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3,86

sur 336 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
L'objet d'un désir est le thème central autour duquel s'articule cette pièce de théâtre, de B-M Koltès, un huit clos nocturne, désert, à ciel ouvert.
Régulièrement mise en scène, "Dans la solitude des champs de coton" a été remarquée pour son dialogue intense et ses thèmes sombres et psychologiquement profonds.
Un quasi mantra fondé sur la rencontre de l'offre et de la demande, au coeur des interactions humaines.

En scène, un Dealer (dealer de drogue) et un Client ; c'est la rencontre de l'offre et la demande.
Se révèle progressivement, au fil des échanges, la complexité de leurs motivations, de leurs désirs. Les personnages dévoilent petit à petit leurs couches intérieures, leurs vulnérabilités au fur et à mesure de l'avancée de la nuit, mettant en lumière leurs démons intérieurs.
Riche, réflexif et percutant.
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La solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltes est un huis clos à ciel ouvert. Un duel entre chien et loup où les mots sont des armes. C'est l'histoire de deux solitudes en mal d'amour. L'un a tout à offrir, peut-être trop, l'autre est vide de désir ou peut-être trop plein de désir que rien, ni personne ne pourrait assouvir. Trop préoccupés de rester sur leur garde (par orgueil ?) , ils se laissent entraîner dans le jeu d'une joute verbale et ne sauront pas reconnaître l'instant où tout aurait pu basculer. C'est l'histoire d'une occasion manquée qui s'achèvera, lorsque les arguments viendront à manquer, dans la violence d'un corps à corps sans amour.
Un texte écrit dans une langue magnifique, très classique, où l'on ne peut s'empêcher de penser qu'«on ne badine pas avec l'amour».
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Cet obscur objet du deal...le désir.
Le désir : l' élément moteur de l'échange soumis à la loi de nos marchés.
Et si le désir n'était en fait lui même que l'unique sujet de ce marché.
Le désir serait il l'enjeu de nos échanges, et ce que nous désirons ne serait il qu'un prétexte ?
Nous désirons tous. Sur ce terrain nous voilà, humains, au moins égaux.
Celui qui ne désire pas, ne vit pas. Donc nous désirons...
Mais que désirons nous exactement ? Et comment ?
L'intensité du désir a t elle une incidence sur son assouvissement ?
Faut il mieux « bien » désirer que fortement désirer ?
Que désire t on vraiment ?
Ce qui nous manque ? Ce que l'autre possède ?
Et si nous ne désirions que le propre désir de l'autre ?
Pacte diabolique en somme qui sous entend l'absence d'amour.
Chacun a intérêt au deal.
C'est la loi du marché : l'offre et la demande crée le marché.
Pas de hasard.
Le désir n'est pas involontaire.
Le vouloir est la racine du désir. le pouvoir quant à lui en est la sève.
Parce qu'il y a pouvoir, il y a possibilité, entente, la négociation peut s'établir.
Si le pouvoir vient à manquer d'un seul côté et c'est toute l'architecture, la structure de l'échange qui s'écroule.
Le jeu consiste donc, ou plutôt la règle, à ce que l'on fasse croire à l'autre aussi longtemps que possible que l'on possède le pouvoir sur le vouloir.
Être maître de sa situation,... rester maître..., même si on risque d'aller traîner sa solitude dans un champ de coton..
L'empathie donne lecture au désir, et de la souffrance également.
On ne peut saisir le désir de l'autre que si ce désir ne nous est pas étranger.
Il en est même de la souffrance, puisqu'on ne peut concevoir que la souffrance qu'il est possible de ressentir soi même.
Et il en va de même pour chacun de nos sentiments : la peur, la joie etc..
Preuve est faite que l'empathie est une faculté et non une qualité.

Désireux – désirable, qui chassera, qui sera la proie ? Tout n'est peut être qu'une question d'angle, d'orientation.
Tout est également dans nos secrètes armures.
Qui baisse la garde, se dévoile. le désirable devient vulnérable.
Mais gare au refus, qu'il soit dans la fuite, ou dans le dénis. le refus désarme celui qui le reçoit.
Dans le grand attelage du deal, où chacun devient à la fois désirant-désiré qui a les rênes en mains ?
Combat incessant pour maîtriser son désir tout en tentant de maîtriser le désir de l'autre.
Du deal au duel , ton arme tu choisiras !
Point trop d'arrogance, point trop d'humilité, subtil jeu de l'âme.

La Poésie retrouve sa place : le Théâtre de Koltès.
C'est vertigineux, beau, intense et flamboyant, tellement humain et donc forcément tragique.

