Il ne s’est rien passé.
Longtemps comme ça.
Ensuite, je me suis battu avec les voyous du bout de la rue.
Nous sommes sur un monticule de terre, assis dominant le paysage, moi et mon frère plus petit.
Autour de nous, les prés.
Les voyous du bout de la rue viennent au loin et se rapprochent. Le plus large est un grand de quatorze ans au moins, le plus féroce, un rouquin à la figure et aux vêtements sales.
Ils nous coupent la retraite et nous lancent des pierres.
Nous descendons ; on va se battre.
J’argumente pour un combat à la loyale : je les prendrai un par un pendant que les autres regarderont sans bouger.
Le roux veut commencer, il est nerveux mais assez petit, je l’étends par terre et je place mes genoux sur ses biceps jusqu’à ce que les veines de ses tempes deviennent bleues de douleur.
Le gros s’interpose, mais il est timide et je suis en colère, il sent la bouse de vache. Je l’étends dans l’herbe.
Plus personne ne veut se battre, nous partons ; aussitôt, je reçois une grosse pierre derrière la tête mais je ne me retourne pas.
Je partage une chambre avec Christine. En me déshabillant, je demande :
— Qu’est-ce que ça veut dire « violer » ?
Christine Montaigu se redresse et s’appuie contre le radiateur sous la fenêtre.
— Tu sais ce que c’est faire l’amour ?
— Oui.
— Hé bien, c’est faire l’amour quand une fille n’en a pas envie.
— Oh ben, c’est pas si grave que ça.
Elle me regarde.
— Tu sais vraiment ce que ça veut dire faire l’amour ?
— Oui je sais, bien sûr, c’est pas drôle d’être forcée…
Elle dit :
— Laisse tomber, tu ne sais pas ce que c’est.
— Mais si. Et je laisse tomber.
Je vois très bien la scène, le garçon embrasse de force la fille sur la bouche, et en plus, peut-être il est tout nu. Je reconnais que ce n’est pas drôle.
J’espère quand même qu’il n’existe pas quelque chose de pire.