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Christine Zeytounian-Beloüs (Traducteur)
EAN : 9782889600748
147 pages
La Baconniere (17/03/2022)
4.53/5   18 notes
Résumé :

Après avoir mis en scène dans La Zone ses années de gardien de prison, Sergueï Dovlatov nous raconte dans Le domaine Pouchkine, avec ce même mélange d'humour, de tendresse et de pessimisme imbibé de vodka, sur fond de grisaille soviétique, son expérience de guide du musée Pouchkine à Leningrad. Comme toujours chez Dovlatov, ce roman est émaillé d'une foule de personnages plus attachants les ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Qui a déjà lu un livre de Serguei Dovlatov (1941-1990)sait déjà que c'est Un Personnage (« Sergueï Dovlatov était un grand brun. L'une de ses épouses, Tamara, se souvient de la façon dont il s'était décrit en lui fixant leur premier rendez-vous au téléphone : « Je ressemble à un vendeur de fruits secs. Je suis grand et noir, je vous ferai peur ! »). Et qui n'a pas encore eu l'occasion de le connaître, devrait le rencontrer au moins une fois dans sa vie. Grand buveur, grand vivant, grand écrivain possédant un langage direct à l'ironie mordante, c'est un homme doté d'un rare sens de l'humour qui brille par son intelligence. L'humour chez lui, n'est ni un moyen ni une fin en soi, mais un instrument de connaissance de la vie.
Donc après « La Valise » qui racontait, l'épopée de son émigration aux États-Unis, me voici dans un opus antérieur, où encore en Russie, faute de travail , il postule comme guide au Musée Pouchkine («  ce petit homme génial en qui Dieu cohabitait si aisément avec le diable. Qui planait si haut mais qui a péri d'un banal sentiment terrestre ») à Leningrad. Il nous livre en 150 pages, sur fond de vodka et de grisaille soviétique, une expérience unique à l'humour décapant, dans un endroit culte, foisonnant de personnages attachants. le pitch est qu'il suffit qu'il déniche chez le personnage quelque chose de comique pour que celui-ci se présente dans toute son intégralité. J'avais beaucoup aimé « La Valise », j'ai beaucoup aimé «  le domaine Pouchkine ».

“Les mots, c'est mon métier”.
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Boris Alikhanov est un écrivain sans éditeur et imbibé. Un été pour tromper son ennui, il laisse femme et enfant à Leningrad pour Pskov, où il est embauché comme guide au musée Pouchkine. Sur place si sa culture et son bagout ne tardent pas à séduire les touristes, intellectuels comme incultes, en plus de ses questions existentielles, Boris est confronté à un musée pour le moins factice, animé par un personnel féminin en manque criant d'hommes… Et comme si cela ne suffisait pas, sa femme vient le rejoindre pour lui dire sa volonté d'émigrer avec leur fille aux États-Unis, ce qu'il ne veut à aucun prix.

Largement inspiré par sa propre vie, Sergueï Dovlatov signe un roman irrésistible de drôlerie et d'ironie où l'alcool coule flot, ingurgité par des intellectuels russes qui dans la déprimante époque soviétique se demandent s'il vaut mieux rester ou partir, au risque d'y perdre son âme. Dovlatov a tranché, qui a émigré aux États-Unis en 1979 pour y connaître enfin le succès, mais mourir prématurément à l'âge de 48 ans. Merci Idil pour la découverte de ce conteur hors pair dont il me tarde maintenant de lire d'autres oeuvres (merci aussi à Babelio et aux Éditions La Baconnière 😊)
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Sergueï Dovlatov (1941-1990) est un conteur génial et l'un des meilleurs écrivains russes de la période Brejnévienne. Il a émigré en 1978 aux Etats-Unis.
Boris Alikhanov, un jeune auteur de Leningrad alcoolique et impubliable prend le car pour Pskov, où se trouve le vaste domaine Pouchkine. Il laisse derrière lui femme et enfant pour se faire engager comme guide touristique.
Le récit fortement inspiré de l'expérience de l'auteur au domaine est tissé de dialogues cocasses, de mots d'esprit, de portraits hauts en couleur et de pessimisme imbibé. Dovlatov nous parle de la Russie, de la littérature et de l'exil. le style travaillé imite le ton de la conversation.
Le domaine Pouchkine, sanctuaire voué au culte du poète est une vaste fumisterie, un théâtre en carton-pâte et un zoo peuplé de cinglés attachants. Tout est toc, factice : on a remplacé par exemple le portrait d'Abraham Hannibal, le grand-père noir de Pouchkine, par celui d'un général soviétique bronzé au soleil du sud. On raconte des bobards aux touristes qui dans l'ensemble n'y trouvent rien à redire. Cependant on rencontre aussi quelquefois de fins amateurs du poète et aussi des pédants qui posent des colles, il faut s'y préparer soigneusement. Les guides sont croquignolets : plus ou moins incultes, soumis au pouvoir ou déjantés ou les deux mais tous fondus de Pouchkine. C'est l'intelligentsia. Les femmes ont la cuisse légère et les hommes picolent. Les villageois désoeuvrés et alcoolisés sont des personnages grotesques et touchants, plus vrais que nature. L'agent du K.G.B est un personnage original aussi. La vodka permet d'oublier l'ennui, l'enlisement et la désespérance. On est en 76-77 en pleine « stagnation ». Voilà La Russie. Boris est un anti-héros, un homme de trop. Il boit et il a une pauvre estime de lui-même. Mais il écrit en russe sur les Russes et n'a pas renoncé au chef d'oeuvre. Aussi, lorsque Tania sa femme lui annonce qu'elle émigre en Amérique avec leur fille et lui propose de partir avec elles, il hésite…
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Cette première Masse Critique, organisée par Babelio, de la saison, m'a accordé le titre de cet auteur soviétique dissident publié aux Éditions La Baconnière, maison d'édition neuchâteloise qui publie de la littérature européenne, et quelques titres d'auteurs russes et de l'Europe de l'Est. J'avais déjà repéré le roman précédemment publié de Sergueï Dovlatov, La valise, mais l'allusion éponyme au célèbre poète russe a été l'argument ultime. Frère de dissidence et d'exil d'Alexandre Soljenitsyne et de Joseph Brodsky, Sergueï Dovlatov - Сергей Донатович Довлатов - a trouvé l'exil aux Etats-Unis, qui a eu l'honneur de publier ses textes dans le célèbre The New-Yorker. Le vent a tourné depuis, les vestes aussi, son oeuvre aujourd'hui est reconnue par l'intelligentsia de son pays natal.

