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EAN : 9782353152100
208 pages
Balland (22/08/2013)
3.62/5   4 notes
Résumé :
«Mais, lui dit M. Clément [son professeur], que voulez-vous donc être ?
- Ma foi, rien, mais rien du tout. J'aime l'étude ; je suis fort heureux, fort content, je ne demande pas autre chose.»

Qui est donc cet homme de rien ? C'est Denis Diderot dévoilé par sa propre fille, en préambule de ce fascinant recueil composé en 1859 par Charles Joliet, jamais réédité depuis.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
En cette année du tricentenaire de la naissance de Diderot, les Editions Balland rééditent, sous le titre L'Esprit de Diderot, plusieurs textes parus au XIXème siècle qu'il est utile de relire ou plutôt de découvrir aujourd'hui tant cet homme, philosophe et écrivain protéiforme, est difficile à cerner.
La lecture pour commencer de L'Histoire de Diderot par Mme de Vandeul, sa fille, est un vrai plaisir. On est séduit par l'attachement pour son père de la narratrice, par l'émotion tendre qui parcourt le texte, surtout par les péripéties romanesques de la vie aventureuse de Diderot, qui le conduit de l'atelier d'un coutelier à la cour de Russie, qui lui fait connaître la misère, l'emprisonnement, les cabales et les intrigues, l'amour et ses désillusions. L'étendue de ses intérêts - philosophie, littérature, théâtre, histoire, arts, sciences et techniques - a de quoi provoquer l'admiration.
«A la distance de quelques siècles du moment où il a vécu, il paraîtra, écrit Rousseau dans les Confessions, un homme prodigieux ; on regardera de loin cette tête universelle avec une admiration mêlée d'étonnement ».
Il met sur le chantier dans une sorte de rage d'écrire plusieurs oeuvres à la fois sans parfois les terminer. Mais c'est surtout dans le rapport avec autrui qu'il brille. Il s'engage dans le combat philosophique, étourdit ses interlocuteurs par le foisonnement de ses prises de position. Il mène l'entreprise gigantesque de L'Encyclopédie, donnant la parole aux uns et aux autres, en sauvegardant l'unité du propos, ce qui relève de l'exploit.
Je ne dis rien de l'homme sensible, passionné, enthousiaste, plein de fantaisie qui se révèle à nous. Il fait irrésistiblement penser au Neveu de Rameau.
L'Esprit de Diderot à proprement parler fait suite à cette première partie. Il s'agit d'un recueil de maximes et de pensées choisies par Charles Joliet, écrivain et journaliste né en 1832 et mort en 1910. Cet ensemble de citations classées par thème correspond bien à une conception d'époque de l'histoire et de la critique littéraire, celle des morceaux choisis qui laissent de côté l'analyse du texte lui-même dans son ensemble et dans ses détails, qui donnent une vision partielle et partiale d'une oeuvre. L'origine des citations n'est jamais donnée. Disons pourtant qu'une telle approche, même si elle peut paraître à certains datée, convient bien dans le cas présent à la personnalité littéraire et philosophique de Diderot. Les différents chapitres (sur la philosophie, sur Dieu, sur l'âme, sur les sentiments et les passions, sur la famille, sur les femmes, sur la science, la littérature et les arts) donnent une idée de l'éclectisme de l'oeuvre. Philosophe, il considère que tout mérite question sans qu'aucune réponse certaine puisse être donnée, qu'il s'agit moins de forger des certitudes que de s'interroger librement. Les maximes et pensées citées sont souvent paradoxales : les bons règnes finissent, dit-il par exemple par faire le malheur des nations, qui n'auraient alors plus le désir d'aucun progrès (p104). Ces pensées se contredisent parfois les unes les autres. C'est que, pour le vrai philosophe, nous ne pouvons être assurés de rien, que nous devons admettre l'erreur pourvu qu'elle ne soit pas une atteinte à notre liberté
« Je permets à chacun de penser à sa manière pourvu qu'on me laisse penser à la mienne : et puis ceux qui sont faits pour se délivrer de ces préjugés n'ont guère besoin qu'on les catéchise »
Le méchant ne peut être totalement mauvais et donc entièrement condamnable, il a été pour une part la victime de circonstances extérieures (p 105). le « bon sauvage » lui-même est loin d'être un modèle, il se méprend sur la valeur réelle de ses actions et sur leur objectif. Il est incapable lui aussi de penser en raison.
« Pendant le froid, je fais comme l'ours qui se met à couvert ; et l'été j'imite l'aigle qui se promène pour satisfaire sa curiosité »
« Mon cher Apé, tout ce que tu dis là est fort beau, mais crois que tu vas parce que tu ne peux pas rester. Tu surabondes en énergie et tu décores cette force secrète qui te meut »
Ce qui apparaît nettement, c'est que Diderot sait se préserver de tout esprit de système. La troisième partie, Ce qu'on dit de Diderot, montre au contraire que les commentateurs se sont souvent contentés de trouver dans l'oeuvre ce qu'ils voulaient y trouver et en disent plus sur eux-mêmes que sur le philosophe.
La dernière partie, Sur l'athéisme à propos de Diderot, rédigée par P.J. Stahl, alias P.J. Hetzel, ne définit pas vraiment la position de Diderot en matière de religion. L'éditeur fait de Diderot « un athée d'un genre tout particulier »…
« Qui plus que lui a besoin d'adorer, d'admirer, d'espérer ? Quelle soif de compensations à cette grande foi perdue ! Il croit à l'art, il croit au beau ; qu'est-ce que l'art, où est le beau, sans l'idée de Dieu ? Il y croit en dévot, en fanatique, et, ne voulant pas déifier le créateur de l'univers, il déifie l'oeuvre de l'homme »
Il faut avouer humblement qu'il est très difficile de définir la position religieuse de Diderot. Athée, déiste, sceptique ? Peut-être se garde-t-il de choisir ? L'article ainsi nommé (p.76) laisse perplexe (à moins que le philosophe, homme d'esprit, ne se moque de son lecteur).
« Je déteste les fanfarons : ils sont faux ; je plains les vrais athées : toute consolation semble morte pour eux ; et je prie Dieu pour les sceptiques : ils manquent de lumières ».
En tout cas la lecture de ce petit ouvrage est l'occasion d'une heureuse rencontre, celle d'un esprit libre et inattendu, d'un génie qui serait fort utile à notre temps. Merci aux éditions Balland (et à Babelio) de m'avoir donné cette joie.

