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Critique de Nastasia-B


Je fais rarement les choses dans le bon ordre (et ceci m'est parfois assez préjudiciable, notamment dans le domaine de la cuisine, mais bon, passons...) : en effet, j'ai commencé à lire les essais de Milan Kundera concernant la littérature en commençant par son troisième recueil, le Rideau, puis j'ai enchaîné sur son second, Les Testaments trahis, et me voilà désormais aux prises avec son premier, L'Art du roman. (Je me rassure en me disant que j'ai encore une chance de toucher le quarté dans le désordre avec Une Rencontre...)

Ce premier recueil regroupe donc sept écrits, soit sept parties, de nature et de taille différentes, s'étalant de l'interview au dictionnaire, en passant par le discours, l'essai ou l'analyse d'ouvrages. le livre s'organise ainsi en un ensemble de points et de contre-points (notion qui est d'ailleurs largement présentée dans l'ouvrage) ayant pour dénominateur commun la définition, l'exégèse presque, qu'a Milan Kundera de l'art romanesque. En soi, on ne peut pas dire que le titre est mal choisi, bien au contraire.

Personnellement, du fait que l'ouvrage n'était pas conçu, dès le départ, comme un tout homogène, mais qu'il s'est constitué pièce à pièce, brique à brique au cours du temps, je le trouve moins abouti, moins percutant, plus confus, plus disparate que ses essais ultérieurs sur le même sujet, si je le compare aux Testaments trahis et au Rideau qui m'ont laissé l'un et l'autre une impression d'ensemble plus pregnante.

Néanmoins, Kundera reste Kundera, et quand il s'empare d'un sujet, ça n'est jamais pour le survoler ni pour en dire quoi que ce soit d'intéressant ni de valable. La première et la dernière partie, notamment, m'ont véritablement ravie.

L'auteur s'y interroge et s'y positionne sur ce qu'est, par nature, le roman, et sur ce qui, par nature, ne peut être exploré QUE par le roman. Les invariants sont :

1) un regard distancié et ironique, qui est tout sauf de l'histoire, de la politique, de la psychologie ou de la science, qui n'est pas un discours de vérité au sens où on l'entend habituellement, mais une fiction révélatrice (ce que Proust a baptisé une " paire de lunettes " destinée à voir le monde d'une certaine façon).

2) une forme en prose, c'est-à-dire radicalement différente de la poésie, radicalement différente en ce sens que c'est une forme qui repose et qui fait intervenir des personnages, c'est-à-dire des " moi fantasmés ", des " moi fictifs " de l'auteur, ayant pour fonction d'explorer un thème, une potentialité de l'existence.

3) l'auteur ne doit pas avoir une vision trop précise ni trop arrêtée de ce que sera cette exploration exercée par ses personnages, il doit laisser la porte ouverte à ce qui est présent en lui mais dont il n'est pas conscient lui-même, il doit sans cesse être sensible et écouter la " sagesse du roman " qui en sait toujours beaucoup plus que lui ne peut l'envisager sur le thème en question.

Ce que j'ai moins aimé dans cet ensemble qu'est L'Art du roman, par rapport à ses autres essais du même type, c'est qu'il s'y appesantit davantage sur ses propres écrits. Ça, en soi, ça ne me dérangerait pas en tant que tel, mais ce qui me dérange, c'est qu'il m'a semblé qu'il essayait de se justifier, ou de nous expliquer comment il fallait comprendre tel ou tel passage de ses livres. Là, moi, ça me dérange, car j'aime bien voir ou comprendre ce que j'ai envie dans les livres. Pour moi, un écrit doit se défendre tout seul, sans aide ni intervention de l'auteur (ni de personne d'ailleurs, c'est une relation intime entre une émanation d'un auteur et un lecteur donné).

La partie qui m'a la moins intéressée a été la cinquième, dédiée à Kafka. Je n'y ai pas appris grand chose et, surtout lorsque je la compare avec ce qu'il en dira plus tard dans Les Testaments trahis, je la trouve assez légère, voire faible. Toutefois, ma vision aurait peut-être été différente si j'avais lu d'abord ce livre avant celui qui vient, chronologiquement, après, n'est-ce pas ?

(Vous voyez, quand je vous dis que ça me porte parfois préjudice... Néanmoins, comme je l'ai explicité au paragraphe précédent, pour moi, un écrit doit savoir se défendre tout seul, s'il perd tout ou partie de son intérêt en en ayant découvert un autre préalablement, c'est qu'il n'était pas si intéressant que cela, en soi.)

En somme, bonne impression d'ensemble, des choses très pertinentes et intéressantes de soulevées ici ou là sur différentes questions, mais un petit quelque chose qui me manque pour être totalement séduite. Je vous abandonne en vous révélant que selon mes conceptions de L'Art de la critique, celle-ci ne représente que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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