On retrouve donc Boris Alikhanov, un auteur soviétique au placard, un mariage pas loin de l'être également, qui vient tenter de gagner quelques sous l'égide de celui qui apparaît comme le plus grand poète russe. De quoi se sentir relativement modeste tout écrivain qu'il soit, dans cet ensemble de bâtiments tous liés d'une façon ou d'une autre à l'auteur idolâtré. On ne peut pas dire que notre homme sache véritablement où il va ainsi et ce qu'il compte faire de sa vie. En-tout-cas, ce qu'il sait, c'est qu'il ne sera jamais un auteur en URSS, et si sa femme a bien compris qu'elle n'aurait pas d'avenir sur place, son exil étant décidé et planifié, Boris reste lui ancré sur un sol qui lui refuse pourtant tout avenir en littérature. 

On rigole bien aux côtés de Boris : Sergueï Dovlatov en a fait un homme qui ne prend pas grand chose au sérieux, encore moins son rôle de guide au sein de l'institution Pouchkinienne, au fond les touristes ne sont-ils pas tous des ignares. Parce qu'après tout, il n'a plus rien à gagner, plus rien à perdre - on lui a déjà tout pris, Leningrad ne veut pas de ses livres, l'URSS n'en veut pas - autant se noyer dans les grammes de Vodka. Est-ce que l'auteur a voulu représenter l'écrivain qu'il se serait imaginé être si d'aventure, il ne s'était jamais exilé et n'avait jamais pu publier, il y a de quoi se poser la question. D'autant qu'en se penchant un peu sur sa biographie, que l'on retrouve en fin d'ouvrage, on s'aperçoit que comme son héros, il a également travaillé comme guide dans ce domaine Pouchkine, sauf que quelques années plus tard, à la différence de son Boris, il prend la décision de s'exiler.

Une vie sans saveur, sans aucun sens ou espoir, un homme éteint, sans plus aucune volonté. Un pantin désarticulé. Le ton est drôle, facétieux, rempli de blagues, mais au fond ce texte exsude un désespoir fataliste de ceux qui ont laissé leur instinct de survie s'éteindre peu à peu. On ne saura pas ce qui dans les textes de Boris ont provoqué leur censure, car après tout le principe même de la censure soviétique est dévoyée, ne comporte aucune logique, et fondamentalement aucun sens. À l'inverse, Pouchkine est l'étendard même de la fierté russe, même s'il faut pour ça s'arranger un peu avec la vérité, en rajouter, embellir, Pouchkine est la façade de ces censeurs soviétiques. L'illégitimité de Boris de ne pas ou ne plus sentir écrivain est ce qu'il combat depuis son arrivée, et bien plus depuis l'interdiction qui lui est tombée dessus, est insidieusement toxique et empoisonne peu à peu son esprit, déjà ravagé par l'alcool. Et ce n'est pas le triomphe de ces écrivains, qui n'écrivent que du vide, de l'esseulé, du pré mâche, justement ce qui ne risque pas d'effrayer le pouvoir ambiant, qui vont lui rendre espoir. Il n'hésite d'ailleurs pas à étriller ses contemporains et leur style, Violine, Likhonossov, adepte de la littérature paysanne, rayonnant le collectivisme soviétique, embourbé dans ce sentiment d'injustice face à cette reconnaissance, aussi factice fût-elle, inscrite noir sur blanc sur cette carte qui les reconnaît comme auteurs. 


