La maison d'en face

Quand il était petit, c'est toujours Georges qui allait chez les Fontanaie. Chaque soir, il rentrait avec une moustache crémeuse et des joues qui sentaient le lait cru en disant : "J'ai fait le veau." Sur le chemin du retour, il buvait de grandes lampées à même la laitière et l'arrondi du bord, trop grand pour sa petite bouche, déposait des traces blanches presque jusqu'aux oreilles. Le père riait tandis que Clémentine grondait qu'il n'en restait plus assez. Souvent, quand il en avait trop bu, il retournait faire un câlin à Jeanne pour qu'elle lui remplisse la laitière. Tout le monde faisait mine de ne rien savoir et de garder le secret, mais tous riaient de ces moustaches blanches et de ce goût de lait chaud sur les joues du gamin.
Clémentine pose la laitière sur la pierre de l'évier. Pendant que le lait bout, elle revient vers le fond de la cuisine et ouvre la lucarne pour voir où en sont ses lapins. En faisant ce geste, une fois sur deux, elle oublie qu'elle a mis une casserole sur le feu et le lait se sauve.

Le chien jaune

Les trois femmes ressassent le drame qu'a fait naître la maladie dans cette maison mais, au-delà de la maladie, elles soupçonnaient des rancoeurs accumulées pendant une vie entière.

Des médicaments sans effet

Le cancer tient Vincent. Il ne le lâchera pas. Pour le vieux, la perspective de partir en abandonnant sa terre à "je ne sais qui" le rend insupportable de méchanceté. Dans le fond, cette idée lui fait peut-être encore plus mal que le cancer.

Des médicaments sans effet

Gisèle vend le lait à l'étable, fournit quelques bidons l'épicerie du village et quelques autres à ceux des villages voisins. l'un dans l'autre, elle écoule chaque jour une centaine de litres de lait. Quand il y a du reste, elle le donne aux veaux ou fait du fromage blanc. C'est difficile d'écouler le lait depuis que la laiterie de Sours est fermée et que le camions du laitier a cessé de trimbaler sur les routes les bidons ferraillant dans un vacarme du tonnerre de Dieu. c'est aussi pour cette raison que les vaches disparaissent de Beauce.

Des médicaments sans effet

On a peur de la mort quand on a raté sa vie et qu'on part en disant : "Ah ! si je pouvais recommencer..."

Promesses de vie

La lumière et la chaleur déclinent. Clémentine rebrousse chemin. Elle se sent calme et apaisée. Aujourd'hui peut finir, sa vie a eu le sens qu'elle doit avoir : elle a fait sa visite à Aurélien.

Une journée ordinaire

Chaque jour de l'année, Clémentine passe au cimetière. Elle rend visite son mari comme elle le ferait s'il était hospitalisé. Tous les jours. Elle lui parle, comme on parle un malade. Quotidiennement, elle revit les derniers moments et finit par pleurer.

Une journée ordinaire

Il doit penser qu'il a travaillé toute sa vie pour rien. Quand on n'a pas d'enfant, on part comme un voyageur sans sa valise.

Une journée ordinaire

En face, la maison toute ruisselante de lumière est redevenue silencieuse. (...) et ses yeux de fièvre lui font revivre les jours tragiques du passé.

Vivre de souvenirs

" Tu trouveras une petite enveloppe dans le dernier tiroir de mon établi. J'ai tout écrit pour le jour où çà arrivera. Ne pleure pas. Je ne veux surtout pas qu'on pleure. ce sera une délivrance. j'en peux plus ! "

Vivre de souvenirs