Je dois partir et j'ai peur de partir. L'heure a sonné et une peur terrible grandit en moi. Nous ne nous sommes jamais couchés l'un à coté de l'autre, vous n'avez jamais eu peur de moi et je n'ai jamais eu peur de vous. Nous n'avons jamais su entreprendre cet immense effort qu'est l'amour.
Il est temps, je dois partir. J'aurais bien voulu vous dire quelque chose de très important que vous ne devriez pas oublier. Mais je ne me souviens plus de rien. Je ne sais plus rien. Sauf cette peur qui grandit en moi. Là, au coin de la rue, m'attend la vieillesse. Parce que je suis déjà une vieille femme. Ce n'est que pour vous que j'ai revêtu plusieurs fois la jeunesse, celle qui a été mienne et que j'ai gardée pour vous, mais que j'ai salopée dans des hôtels, en échange de zlotys et de dollars, surtout de dollars.
Non, je ne veux pas me souvenir de ces mauvais jours où je vous cherchais. Mais vous ai-je seulement cherché ? Qu'ai-je cherché au fond ?
le sot écrit un poème.
le goujat écrit un poème
le prêtre écrit un poème
le gros écrit un poème
le malade écrit un poème
moi j'écris un poème
le prêtre lit le poème du gros
le sot lit le poème du malade
le goujat lit le poème du prêtre
le gros lit le poème du sot
moi je lis mon poème
alors
alors rien
Tadeusz Konwicki : Roman de gare contemporain
Olivier BARROT présente "Roman de gare contemporain" de
Tadeusz Konwicki ; mise en scène : cadavre de femme sous un drap.