Astrid Shriqui Garain
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J'ai retenu mon souffle tout au long de ma lecture... Vous refermez ce livre, et c'est comme si vous veniez de prendre une grande gifle...
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Cette pièce – ou plutôt cette nouvelle, car elle a été adaptée au théâtre mais avait été écrite comme un exercice tout ce qu'il y a de plus littéraire – est une sorte dialogue entre un dealer et un client ; "sorte de" car il ne s'agit pas de répliques de type question/réponse, il n'y a pas vraiment d'échange d'informations et l'on est pas toujours sûr qu'il s'adressent l'un à l'autre ; il s'agit plutôt d'un échange de tirades dans lesquelles chacun livre ses pensées, ses impressions, ses réflexions sur leur situation et leurs attentes vis-à-vis de l'autre ; l'un croit qu'il va acheter, l'autre qu'il va vendre, et on les voit se tourner autour, jauger de leur rapport de force, argumenter, espérer quelque chose tout en restant méfiant.

Bernard-Marie Koltès construit son dialogue autour de maintes circonvolutions, car rien n'est avoué de manière abrupte : tout est dit à demi-mot, par des phrases longues et douces qui prennent des chemins détournés, qui se répètent, s'enroulent sur elles-même, dans un vocabulaire courant mais un style poétique, agrémenté de comparaisons et métaphores parabolique, ou de références messianiques, de la part du dealer notamment. Par exemple, première page :

« le dealer
Si vous marchez dehors, à cette heure et en ce lieu, c'est que vous désirez quelque chose que vous n'avez pas, et cette chose, moi, je peux vous la fournir ; car si je suis à cette place depuis plus longtemps que vous et pour plus longtemps que vous, et que même cette heure qui est celle des rapports sauvages entre les hommes et les animaux ne m'en chasse pas, c'est que j'ai ce qu'il faut pour satisfaire le désir qui passe devant moi, et c'est comme un poids dont il faut que je me débarrasse sur quiconque, homme ou animal, qui passe devant moi.
C'est pourquoi je m'approche de vous, malgré l'heure qui est celle où d'ordinaire l'homme et l'animal se jettent sauvagement l'un sur l'autre, je m'approche, moi, de vous, les mains ouvertes et les paumes tournées vers vous, avec l'humilité de celui qui propose face à celui qui achète, avec l'humilité de celui qui possède face à celui qui désire ; et je vois votre désir comme on voit une lumière qui s'allume, à une fenêtre tout en haut d'un immeuble, dans le crépuscule ; je m'approche de vous comme le crépuscule approche cette première lumière, doucement, respectueusement, presque affectueusement, laissant tout en bas dans la rue l'animal et l'homme tirer sur leurs laisses et se montrer sauvagement les dents.
Non pas que j'aie deviné ce que vous pouvez désirer, ni que je sois pressé de le connaître ; car le désir d'un acheteur est la plus mélancolique chose qui soit, qu'on contemple comme un petit secret qui ne demande qu'à être percé et qu'on prend son temps avant de percer ; comme un cadeau que l'on reçoit emballé et dont on prend son temps à tirer la ficelle. Mais c'est que j'ai moi-même désiré, depuis le temps que je suis à cette place, tout ce que tout homme ou animal peut désirer à cette heure d'obscurité, et qui le fait sortir hors de chez lui malgré les grognements sauvages des animaux insatisfaits et des hommes insatisfaits ; voilà pourquoi je sais, mieux que l'acheteur inquiet qui garde encore un temps son mystère comme une petite vierge élevée pour être putain, que ce que vous me demanderez je l'ai déjà, et qu'il vous suffit, à vous, sans vous sentir blessé de l'apparente injustice qu'il y a à être le demandeur face à celui qui propose, de me le demander. »

