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Citations sur De Gaulle, tome 1 : Le rebelle (1890-1944) (23)

Page 746 : Quelques semaines plus tard, à la veille de la conférence de Téhéran, le Président des Etats unis résume ainsi ses vues à l'intention du Secrétaire d'Etat Cordelle Hull : "... Je suis de plus en plus enclin à voir l'occupation de la France, lorsqu'elle se produira, comme une occupation militaire." Occupation, le mot est répété deux fois. Et le "de plus en plus" du Président vaut qu'on s'y arrête : est-ce parce que la résistance antinazie est "de plus en plus" forte, l'autorité de CFLN "de plus en plus" reconnue, Vichy "de plus en plus" démonétisé, que Roosevelt se sent, ainsi "de plus en plus " enclin à soumettre la France à une occupation militaire, de type de celle qu'on impose aux ennemis ?
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Il traverse avec une noblesse très consciente d'elle-même, mais sans condescendance, ce peuple meurtri pour lequel sa présence est comme une levée d'écrou. Prêtons attention à ce geste des mains entrouvertes qu'il trouve alors, des mains offertes à la foule émue. Un geste de " tapisserie ", que l'on dirait inventé par Péguy.
Se dit-il alors, comme Clémenceau au soir du 11 novembre 1918 : " Je voudrais mourir maintenant " ? Lui, moins sentimental, moins personnel, plus orgueilleux encore, il pense à l'histoire de France, à la place de la France dans le monde, à sa place dans l'histoire de la France.
Le Sacre est fait.
Le rebelle est devenu le souverain.
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Mais au cœur même du triomphe, il ne serait pas de Gaulle, il ne serait pas " la France ", si ses déchirements, à cette minute-là, ne vivaient pas en lui comme une conscience coupable :
" ... Je ne puis non plus ignorer l'obstiné dessein des communistes, ni la rancune de tant de notables qui ne me pardonnent pas leur erreur, ni le prurit d'agitation qui de nouveau travaille les partis. Tout en marchant à la tête du cortège, je sens qu'en ce moment même des ambitions me font escorte en même temps que des dévouements... "
Être de Gaulle, c'est cela aussi. A force d'incarner, on incorpore tout, les miasmes sont présents au plus fort du bonheur. Intolérable d'être le symbole...
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Et maintenant, le mémorialiste :
" ... Devant moi, les Champs-Élysées.
Ah, c'est la mer ! Une foule immense est massée de part et d'autre de la chaussée. Peut-être deux millions d'âmes. Les toits aussi sont noirs de monde ... Si loin que porte ma vue, ce n'est qu'une houle vivante, dans le soleil, sous le tricolore ... Puisque chacun de ceux qui sont là a, dans son cœur, choisi Charles de Gaulle comme recours de sa peine et symbole de son espérance, il s'agit qu'il le voie, familier et fraternel, et qu'à cette vue resplendisse l'unité nationale ... Il est vrai ... que [je] n'ai pas le physique ni le goût des attitudes et des gestes qui peuvent flatter l'assistance. Mais je suis sûr qu'elle ne les attend pas.
Je vais donc, ému et tranquille, au milieu de l'exultation indicible de la foule, sous la tempête des voix qui font retentir mon nom ... Il se passe, en ce moment, un de ces miracles de la conscience nationale, un de ces gestes de la France qui parfois, au long des siècles, viennent illuminer notre Histoire ... Et moi, au centre de ce déchaînement, je me sens remplir une fonction qui dépasse de très haut ma personne, servir d'instrument au destin. "

