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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce livre m'a accompagné plusieurs jours et continu d'alimenter mes réflexions nocturnes…

Ce n'est pas tant la magnifique plume de Karim Kattan, où fantasmagorie rime avec souvenirs, on ne peut pas rester insensible à cette plume entrainante, poétique avec une certaine saveur musicale indéniable. On est pris aux tripes par la trame qui oscille entre songes, folies et réalités, mais c'est tout le contexte en toile de fond qui donne cette saveur particulière à ce livre.

Loin d'être un simple songe, c'est une réalité brute et cruelle qui est décrite.

Il faut s'attacher à lire entre les lignes pour comprendre ce que l'auteur a voulu mettre en exergue. L'oubli, l'exil sont salvateurs, mais il suffit de peu de choses pour que les souvenirs ressurgissent. Ils sont toujours là tapis au fond de notre mémoire et n'attendent que de surgir, comme un monstre explosant nos entrailles.

Malgré toute la douceur de la plume, il y a un vrai cri de rage et de souffrance, Faysal n'est qu'un murmure qui s'infiltre entre les collines. Un murmure qui devient Wiswis… Il faut comprendre ce que sont ces Wiswis pour appréhender toute la souffrance de Faysal, de sa famille, mais aussi de tout un peuple. de la grandeur à la chute programmée…

Lorsque j'ai lu le mot Wiswis, j'ai eu du mal à cerner ce que voulait nous faire comprendre l'auteur et puis j'ai eu cette sensation de plonger dans mon enfance, dans ces paroles, ces mots qui prennent un sens tellement différent lorsqu'ils sont en arabe, ils prennent une saveur toute particulière. Je suis d'ailleurs incapable de lui trouver un mot qui puisse le définir clairement. C'est le propre de ces murmures au creux de l'oreille, ce double sens qui oscille entre murmure et folie douce. le twaswis est un chuchotement d'origine interne qui devient obsessionnel.

Et c'est surtout de ça dont il est question ici. L'obsession… L'obsession de vivre et de passer à autre chose, l'obsession de ne pas oublier en gardant le lien avec le passé. Comme un lien ténu entre deux personnalités, deux vies, au point de ne plus savoir ce que l'on souhaite vraiment.

Il y a une allégorie incroyable entre Faysal et la Palestine. A lui seul il est la Palestine. L'auteur évoque la gloire passée de cette grande famille, dans ce palais aux deux collines, c'est la gloire du peuple palestinien, reconnu et libre. L'auteur évoque le départ et l'exil de Faysal pendant 10 ans, ce sont les Palestiniens qui fuient… Faysal n'arrive pas à oublier au point d'en devenir fou, c'est le peuple palestinien qui vit cette folie qui quotidien…

Sous ses airs poétiques, c'est un livre engagé qui annonce la fin d'un peuple. le palais des deux collines, c'est l'allégorie dont l'auteur se sert pour nous parler de la Vallée du Jourdain, où depuis la création de l'État d'Israël ont été implantées de nombreuses colonies israéliennes. À l'exception de 50 000 Palestiniens dont la carte d'identité mentionne qu'ils habitent dans l'un des villages de cette région, tous les autres ne peuvent y pénétrer librement depuis mai 2005. Un cordon nord-sud de check-points en contrôle l'accès. Durant, le processus de paix israélo-palestinien, sous la houlette de la communauté internationale, pour trouver une solution au conflit israélo-palestinien, l'Autorité palestinienne n'a pu s'établir que sur 45 km2 sur les 2 400 km2 que forment la vallée.

Il y a deux manières de découvrir Karim Kattan et « le Palais des deux collines« .

On peut le lire en se laissant bercer par la musicalité des mots, par les souvenirs, les fantômes aux murmures obsédants où Faysal se perd au rythme de l'avancée des colons, se perd dans les mémoires et se perd pour la Palestine.

On peut aussi le lire au regard de l'Histoire et y voir la lente progression dans la Vallée du Jourdain, des troupes israéliennes détruisant les habitations palestiniennes. C'est une longue et douloureuse colonisation, un lent déclin et une disparition programmée d'un peuple.

