[Il] ne m'a pas parlé de la guerre. Dans l'ensemble, les hommes qui sont allés au feu se taisent. Ce sont ceux qui ont bénéficié d'une affectation loin derrière les lignes de front qui veulent tout vous raconter et ceux qui n'ont jamais servi qui veulent savoir. (p. 211)
"Je n'aurais jamais cru que ça me manquerait autant. Je ne parle pas de l'Allemagne nazie, il aurait fallu être marteau pour regretter un endroit pareil. Je parle de celui que j'étais là-bas. Là-bas, j'étais un libérateur, un héros. Dans le Mississippi, je n'étais qu'un nègre qui poussait sa charrue comme tant d'autres. Et plus le temps passait, plus je n'étais que ça."
"Home again, home again, juiggety-jig", dit la comptine. Moricaud, jus de réglisse, mal blanchi, négro. S'en était allé défendre son pays pour découvrir au r'tour que rien n'avait changé ohé ohé. Les Noirs continuaient à voyager à l'arrière des bus, à emprunter les portes de service, à cueillir le coton des Blancs, à demander pardon aux Blancs. On avait répondu à leur appel, on avait fait leur guerre, mais ils s'en foutaient : pour eux, on continuait à n'être que des nègres. Et les soldats noirs qui étaient morts n'étaient que des nègres morts. (p. 162)
La Bible est truffée d'interdits. Tu ne commettras point d'assassinat, et d'un. Tu ne porteras point de faux témoignage contre ton prochain, et de deux. Tu ne commettras point d'adultère, tu ne découvriras point la nudité de la femme de ton frère... et de trois et de quatre. Notez que pas un seul d'entre eux ne fournit la moindre échappatoire. Il n'existe pas de propositions subordonnées vous permettant de justifier vos péchés du genre : Tu ne découvriras point la nudité de la femme de ton frère, à moins que tu ne sois en train d'errer dans l'enfer le plus noir, coupé de toi et de tout souvenir de lumière et de bonté, et que découvrir sa nudité soit le seul moyen de te retrouver. Non, dans la plupart des cas, la Bible est formelle. C'est pour ça que je ne crois aps en Dieu.
Les débuts sont insaisissables. Juste au moment où vous croyez en tenir un, vous jetez un coup d’oeil en arrière et vous en apercevez un autre, antérieur, et un autre antérieur au précédent.
Tous ces gens dont j'ai chamboulé l'existence... et qui m'ont laissé me soustraire aux conséquences de mes actes sans me demander de comptes.
On peut raconter ce qu’on veut, honnête ou pas, pour moi, la sueur sent toujours la sueur. Ca n’avait pas l’air de déranger Henry, mais personnellement je ne m’y suis jamais habituée. Je repensais à ma petite salle de bains sur Evergreen Street avec une nostalgie étourdissante. J’avais trouvé tout naturel d’en disposer, j’avais même ronchonné à l’occasion contre le manque de pression et les éclats sur la porcelaine de la baignoire. A présent que je me débrouillais d’un seau d’eau froide pour faire des toilettes de chat dans la cuisine, cette petite salle de bains me paraissait le comble du luxe.
J'ai éprouvé le sentiment que les choses étaient en ordre, sentiment que je n'avais pas connu depuis des années, que je n'avais peut-être jamais connu.
Je présume qu'un début dépend de celui qui raconte.
Ce qu'on ne peut dire tout haut, on le dit en silence.