La caresse des arbres

Si je chuchote auprès de vous le mot "forêt", quelle image se suggère à vous, dans l'instant ?

Une vision végétale, celle d'une futaie où le vert se fait coups de pinceau, et à travers laquelle dansent les scintillements de lumière qu'une canopée tremblante filtre à tout moment ?

L'idée immédiate d'un arbre unique au pied duquel la mousse se fait tapis, et qui héberge oiseaux pépiants et écureuils facétieux cachant glands et noisettes, au pied duquel dans cette même moelleuse mousse, vous aimez à fermer les yeux et voyager dans un ailleurs qui n'est que sérénité ?

Un lieu de rencontre avec le "Sauvage Magnifique", le doré lustré d'un dos de chevreuil, le pointillé attendrissant de celui du faon, l'empaumure d'un cerf aperçue dans la majesté qu'elle suggère, le pas lourd et étonnamment rapide de la harde de sangliers qui s'enfuit devant vous ?

Une salle de concert vibrante dans laquelle chaque instrument feuillu ou animal prend place, chaque partition s'accorde, pour jouer une symphonie, reflet d'un lieu toujours changeant, toujours tremblant, toujours fragile, et dont l'écoute, en recueillement, suggère émois et paix ou au contraire profonde crainte et désespérance quand l'esprit se tourne vers l'avenir du même lieu et par là, celui des hommes ?

Un vivier de fées, de lutins qui gambadent dans les sentiers, qui font demeures dans les arbres creux ou dans la paume d'une feuille, tellement petits que capables de surgir de la corolle d'une fleur ou de derrière le premier champignon aperçu ?

Ou encore, un lieu sombre, inquiétant, qui pousse à se perdre, qui vous retient dans les bras des ronciers, qui vous tend piège dans la ressemblance de tous ces arbres qui vous attirent et vous éloignent de la sente rassurante ?


Ce petit livre vous offre mille regards sur ces lieux que chacun s'approprie selon ses émotions, des légendes habitant les rochers au vol des oiseaux contemplant les cimes, des lieux d'eau toujours bruissants d'une vie invisible aux cabanes nichées qui vous font épiant du moindre mouvement, qui vous invite en spectateur immobile - et seulement celui-là ! - au spectacle d'une vie dissimulée, d'une vie qui se fait silencieuse pour mieux échapper à la cruauté des hommes...
Et aussi il offre un regard un peu plus appuyé sur le "bois", l'ossature de ces bateaux dans lesquels il continuait d'incarner sa force et sa résistance, ces épaves enfouies et redécouvertes avec émotions le long des berges de l'Adour, quand l'écrivain ne murmure pas la vie frémissante des forêts pyrénéennes qu'il parcourt ou a parcourues, ou même de ces forêts à l'autre bout du globe découvertes ou imaginées...

Un tout petit opuscule, comme une poignée de feuilles glissées dans la poche qu'on ressort pour les respirer, pour en faire sienne une atmosphère d'un lieu dans lequel chacun peut écrire son histoire, celle des ses rêves, de ses peurs , de la quête d'une sérénité tant espérée, loin de ce monde bourdonnant qui nous entoure... Ou encore, ces feuilles contemplées pour se remémorer une caresse à ces géants rugueux et rassurants dans leur éternité, la présence nécessaire de ces arbres-amis, qui nous rendent au centuple la douceur qu'on leur prodigue quand ils ne nous font pas don de la force de leur sève, par osmose si on les enserre de nos bras, pour affronter les temps présents.

Un petit livre comme une rencontre, finalement…

"Une respiration d'arbre représente une vie d'homme, c'est ainsi."