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Un portrait de Diderot par des écrivains des XVIIIème et XIXème siècles

L'esprit de Diderot est un recueil composé par Charles Joliet et édité à Paris par Michel Lévy en 1859. Joliet, né en 1832 et mort en 1910, fut un écrivain très prolifique, auteur de romans, de biographies, de recueils de maximes, mais aussi journaliste ayant collaboré à de nombreux journaux. Il est pourtant inconnu du grand public aujourd'hui. Son recueil est réédité pour la première fois, à l'occasion du tricentenaire de la naissance de Diderot, dont je vous ai déjà parlé lors de l'inauguration du Musée Diderot à Langres début octobre.

L'esprit de Diderot est composé de trois parties. La première nous propose une biographie de Diderot écrite par sa fille, Mme de Vandeul, sa chère Marie-Angélique qu'il aimait tant. Dans son «Histoire de Diderot », Mme de Vandeul décrit avec tendresse des moments particuliers de la vie de son père : son arrivée à Paris en tant qu'étudiant, les circonstances qui ont amené à son mariage, son emprisonnement à Vincennes, son voyage en Russie, ses liens avec Rousseau, lequel apparaît d'ailleurs sous un jour peu positif, enfin sa maladie et sa mort.

On retiendra de cette biographie la réponse que fit Diderot à M. Clément, procureur à Paris chez qui il logeait et étudiait le droit, lorsqu'il lui demanda ce qu'il voulait «être», médecin, procureur, avocat … : « Ma foi, rien, mais rien du tout. J'aime l'étude ; je suis fort heureux, fort content, je ne demande pas autre chose » (p9). Une remarque qui explique toute la vie de Diderot qui, passionné par l'étude, était toujours à la recherche de nouveautés pour abreuver sa soif de savoirs, ce qui le mènera tout naturellement à l'Encyclopédie.

