par le rêve d’un été permanent, c’était un bien pour un mal. Il fallait quelques bras pour faire tourner la machine, quelques porte-monnaie pour maintenir un semblant d’activité économique. Conscient de cela, chacun abandonnait sa curiosité et s’accommodait de l’autre. Quel que soit cet autre.
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S’il n’y avait eu les chiens pour tenir à distance les prédateurs, s’il n’y avait eu Sean débarquant de son ivresse et réalisant que sans bois de chauffage nul ne passait l’hiver, Tom serait resté là-bas pour une éternité, voire deux.
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Il avait bien jugé de la chute de l’arbre, sauf que celui-ci, en s’écroulant, avait rompu la branche basse d’un autre qui, sous l’impact, avait sifflé et tournoyé à une vitesse vertigineuse avant de le faucher au niveau des genoux. La douleur lui avait fait perdre connaissance et, lorsqu’il était revenu au monde, c’était pour constater son incapacité à atteindre le pick-up et sa cibi, constater aussi que les fractures étaient ouvertes et qu’elles pissaient le sang.

Les chiens gémissaient à quelques mètres de là, couchés l’un contre l’autre, museau niché entre leurs pattes.

Il avait gueulé sa douleur lorsque, à l’aide de bandes de tissu découpées dans sa veste, il avait posé des garrots au-dessus de ses genoux. Il avait pleuré, puis, serrant les dents sur sa souffrance, sur la nuit tombante, il s’était de nouveau évanoui.
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La nuit était tombée avec lenteur, le sous-bois s’était animé de bruissements, de hululements et d’autres cris encore. Assis sur la caisse à outils placée près de la flambée, avalant son repas, il s’était laissé bercer par l’ambiance forestière, le crépitement des flammes, la danse légère des flammèches. D’aussi loin qu’il s’en souvienne, cette atmosphère l’avait toujours séduit, l’avait toujours conduit à une sorte de sérénité.
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Les gestes de Tom étaient lents, précis. Tout d’abord, il jugeait de l’endroit où devait tomber l’arbre, au plus près du pick-up sans le heurter. Ensuite, il procédait à l’entaille à la base du tronc, dégageait d’un coup de botte la section découpée et repassait de l’autre côté pour faire entrer la chaîne de la tronçonneuse dans le bois selon l’angle adéquat. De haut en bas, toujours le même angle. Au premier craquement, il relâchait sa pression sur la gâchette et reculait de quelques mètres afin d’observer en sécurité la chute de l’arbre. Ceci fait, il passait à l’écimage, puis à l’ébranchage, pour finalement débiter en tronçons réguliers l’écot et empiler son travail sur le plateau du pick-up : autant qu’il pouvait en supporter. Quant à l’excédent, il attendrait que Tom repasse par là. Dans une semaine ou deux.
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Quelques minutes plus tard, il avait arrêté le pick-up devant la ferme de Sean et ne s’était pas étonné de constater que Marthe, assise sur les marches du perron, arborait un œil au beurre noir. Elle en portait toujours un, rarement du même côté, mais en permanence, ça et les contusions allant avec.

Il avait soupiré, s’était répété qu’il faudrait s’occuper de Sean, lui faire sentir ce que ça faisait de se faire dérouiller par plus fort que soi et de vivre l’humiliation et l’indifférence qui s’ensuivaient. Sauf que voilà, il ne ferait rien de tout ça. Pas davantage lui qu’un autre. Pas qu’il s’en foutait, mais s’immiscer dans la vie d’autrui, quelle que soit cette vie, ne se faisait pas. Encore moins ici qu’ailleurs, alors…

Alors à moins de le flinguer…
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Sur la route qui le menait chez Sean, il n’avait pas croisé âme qui vive. Il ne s’en était pas étonné, cela faisait quelques années déjà que l’émigration vers la ville, située quelque trois cents kilomètres plus au sud, avait entamé son processus de désertification. Qui pouvait espérer avoir un avenir en restant ici ? Une autre vie que trimer comme une bête de somme durant les deux mois de clémence que vous accordait la météo, et, le reste de l’année, s’enfermer et regarder le ciel blanchir, s’épaissir jusqu’à devenir opaque et n’être plus que monotonie.

Au septième kilomètre, la cassette s’éjectait, il la retournait pour la ré-encastrer.

Au septième kilomètre, il rallumait une cigarette, toussait, et, du revers de la manche, s’essuyait les lèvres.
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Il avait mis le feu à une cigarette et, tandis que ses poumons encaissaient la première bouffée de la journée, il avait prêté attention au ronronnement de la mécanique. Ça l’émerveillait toujours, cette sympathie qu’avait la machine de tourner rond après des mois de silence, après des années de service.

Du bout des doigts, il avait poussé la cassette dans le lecteur, toujours la même. Il n’en possédait qu’une. Tom partait du principe que dès lors qu’on avait le choix s’installaient le doute et, avec lui, les ennuis.
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Il avait vérifié que la roue de secours était en état, que la cibi encastrée dans le tableau de bord fonctionnait, quoi d’autre encore ?

Rien d’autre, il avait ce qu’il fallait : de quoi se rassasier pendant les pauses qu’il s’accorderait entre deux coupes d’arbres, de quoi se désaltérer, rien d’autre.

Il avait sifflé Molosse et Bethsat, un couple de huskys qui immédiatement avaient grimpé sur le plateau du pick-up pour s’y allonger, serrés l’un contre l’autre, comme toujours. Quelquefois, Tom enviait ces deux-là d’être si proches.

Il avait secoué la tête, comme pour en éjecter le trop-plein de souvenirs, puis il avait tourné la clé pour lancer le moteur du pick-up.

Elle s’en était allée, celle qui avait partagé sa vie longtemps, le laissant là, avec pour seule compagnie le deuil mais pas d’enfant. Elle lui manquait.
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