Coup de coeur absol
u pour ce roman de Serge Joncour, un auteur que j'apprécie décidément de plus en plus.
Deux personnages « que tout oppose » :
Aurore, styliste mariée depuis huit ans à un homme d'affaires américain fringant mais de plus en plus distant, mère de jumeaux de six ans, citadine, toujours élégante mais fatiguée et de plus en plus angoissée par le devenir de son entreprise.
Ludovic, agriculteur reconverti dans le recouvrement de dettes, veuf depuis trois ans, solitaire « endurci » par la force de choses, un grand et solide gaillard taiseux mal à l'aise dans son job et les turbulences de la capitale, mais qui n'hésite jamais à « filer un coup de main » aux plus vieux, plus pauvres, plus faibles que lui.
Par une habile alternance de chapitres, on suit les destins des deux protagonistes confrontés à une succession d'épreuves et d'imprévus, dans leurs vies professionnelle et personnelle.
Ils sont voisins, mais auraient pu continuer à ne pas se croiser, si Aurore n'avait pas… la phobie des corbeaux.
On peut dire que l'attrait n'est pas immédiat. Ils se croisent, se jaugent, se toisent.
Avant d'apprendre à se connaître.
Puis se reconnaître, car sous le masque tous deux cachent des failles et des blessures. Insidieusement, la fascination l'emporte sur la méfiance.
Et enfin s'entraider, jusqu'à avoir viscéralement besoin l'un de l'autre.
Aurore ne comprend pas bien ce qui lui arrive, de se trouver irrésistiblement attirée par cette force brute, aux antipodes de ce qui l'avait séduite chez son époux. Ludovic ne se sent pas davantage légitime dans le rôle de l' « amant ». le « tocard », dépassé par les événements, en vient à douter de la sincérité d'Aurore.
L'intérêt du lecteur accompagne la montée en tension… jusqu'au dénouement, de toute beauté avec un titre qui prend tout son sens.
Sans se départir de son humour (subtilement dosé), Serge Joncour livre un récit nostalgique, émouvant, inquiétant et captivant, en prise avec les réalités d'une société consumériste et individualiste.
Mais aussi : une magnifique réécriture de la Belle et la Bête, qui a touché mon petit coeur.