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Critique de Meps


J'ai un amour certain pour le XIXème siècle en littérature, le siècle du roman avec Balzac et Zola notamment, mais aussi Dumas, ou Hugo, un siècle riche en grandes signatures. le XVIIIè reste pour moi celui des philosophes, avec Rousseau, Voltaire et Diderot. Je suis même remonté, plus rarement, au XVIème siècle, avec les histoires fantastiques de Rabelais, où la poésie d'un Ronsard ou d'un Du Bellay.

Et le XVIIème me direz-vous ? J'en connais bien sûr le théâtre (le trio Molère, Racine, Corneille) et les fables De La Fontaine. Mais je n'aurais pas forcément imaginé du roman à cette époque-là. Et comme vous l'aurez sans doute remarqué, je n'ai pour l'instant cité que des hommes. Et là nous voilà face une auteure, Madame de la Fayette. Alors que ce roman est régulièrement cité par des Babeliotes, comme une lecture scolaire, imposée rébarbative, je n'ai jamais eu de mon côté la chance de le croiser sur ma route.

Je dis chance parce que j'ai été absolument bluffé par la modernité du propos, et même du style. Il y a dans ce roman l'essentiel des thèmes qui feront les Scènes de la vie privée De Balzac, mais également une évocation saisissante de la vie de Cour. J'avais craint de retrouver les tournures un peu ampoulées qu'on a l'habitude de rencontrer chez Molière ou Racine, mais c'est sans doute la recherche de poésie, de la rime qui conduit leur style.
En effet malgré un classicisme certain, la phrase de Madame de la Fayette se parcourt aisément, sans rupture, sans retour en arrière pour saisir le sens. Alors qu'un Rabelais fait sentir tout le poids de son ancien français pour la compréhension, on se sent ici en terrain connu, pas dépaysé.

J'ai également trouvé intéressant l'utilisation du récit dans le récit qui permet à l'auteure de faire conter par certains personnages une partie des anecdotes historiques qui retracent le contexte : les histoires des femmes successives d'Henri VIII, les intrigues de Cour en France. Ces passages étaient sans doute destinés à l'époque à informer le lecteur des cachotteries des plus grands, qui ne devaient pas être aussi connues qu'aujourd'hui. C'est d'autant plus brillant que cela met particulièrement en exergue l'histoire principale de cette princesse de Clèves, coincée entre mariage raisonnable et passion interdite. A une époque où les mariages étaient systématiquement arrangés, notamment dans ces familles nobles et où les passions s'exprimaient par des relations adultérines quasiment connues de tous, le choix de l'héroïne de se tenir à ses engagements aura finalement des conséquences plus tragiques que le choix de la duplicité et de l'hypocrisie. le message est complexe, on aurait presque envie de se moquer de l'héroïne dans certains de ses entêtements, et même les contemporains trouvaient son comportement "invraisemblable" comme l'indique Marie Darrieussecq dans une préface, alors que notre époque le trouve juste "idiot". En tout cas, l'histoire fait réfléchir sur les choix d'une vie, sur la manière de les assumer ou de suivre ses envies sans les respecter.

Je disais plus haut que je n'avais pas eu la chance de lire ce roman pendant mes études. Les jeunes lecteurs auraient sans doute du mal à me comprendre, se rappelant leur peine face à l'analyse de formulations estimées "précieuses", à l'image d'un Sarkozy qui avait moqué le roman lors de sa candidature à l'élection présidentielle. Une levée de boucliers pour protéger ce classique de la littérature française avait eu lieu, à juste titre. En effet, quand je parle de modernité, c'est bien évidemment relativement à son époque, il y a 400 ans tout de même. Quand on regarde bien et qu'on observe toute l'influence qu'elle a pu avoir sur les romanciers, notamment ceux du XIXème, on ne peut qu'être admiratifs de cette époque où les romancières prenaient toutes leur place et dépeignaient si bien l'ambiance d'intrigue de la Cour du Roi Henri II.
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