L'auteur ne craint pas, comme c'est souvent le cas, d'utiliser des adjectifs, des adverbes ou des points-virgules ; d'ailleurs j'adore les points-virgules. Les métaphores sont maitrisées, l'imagination est fertile, le résultat est romantique à souhait.
Reste à se poser la question du sens : on peut le prendre tel quel, comme une relation vendeur/acheteur, ou l'on peut y voir un jeu de séduction, certains y voient une analogie avec la colonisation.
Certaines phrases m'ont paru obscures et je me suis demandé comment on a pu faire le saut d'une idée à l'autre, mais l'écriture est tellement envoutante qu'on est obligé de continuer à lire, et à la fin, de se poser des questions, car c'est le genre de texte qu'on peut passer des heures à interpréter
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Cette pièce est très particulière car elle est très peu théâtrale et très littéraire. A mon sens très difficile à jouer. La lecture en est ardue et j'avoue que j'ai parfois décroché.
Et pourtant ...
J'ai lu ce texte il y a quelques années mais il est un de ceux qui m'habitent le plus et auquel je pense souvent. Je reviens donc ici après tout ce temps pour témoigner de la force rare de cette pièce et de l'empreinte durable qu'elle peut laisser sur le lecteur.
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Ils se rencontrent. de quoi parlent-ils ? de la nature de leur rencontre sans doute. Un dealer, qui vend ce que l'autre désire, un client qui ne désire rien à première vue. Leur rencontre, entre chien et loup, à l'heure illicite, imprévue, vaguement nécessaire. Suite de monologues, captation impossible du désir, l'autre ici, ailleurs, pas de rencontre. Drame de l'illusion de communication. Ils ne savent pas de quoi ils parlent, mais ils parlent, comme Vladimir et Estragon. Ils attendent aussi, mais hostiles, sans entrevoir la possibilité de devenir couple, sous violence larvée. Il ne se passera rien tant qu'ils ne se seront pas éliminés et même s'ils s'éliminent, il ne se passera rien. Drame des rapports de force, incontournables, c'est parce qu'ils se sont rencontrés que leur rencontre est impossible. Rapports animaux, monde animal partout, no man's land, pas même l'arbre d'En attendant Godot. Qu'attendent-ils ? Ils s'attendent, ne s'entendent pas. le dealer sera voleur, s'il n'a rien à fourguer. le client ne se laissera pas faire, mais les chiens lui mordront le cul. A la fin, ils se battront, à mort. Ils feront l'amour sans amour, en répétant qu'il n'y a pas d'amour. le client l'emportera. Pour rien.
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L'HOMME EST UN LOUP POUR L'HOMME
Lire un texte de Koltès c'est heurter de plein fouet la force des mots, là où la puissance du langage prévaut sur l'action.
Cette courte pièce créée en 1987 par Patrice Chéreau en est un exemple saisissant.
Un huis-clos dans lequel le Dealer et le Client s'affrontent sans jamais vraiment se répondre. Un dialogue sans en être un, un duel verbal où l'altérité prend tout son sens. Deux monologues qui s'entrecroisent, illustration du goût de Koltès pour ces discours indépendants et pourtant tellement reliés. Car ici le Dealer et le Client sont dépendants l'un de l'autre. L'un dépend de ce que désire l'autre et l'autre dépend de ce que possède le premier.
Là réside le coeur de la pièce. Un face à face tendu où les mots sont des flèches aiguisées et jaillissantes dans l'obscurité de la nuit, là où l'homme arrogant et solitaire est vulnérable car plus fébrile.
Parabole des rapports humains, Koltès nous rappelle ici que l'affrontement entre les hommes est inévitable- chacun refusant de se soumettre, chacun résistant, aucun ne cédant- la tentative de rencontre et d'échange est vouée à l'échec. Koltès fait la démonstration pessimiste que la finalité de leur rapport est inéluctable et constate avec une lucidité presque dérangeante que malgré toutes les tentatives de négociation envisagées, la fraternité humaine est impossible.
Véritable délectation égoïste que fut la lecture de la prose poétique de cet écrivain trop vite disparu, où chaque mot est important, posé avec précision, formant une démonstration argumentée atteignant un paroxysme littéraire impressionnant de qualités.
Un texte à lire avec lenteur (à haute voix c'est encore mieux!), pour en apprécier chaque mot mais aussi toute la profondeur. se laisser aller au rythme du texte, ne pas forcément chercher à tout comprendre (comme dans la poésie), mais profiter, entrer dans les silences des deux protagonistes, ressentir l'atmosphère pesante et imaginer sur scène le ballet chorégraphié des rapports humains...

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Un dealer, un client, et c'est tout. En 50 pages, le concentré de poésie théâtrale de l'économie marchande, du désir et du fantasme, mise à nu.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2019/08/22/note-de-lecture-dans-la-solitude-des-champs-de-coton-bernard-marie-koltes/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Un homme, la singularité. Un autre homme, le lien entre les humains ! le désir, sa quête ! Pièce à voir et revoir, lire et relire ! Il est dans les recoin sombre de nos êtres, une petite flamme qui en demande qu'à s'allumer ! L'autre parviendra t'il à créer cette étincelle !
De grand monologue digne de Shakespeare ! Merci à Patrice Chéreau !
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