On ne referme pas ce livre comme on en referme un autre… Il laisse son empreinte, son atmosphère, ses images, ses couleurs collent à la peau et comme Faysal, comme ces Palestiniens, on a envie de crier sa rage mais la tristesse nous enveloppe au point de nous rendre spectateur d'une mort programmée…
Lien : https://julitlesmots.com/202..
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Bouleversée par ce récit entre conte, rêverie, roman…
Faysal le narrateur écrit à un destinataire que l'on découvre ensuite ses pensées, son histoire, son errance.
Né à Jabalayn, il a grandi dans cette grande maison en haut d'une des deux collines du village, ce petit coin de Palestine qui a connu les guerres et où arrivent les colons.
Difficile de dire pourquoi ou comment ce récit m'a profondément touchée : sa narration, la sincérité qui transperce, la temporalité décousue, l'alternance entre rêves et réalité. C'est superbe !
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Un titre qui oscille entre réalisme magique, et témoignage d'une réalité terrible.
Le dernier survivant d'une famille aisée de palestiniens revient dans la maison fantasque construite en son temps par un grand-père original, tandis que les colons israëliens sont à deux pas d'ici...
Les époques se superposent et se mêlent en e même lieu, et si le narrateur promet au début de tout raconter chronologiquement, c'est précisément ce qu'il ne fait pas, mais construit l'histoire de la famille comme le grand-père a lui-même fait construire la maison, par étape, sans ordre apparent. Les fantômes croisent les vivants, en s'attachant à certains figures plus que d'autres, toutes complexes, toutes fascinantes.
Si on y traite bien sûr de la famille et de l'amour, le thème central est la réaction de chacun face à cette situation de colonisation par un voisin : il y a la grand-mère qui toute sa vie a été à 2 doigts de prendre les armes, l'ancêtre "collabo", le rejeton indifférent, qui loin d'aimer cette terre croit la rejeter, et en est pourtant dépendant.
Un texte vibrant, une langue qui ne cherche pas la joliesse ni l'effet de style, mais l'authenticité. A travers des scènes nébuleuses, des non-dits, Karim Kattan peint la fin d'une dynastie et la fin d'une terre. Une disparition, lente, et qui laisse le monde et même le narrateur, indifférents.
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Quelle est la part de réalité, de rêves, de folie dans ce roman?

Faysal, exilé palestinien, reçoit un jour un faire part de décès d'une supposée tante Rita qu'il ne connaît pas. Tous ses ancêtres sont morts. Sa curiosité l'amène néanmoins à tout quitter, son compagnon, son appartement, son travail, sa vie en Europe pour se rendre immédiatement à Jabalayn, dans son village natal en Palestine.

Il se rend donc dans le palais dont il a hérité, perché sur une colline. Lui, le petit fils du riche homme d'affaires Ibrahim et de Nawal. Lui, orphelin de mère dès sa naissance et orphelin de père à l'âge de 2 ans. Lui qui a été élevé par les membres de la maison familiale : ses grands parents, sa tante Jeannette, son oncle adoré Ayoub ainsi que les voisins Josephine et Jihad.

Son retour sur la terre promise est comme un appel irrésistible, lui qui n'y a plus d'attache. Il retrouve les lieux de son enfance, accueilli par Nawal, le fantôme de la maison, devenue gardienne et conteuse de sa vie passée. Dès son arrivée, Faysal est soumis aux murmures des wiswis.

Par un jeu de temporalités Faysal est transporté de sa naissance à son enfance et sa vie présente au cours de laquelle il s'adresse à son amant, lui écrit pour lui expliquer les raisons de son départ précipité et celles pour lesquelles il lui est impossible de rentrer. Il se rappelle d'éléments de son enfance et découvre de lourds secrets familiaux.

On découvre une Palestine authentique, rurale, religieuse avec un peuple fier prêt à tout pour rester sur la terre de ses ancêtres.

Même exilé et heureux d'avoir quitté ce pays douloureux, Faysal a du sang palestinien qui coule dans ses veines et son histoire l'entrave, rend impossible tout retour. Il est retenu par les liens sacrés qui l'unissent à Jabalayn. Nawal l'a rappelé pour défendre sa terre : les colons sont tout près, ils vont s'emparer de toutes leurs possessions dans la force si personne ne s'interpose.

Ce faire part était-il réel ? Était-il un faux prétexte inventé par Faysal pour se placer en dernier rempart face à l'invasion des colons ? Était-ce une manoeuvre du fantôme de Nawal ?

