Comme ne cessent de le répéter les Chinois, si "tout le monde est à même de distinguer les différentes saveurs", l'insipidité du "centre" (ou du "Tao") est "ce qu'il y a de plus difficile à apprécier". Mais elle s'apprécie sans fin.
(p.18)
Il convient donc de se former à cet art de la lecture, celui de laisser INFUSER le sens : loin du pointage impérieux du discours (démonstratif) et de tous ses marquages insistants laisser dissoudre librement en soi tout le sens possible, se prêter à ses sollicitations secrètes et s'engager ainsi dans un itinéraire qui se renouvelle toujours, à l'infini.
(p.27)
La fadeur est CONCRÈTE - même si elle est discrète.
(p.27)
La fadeur des choses appelle au détachement intérieur. Mais elle est aussi une vertu, notamment dans notre rapport à autrui, parce qu'elle est gage d'authenticité ; elle doit être aussi à la base de notre personnalité puisque, seule, elle permet de posséder également toutes les aptitudes et de faire preuve, en chaque occasion, de la faculté requise.
(p.19)
[les arts chinois] peuvent rendre plus SENSIBLE cette insipidité fondamentale – ils ont donc mission de la révéler : à travers le son, le poème, la peinture, la fadeur devient expérience.
(p.21)
[...] la fadeur est au départ de tous les possibles et les fait communiquer.
(p.17)
Notre époque est celle de la standardisation des cultures, du "zapping" entre civilisations et des "digests". Or le sens se perd dès que cesse d'être patiemment pris en compte son cheminement historique et singulier.
Le sage sait prêter l'oreille au silence et c'est à ce stade qu'il perçoit l'harmonie.
Se dégageant du fardeau des choses, il ne renonce pas à leur présence. Disponible, sans attache fixe, voguant au gré de flots calmes, voyageant d'ami en ami, il évolue dans un monde délivré de toute insistance et, par là-même, offert sans fin à la rencontre, à la jouissance. La fadeur du paysage peint ne correspond donc pas seulement à un effet d'art. Elle est l'expression de la sagesse, la vie fade est un idéal.
La fadeur contient la plus extrême saveur ; ce qui passe inaperçu est de plus en plus prenant, et devient inoubliable ; la saveur idéale, enfin, est celle de l'eau.