Dans la seconde partie du recueil, Joliet a rassemblé des maximes et pensées de celui qui n'est pas, souligne-t-il, un moraliste, mais bien un philosophe. Parmi ces pensées, j'en ai retenu quelques-unes (qui plairont notamment aux femmes qui écrivent) :

Sur la conscience du bien (p68) : «Il y a mille circonstances où il ne reste à l'homme généreux, à l'artiste malheureux, que la conscience d'avoir bien fait ou de bien faire, et l'espoir d'un avenir plus juste que le présent. »

Pourquoi les femmes écrivent bien (p132): « le bon style est dans le coeur ; voilà pourquoi tant de femmes disent et écrivent comme des anges, sans avoir appris ni à dire, ni à écrire, et pourquoi tant de pédants diront et écriront mal toute leur vie, quoi qu'ils n'aient cessé d'étudier sans apprendre ».

Toujours sur les femmes : «Quand elles ont du génie, je leur en crois l'empreinte plus originale qu'en nous »(p135).

Sur l'État et les mécontents (p104) : «Un État chancelle, quand on en ménage les mécontents. Il touche à sa ruine, quand la crainte les élève aux premières dignités».

Enfin, Joliet a enrichi son recueil d'une troisième partie consacrée à différents jugements portés sur Diderot et ses oeuvres, par des écrivains contemporains du philosophe, comme par des auteurs du XIXème. Rousseau a notamment une parole prémonitoire sur la reconnaissance future du génie de Diderot (p163), Grimm présente Diderot comme « la tête la plus naturellement encyclopédique qui ait jamais existé »(p166), Sainte-Beuve dresse un portrait très sympathique de ce philosophe qui aimait la vie et en qui il salue le «créateur de la critique émue, empressée et éloquente » (p180). D'autres soulignent plus particulièrement son éloquence, mais tous reconnaissent son universalité. Enfin, le recueil se termine par un texte de P.J Stahl (pseudonyme de l'éditeur Hetzel) dans lequel il analyse l'athéisme de Diderot.

Avec L'esprit de Diderot, Balland nous offre le portrait d'un philosophe que l'on redécouvre cette année, à la faveur des manifestations célébrant l'anniversaire de sa naissance, et qui apparaît bien plus qu'un auteur du passé : un homme aux préoccupations universelles, aussi bien dans leur étendue que dans le temps. Un modernisme qui rend cette réédition bienvenue !

L'esprit de Diderot, Recueil de maximes et pensées, collectif, Balland, Paris, Août 2013, 208p.



Merci à Babelio et son opération Masse Critique, et aux éditions Balland de m'avoir envoyé L'esprit de Diderot.
http://lelivredaprès.com/un-portrait-de-diderot-par-des-ecrivains-des-xviiieme-et-xixeme-siecles/


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J'ai postulé pour ce titre lors de Masse critique, sur Babelio : l'envie de découvrir plus avant ce concepteur de l'Encyclopédie, tout en enrichissant mes cours.

En fait, plutôt que les maximes elles-mêmes, j'ai surtout apprécié les première et troisième parties.

L'histoire de Diderot par Mme de Vandeul, sa fille, trace le portrait d'un être foncièrement désireux d'apprendre, constamment, en toutes circonstances ; désireux aussi de demeurer toujours fidèle à ses idées.

La troisième partie, Ce qu'on a dit de Diderot, apporte, elle aussi, un éclairage sur le philosophe.

"Il difficile à Diderot de faire un plus utile, un plus digne et mémorable emploi de sa faculté puissante qu'en la vouant à l'Encyclopédie. Il servit et précipita par cette oeuvre civilisatrice la révolution qu'il avait signalée dans les sciences." Sainte-Beuve [p. 177]
Lien : http://paikanne.skynetblogs...
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Naître de l'imbécillité au milieu de la douleur et des cris ; être le jouet de l'ignorance, de l'erreur, du besoin, des maladies, de la méchanceté et des passions ; retourner pas à pas à l"imbécillité du moment où l'on balbutie jusqu'au moment où l'on radote ; vivre parmi des fripons et des charlatans de toute espèce ; s'éteindre entre un homme qui vous tâte le pouls et un autre qui vous trouble la tête ; ne savoir d'où l'on vient, pourquoi l'on est venu, où l'on va ; voilà ce que l'on appelle le présent le plus important de nos parents et de la nature : LA VIE.
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