Ce roman sur fond de colonisation et de surnaturel est puissant, envoûtant et haletant.

La plume de Karim KATTAN est poétique, ciselée et fascinante. Une fascination que l'on retrouve aussi dans la description faite par Faysal de son oncle Ayoub qui révèle une description charnelle, sensuelle et dans celle de son amante la belle et intelligente Josephine.

Une belle histoire malgré une vision pessimiste sur l'issue du conflit Israël-Palestine. Les palestiniens pourront ils rester sur leurs terres et à quel prix?
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Revenir dans sa maison d'enfance, cette utopie créée par son grand-père en Cisjordanie c'est rencontrer les fantômes qui peuplent son histoire et celle du peuple Palestinien.
Au fil de la lecture et des souvenirs des habitants du palais on comprend les drames que cette famille déracinée a subi.
Un roman exigeant par sa forme et son style, le lecteur est pourtant envoûté par une écriture sensorielle et mémorielle puissante : il y a un petit quelque chose de Woolf, avec ce flot de pensée et ces souvenirs imbriqués.
Au delà du texte, il s'agit surtout de se rappeler l'Histoire de cette région du monde où le conflit semble encore aujourd'hui insoluble.
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Écrit comme une longue lettre ou une confession à son amant délaissé, entrecoupé d'interventions de Nawal, la grand-mère de Faysal, ce très beau roman est un peu exigeant si l'on ne veut pas se perdre. Mais l'attention demandée est quasiment est inhérente au texte, tant icelui est prenant, fascinant... il sera difficile d'en sortir même pour quelques minutes pour vaquer à des occupations prosaïques. "Mon village, il aurait pu surgir d'un conte de fées. Tu as vu de tes propres yeux que c'est beau et pas-tout-à-fait-comme-le-reste. Il y a quelque chose d'incongru chez moi. C'est un monde à part, une forêt perdu entre ici et demain, c'est ça, Jabalayn. Quelque chose qui cloche, on ne saurait dire quoi, c'est un monde juste un peu différent, une fourchette posée juste un peu trop à gauche de l'assiette, une qualité de l'air imperceptiblement autre." (p.24)

Les pensées de Faysal -et donc son propos- sont décousues, entre le réel, l'onirique, les souvenirs fantasmés ou pas. Puis il y a cette situation de ce village en Cisjordanie, isole, tout autour des villes et villages annexés par les colons et Jabalayn et ses deux collines qui résistent passivement. "Je vais te dire un petit secret sur eux, ils se prennent pour des cowboys de Dieu. La révolution dont ils parlent, c'est le jour où les colons qui avaient déjà occupé une grande partie de la Cisjordanie ont décidé qu'ils en avaient assez d'attendre et que leur temps était venu. Un peu le grand soir des cowboys : ils allaient prendre, de force, tout ce qu'ils pouvaient du territoire." (p. 39)

Le texte est très beau, je le disais plus haut, fascinant, de ceux qui restent encore en tête même lorsque le livre est fermé, ce qui permet de s'y remettre aisément. Il parle de l'engagement politique et armé pour défendre sa terre, de la lâcheté ou de la peur de lutter, de la résignation. Il est troublant, tendre et violent, envoûtant : "Mourir sur cette colline : l'idée me plaît parfois. Tu l'as sentie, la volupté de Jabalayn, terre de fées où le soir les lucioles encerclent d'un halo extra-terrestre le restaurant de Jihad, désormais envahi de ronces et de digitales, dansent autour des amandiers de la maison, et nous soustraient au monde." (p.47)

