Citations sur La maison du retour (76)
...Après trois années d'enfermement, j'ai besoin de la démesure de ce paysage, ponctué par des vides au milieu des pinèdes mais jamais borné."
..."Dans le calme du soir, les grands pins noirs renvoient vers la maison une odeur profonde de sous-bois. Une odeur qui souligne un silence duveteux et régalant. Le contraire du vide, du manque. Un silence vivant, balsamique..."
..." Le pin est l'arbre de l'élévation et du dépassement. Une forme de transcendance obtenue non pas par la rectitude mais par la courbure. Sa fausse verticalité maintient en suspension le paysage. Son balancement n'appuie pas sur le surface plane."
Quelle est la vocation de la maison dans la clairière ? Trop tard pour se poser la question.Villa, ermitage, chaumière pour deux cœurs. On connaît bien ces demeures où Narcisse contemple devant ses murs, se met en scène obsédé par le reflet qu'il souhaite présenter à l'invité ou au visiteur. Les lampes signées, les meubles à tirage limité obéissent à des pulsions artistiques nées d'images traînant dans les magazines et veulent signifier le personnage qu'on voudrait être.
L'idée que l'été ne fait que commencer me remplit de reconnaissance. Tant de promesses! Les matins mouillés par la rosée, les longues soirées animées à l'ombre de mon platane orphelin. Mais pourquoi ce gros bourdon vient-il troubler la paix de ce bel après-midi? Il veut s'échapper. Son corps lourd frappe violemment les vitres.
Suis-je victime de ce mal-être moderne: la mélancolie de l'accomplissement? Une fois parvenu au but, le sujet se sent morose, désappointé. " Tout ce qui est atteint est détruit ", affirme Montherlant. Ai- je aboli mon rêve en le réalisant ?
( Gallimard, Folio, 2008, p.74)
Dès cet instant, j'arrête d'écrire pour me promener dans la forêt. Elle est là, disponible et souveraine, offerte à tous, exempte de barbelés, à perte de vue. J'aime ces grandes cathédrales silencieuses aux travées peuplées de fougères, éclairées par un soleil jouant entre les pins, s'embrasant et disparaissant comme à travers un vitrail. Rien de plus mystérieux que ces longues pistes sablonneuses qui lignent les pins à perte de vue, dépourvues de la moindre rature. Et pourtant on s'y égare aussi facilement que dans un labyrinthe. Le vent chante dans les pignadas, modulant sa voix selon la densité du boisement ou la profondeur des éclaircies.
Ce qu'on espère est toujours plus beau que ce que l'on conquiert
Après trois années d'enfermement, j'ai besoin de la démesure de ce paysage, ponctué par des vides au milieu des pinèdes mais jamais borné. (...)
Le pin est l'arbre de l'élévation et du dépassement. Une forme de transcendance obtenue non pas par la rectitude mais par la courbure. Sa fausse verticalité maintient en suspension le paysage.
C'est alors que je l'aperçois.
La maison dans la clairière. Les grands arbres, les feuilles mortes sur le sol, le chemin, tout se métamorphose. La position de la bâtisse est troublante. Toutes les lignes du décor aboutissent naturellement à cette construction.
On dirait qu'elle reçoit un hommage. La masse des parterres, depuis longtemps abandonnés, l'ordonnance des bâtiments annexes, l'alignement des arbres convergent vers la grande demeure dans une perspective parfaite.
Comme les voiliers, ils ont parfaitement compris le langage du vent, sa façon de fraîchir, sauter, tourner et mollir....
....Dans "la chair et le sang", Mauriac parle des tilleuls qui" sentent l'ardeur et l'amour."Si le pin peut être chez lui qualifié d'arbre totem, le tilleul est son arbre- passion. Dans le "Noeud de vipère" il est associé au désir, à la lune de miel des héros. Il y a dans le tilleul une quiétude sensuelle qui serait presque repue s'il ne subsistait cette façon délurée de s'agiter."...
..."En fusion avec les abeilles, les fleurs des tilleuls dégagent une telle énergie qu'elles refoulent dans l'atmosphère de puissants effluves pommadés, à la limite de l'écoeurement. C'est une odeur émolliente et insinuante comme un narcotique, provoquant même à la longue un certain degré de stupeur et d'insensibilité, en cela plus proche d'un opiacé que d'une tisane."
J'aime de plus en plus cette forêt qui s'étend à perte de vue. J'y retrouve la trace de mes lectures de jeunesse, "Le Mystère Frontenac", "Thérèse Desqueyroux" : la plainte des pins, les métairies du bout du monde, l'odeur de la résine et de l'incendie qui pousse Thérèse à accomplir son acte criminel"...