L'auteure est née à Hong Kong, dans une famille de douze enfants. Dès qu'elle l'a pu, elle est partie faire ses études à Londres où elle a rencontré son mari qu'elle a suivi au Pays de Galles. Devenue artiste,
Kwong Kuen Shan s'adonne à la peinture, à la calligraphie chinoise et à la création des sceaux intégrés dans ses illustrations.
Je possède toute la collection des livres qu'elle a consacrés aux chats et je connaissais déjà pas mal de détails concernant sa vie, qu'elle a racontés dans «
Le Chat qui m'aimait ».
Comme les autres, ce nouvel ouvrage est déjà en soi une vraie oeuvre d'art. de petit format carré, il est cousu dans une couverture de carton épais recouverte d'une jaquette. Celle-ci donne déjà envie de sourire. Dans des couleurs joyeuses une fillette ravie est suspendue à une grappe de ballons, tout comme un ravissant chat noir et blanc qui ressemble beaucoup à mon Isis.
Cette enfant n'est autre que l'auteure elle-même, qui va replonger dans ses souvenirs. Sur chaque page, une anecdote, illustrée, en vis-à-vis, par un dessin, parfois assez naïf, aux teintes très gaies. Et bien sûr, partout se promènent des félins.
Lorsqu'on entame la lecture, pourtant, on constate que toute cette joie qui irradie, n'est qu'un vernis qui recouvre une mélancolie et parfois une vraie tristesse.
Elle va cependant s'efforcer de sélectionner un maximum de bons moments.
Kwong Kuen Shan rappelle que sa famille avait quelque chose de particulier, qui lui a causé de la peine : « Il y avait trois et non deux adultes dans la hiérarchie familiale. » En effet, son père avait une concubine avec laquelle il avait cinq enfants. Quant à sa femme, elle lui en avait déjà donné sept.
L'homme résout aisément le problème de ses deux foyers : « il passait les jours impairs de la semaine chez sa concubine, et les jours pairs ainsi que les dimanches chez ma mère. »
Cette situation, la petite la vit avec difficulté. Non que son père lui manque, au contraire, puisqu'elle tremble de terreur quand il est là : « Il nous détestait, ma soeur jumelle et moi et nous punissait sévèrement », ce qui se traduit, elle l'a déjà raconté, par des coups, mais aussi par une torture psychologique qui m'a révoltée : il a ramené à ses enfants un petit chien qu'elles adorent. Aussi, pour leur faire de la peine quand il est mécontent, c'est à l'animal qu'il s'en prend : « il attrapait le chien et l'enfermait sur le balcon ». La fillette était « horrifiée de voir [leur] meilleur ami si impuissant et effrayé. »
Pas de chat dans cette maison. La mère les déteste : « Les chats sont primitifs, sales et méchants, et ils le savent » déclare-t-elle à mon grand déplaisir, car c'est tout le contraire ! Pas étonnant que sa fille ait développé une phobie et qu'il lui faudra bien longtemps pour s'en débarrasser.
Il faut dire, à sa décharge, que la vie de cette femme n'a pas dû être rose, avec cette flopée de mioches, ce mari grossier et brutal et son manque de connaissances. « C'était une femme simple et illettrée ». Pour prouver son amour à ses enfants, elle n'a guère d'autre moyen que de leur préparer de bons petits plats. Elle ne manque pourtant pas de finesse, car elle veut épargner à sa fille le sort peu enviable qui est le sien. Elle trouvera un habile subterfuge pour piquer sa curiosité et lui donner envie de poursuivre ses études.
Chacun des courts textes du livre se termine par une citation adaptée d'un dicton de sa culture.
Chaque dessin est agrémenté d'un ou plusieurs sceaux à l'encre rouge. Ce « sont des caractères chinois gravés dans le jade, l'ivoire ou la stéatite ». L'un est la signature de l'artiste, les autres traduisent « l'humeur, l'inspiration ou la philosophie » de celle-ci.
Ce qui m'a le plus séduite, ce sont les chats entièrement réalisés à l'aide de ces sceaux et j'ai particulièrement aimé la délicate peinture du petit chien qui gambade et folâtre joyeusement, ainsi que les insectes posés comme des bijoux sur les feuilles ou les fleurs.
J'ai adoré cet ouvrage et je remercie chaleureusement Babelio et son Opération Masse critique, ainsi que les éditions de l'Archipel qui ont eu la gentillesse de me l'envoyer.