Premier roman d'un jeune auteur palestinien, Karim Kattan, publié dans une belle maison, Elyzad.
Lien : http://www.lyvres.fr/
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« Mon village, il aurait pu surgir d'un conte de fée… C'est un monde à part, une forêt perdue entre ici et demain. C'est ça Jabalayn… »
« le palais des deux collines » est magistral. Des voix qui s'élèvent, tant litanies que résistances. Bouleversant, si proche de nous, il nous prend à bras le corps. Les témoignages s'effacent et cèdent la place à la beauté infinie de ce lieu, de ce pays meurtri : La Palestine. Faysal conte, arrime sa patrie, ses frères et soeurs combattants de l'adversité, sa famille. L'idiosyncrasie d'un peuple déraciné, tarentule et désespoir. Ici, le palais est sceau, ce qui fût et qui n'est plus. Les collines chavirées sous les griffes acérées. Faysal est de retour dans la ligne de mire des souvenirs insistants, nostalgiques.
« Et comme ces dernières semblent invincibles, dressées telles des guerrières insoumises et gardiennes de la terre. »
Faysal retourne la terre de ses mains. Il se rappelle de la vie ici-bas dans l'avant annexion, lorsque tout était encore plausible.Le palais fantôme, ruines devenues, laissent les ombres déambuler encore. Faysal parle la langue Babel, celle qui honore la mémoire des lieux. Les images s'accrochent aux larmes du ciel, aux couleurs froissées. L'infini d'une vie symbolique lorsque cet endroit enivrant d'Histoire était profondément vivant et de plénitude vêtue.
« En sillonnant la maison, j'ai retrouvé et les odeurs et le toucher, j'ai retrouvé l'ouïe et j'ai su écouter enfin comme je le faisais avant le bruissement des ailes de nuit. Ce serait mentir. »
Ses pas sont initiatiques, des empreintes où s'entrechoquent les malheurs et les turbulences, le majestueux passé auprès des siens envers et contre tout.
« Depuis vingt-cinq ans, ma vie est vide sans toi. Bonjour, bonjour Ayoub. La mort t'a adouci. »
Le village de Jabalayn est un berceau renversé, une coquille écrasée du pied. Les hommes ne sont plus. Lande étouffée par le nauséabond. le palais des deux collines est fissures et douleurs. Les brûlures ne cicatrisent pas, terre arrachée tel un drap trop vite séché. Faire disparaître le goût acide des abricots, la paix tranquille et la liberté comptée. Pourtant il suffisait juste de penser l'autre avant soi-même. de faire chanter les possibles et d'étreindre le cosmopolite. Ce livre grave, poignant est une rencontre précieuse avec Karim Kattan, tant il connaît le miracle des mots. Tant son écriture est douce et loyale.
« Connais-tu, au moins, l'âme du pays, son bruissement ? Là-bas, et plus près d'ici, tu n'entends pas des centaines de villages chanter ? »
Ce livre est un témoignage crucial, la langue nouvelle qui soulève les sables brûlants. Mémoriel, certifié, douloureux, olympien car juste. En lice pour le prix Hors Concours 2021. Publié par les Éditions Elyzad.

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aysal, la trentaine, vit en Europe depuis qu'il a quitté la Palestine d'abord pour ses études puis pour y vivre.

Un jour, il reçoit le faire-part de décès de sa tante Rita dont il n'a aucun souvenir. Intrigué, il retourne à Jabalayn, « les deux collines », son village natal en Palestine.

Un retour dans un village en ruines qui semble attendre l'invasion ennemie. L'occasion pour Faysal d'écrire à Georges, son amant le passé faste, douloureux et lourd de secrets mais aussi son présent, assailli par les wiswis, « les murmures » de ceux qui ne sont plus et qui l'enjoignent de ne pas abandonner, de lutter, de se rappeler jusqu'au point de non-retour.

La plume poétique et métaphorique à la fois raconte, non « murmure » les souvenirs et la douleur qui y est attachée. le récit oscille entre rêves et certitudes, passé et présent pour dessiner une réalité brutale et cruelle, celle de l'extinction d'un peuple.

Dans une magistrale analogie entre les souvenirs de Faysal et l'histoire de la Palestine, le récit, rythmé par la musicalité des mots et les murmures obsédants raconte le déclin d'un homme et celui d'une nation.

Faysal, dernier né de sa famille, unique héritier, seul dans ce palais abandonné, est assailli par les fantômes de son passé qui lui réclament de ne pas oublier, de résister à l'envahisseur et de préserver la mémoire de ses ancêtres et celle de la Palestine. En écho à l'avancée des troupes israéliennes, Faysal, s'enfonce dans ce rôle de gardien jusqu'à s'y perdre.

Un roman doux et brutal à la fois, empreint d'une profonde nostalgie qui touche en plein coeur. Un roman qui hante même après l'avoir refermé depuis quelques jours. Un roman dont l'écriture ne peut laisser indemne. Un coup de coeur pour un auteur au talent indéniable.
Lien : https://www.instagram.com/ne..
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