Première découverte d'un auteur que j'aimerais découvrir plus avant, comme tous les écrivains dissidents, il possède cette aura, qui lui vient sans doute du courage qui a été le sien de laisser derrière lui un pays qui obstruait ses desseins littéraires. Son premier livre a été, en effet, détruit par le KGB. Et ce n'est que vers la fin des années quatre-vingt-dix, que ses textes commenceront à être publiés en URSS, à l'aube de sa dissolution. Ce roman atteste à quel point l'exil est un exhausteur des sentiments patriotiques, des rancoeurs comme des liens indissolubles qui rattache un auteur déchu de sa patrie, comme s'il n'avait jamais quitté cette dernière. Certes, il a débuté l'écriture de son roman en 1977, mais celui-ci a été publié en 1983, près de quatre ans après son exil.










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L'auteur raconte l'été pendant lequel il a été guide au musée Pouchkine. Sa femme a choisi cette période pour demander le divorce et préparer son exil d'Union Soviétique. Dovlatov raconte son quotidien avec un mélange de pessimisme, d'amertume mais malgré avec tout beaucoup d'humour. Sa vie est très difficile mais pourtant il aime tellement son pays qu'il se demande comment trouver la force de le quitter. Ce livre est agréable à lire car l'auteur réussi toujours à trouver l'humour et l'autodérision (et la vodka) nécessaires à ce que le récit ne sombre pas dans le misérabilisme.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
A la bibliothèque locale, j’ai déniché une dizaine de livres rares sur Pouchkine. A part ça, j’ai relu sa prose et ses articles. Ce qui m’interessait le plus, c'était son indifférence olympienne . Il était prêt à adopter et à exprimer n’importe quel point de vue, s'efforçant d’atteindre toujours le plus haut point d’objectivité. Telle la lune qui éclaire la route aussi bien au fauve qu’à sa proie.
p.72
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Plusieurs fois, Mitrofanov et Pototski m’ont invité à boire. Mais je refusais. Sans trop de difficultés. Je m’abstiens facilement devant le premier verre. C’est aux suivants que je suis incapable de renoncer. Le moteur est bon, mais les freins sont hors d’usage.
p.73
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Çà va déjà un peu mieux. Un entrain trompeur commence à m'envahir. Je fourre la bouteille de bière dans ma poche. En me levant, je manque de renverser ma chaise. Ou plutôt mon fauteuil en dural. Les vieilles dames me dévisagent avec effroi.

Je sors sur la place. Des panneaux gondolés agrémentent la grille du square. Sur ces supports en contreplaqué, des diagrammes promettent pour les prochaines années des montagnes de viande, de laine, d’œufs, et autres douceurs.

Les hommes fument près du car. Les femmes regagnent leurs sièges à grand bruit. La jeune guide s'est réfugiée à l'ombre pour déguster une glace. Je me dirige vers elle.

- Faisons connaissance.

Elle me tend sa paume poisseuse.

- Je m'appelle Aurore. (note du traducteur : Aurore est le nom d'un bateau de guerre)

- Et moi Cuirassé Potemkine.

Ma réaction ne paraît pas la vexer.

- Mon prénom fait rire tout le monde. J'ai l'habitude. Qu'avez-vous ? Vous êtes rouge ?

- Uniquement de l’extérieur. A l’intérieur, je suis un démocrate constitutionnel à l'ancienne mode.

- Non, sérieusement, vous vous sentez mal ?

- Je bois trop... Vous voulez de la bière ?

- Pourquoi buvez-vous ?

Qu'aurais-je pu lui répondre ?

- C'est un secret. Je ne peux le dire à personne...

- Vous voulez vous faire embaucher au musée ?

- C'est bien mon intention.

- Je l'ai deviné au premier coup d'oeil.

- Est-ce que j'ai l'air d'un littéraire ?

- Mitrofanov vous a accompagné jusqu'au car. C'est un grand spécialiste de Pouchkine. Un érudit remarquable. Vous le connaissez bien ?

- Je le connais bien... Mais en mal...

- Comment ça ?

- Ne faites pas attention.

- Il faut que vous lisiez Gordine, Chtchegolev, Tsiavlovskaïa... Les souvenirs d'Anna Kern... Et une brochure sur les méfaits de l'alcool.

- Vous savez, j'en ai tant lu sur les méfaits de l'alcool que j'ai décidé de renoncer définitivement... à la lecture.
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– La seule voie honnête est celle des erreurs, des déceptions et de l’espoir. La vie est une découverte des frontières du bien et du mal à travers l’expérience personnelle… Il n’y a pas d’autre moyen… Je suis arrivé à une étape… Et je pense qu’il n’est pas trop tard…
– Ce ne sont que des mots.
– Les mots, c’est mon métier.
– Encore d’autres. Tout est déjà décidé. Pars avec nous. Tu vivras une autre vie.
– Pour un écrivain, c’est la mort
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La vodka est chose naturelle pour un écrivain russe. Quant aux conséquences, c’est l’affaire de Dieu.
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