Totalisant à ce point la collectivité nationale, mesure-t-il bien l'immensité du risque qu'il court, et lui fait courir ? A-t-il conscience du danger qui plane sur lui et cette foule gigantesque ? A moins de 80 kilomètres de là, un général de la Wehrmacht a en poche l'ordre exprès du Führer de précipiter sur Paris une pluie de V1 et de V2, les plus terribles explosifs de l'époque. Mais là n'est pas le problème. A tel conseiller qui lui a fait valoir tantôt l'ampleur du risque, il a riposté : " Le défilé fera l'unité politique de la nation ".
Le pari prodigieux est tenu.
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(...) retenons ce trait encore, qui dit pas mal de choses : on marche au pas du général de Gaulle, qui n'est pas lent. Mais soudain, alors qu'il a soigneusement, au départ, pris ses distances, il sent à ses côtés un autre marcheur, sur la même ligne. C'est Bidault, qui s'entend dire d'une voix aussi coupante que la veille à l'Hôtel de Ville : " Un peu en arrière, s'il vous plaît ! "
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(...) le général, (...) avise un tout jeune homme, porteur du brassard des FFI, une cigarette au coin de la bouche, qui s'apprête à jouer les Gavroche dans cette célébration de Paris insurgé. Quel plus joli symbole ? De Gaulle lui fait un signe : il accourt, fou de joie, le général l'a remarqué, et veut en sa personne rendre hommage à tous ces jeunes gens qui viennent de combattre pour que cette minute soit possible. A trois pas de lui, le général l'arrête : " On ne fume pas dans les défilés ! "
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Paris libéré ! l'évènement miracle est aussitôt connu du monde entier, jusqu'aux lieux où la nouvelle peut causer la plus juste joie : dans les camps de concentration. Christian Pineau nous a raconté qu'à Buchenwald - où " le bulletin d'information allemand était très sérieux " - on l'apprit dès la nuit qui suivit l'entrée de de Gaulle à Paris.
A Dachau, Edmond Michelet fut aussitôt convoqué par les trois chefs politiques du camp, un Tchèque, un Polonais et un Yougoslave, jusque-là un peu dédaigneux à l'égard des Français, qui lui annoncèrent, les larmes aux yeux, " la plus grande nouvelle depuis que nous sommes ici : Paris est libéré, et Paris est intact ! " En Grande-Bretagne, l'enthousiasme fut à la mesure des services incomparables que le Royaume-Uni avait rendus depuis quatre à la libération de la France, et Anthony Eden, ami fidèle entre tous, exprima à la BBC une joie qui sonnait juste.
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Mais le conflit est sur cet homme, en cet homme. Il n'a pas plus tôt poussé ce cri de vérité, ce cri de ralliement, qu'un débat va renaître. Bidault, au bord des larmes, se tourne vers lui : " Mon général, nous vous demandons ici, au nom de la France résistante, de proclamer solennellement la République devant le peuple rassemblé. " L'idée est belle, et digne de l'instant que vivent ces hommes. En cinq phrases cinglantes, qui tombent comme des coups de sabre sur le malheureux Bidault, le Connétable la foudroie :
" La République n'a jamais cessé d'être. La France libre, la France combattante, le Comité français de libération nationale (*) l'ont tour à tour incorporée. Vichy fut toujours et demeure nul et non avenu. Moi-même suis le président du gouvernement de la République. Pourquoi irais-je la proclamer ? "
* Pas question ici du CNR...

C'est la thèse, marmoréenne, de la légitimité assumée depuis le 18 juin 1940, qu'il a opposée à Alger à ceux qui avaient déjà tenté de lui faire adopter cette idée. La leçon n'est-elle pas trop dure, humiliante ? Edgard Pisani, alors bras droit de Luizet, écrira trente ans plus tard : " Il avait peut-être raison. Mais ça nous aurait fait tellement plaisir ! " Certains déjà, au CNR, au CDL, songent à relever ce " défi ", à prendre leur revanche de cette " distance " qu'il ne cesse de marquer. Tandis que, non content d'apparaître à la fenêtre de l'Hôtel de Ville, de Gaulle se hisse debout sur le rebord, géant dans sa niche, et fait ainsi redoubler l'ovation, ils envisagent de proclamer, en son absence et malgré lui, dans un climat d'amertume enfiévrée, cette République qu'il prétend incarner sans trêve.
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Aventurer à travers une marée humaine ce personnage symbolique, éminemment irremplaçable, au cœur d'une ville où l'ennemi se terre encore, enfiévré de sa défaite, où d'innombrables séides du régime abattu ne peuvent penser qu'à la revanche ou à la vengeance, quelle folie ! Mais quoi ? Quand on a commencé par le 18 juin…
(...)
Le film qui a été alors tourné, ce qui nous en reste en tout cas, montre la haute stature dominant les visages levés comme dans une Ascension du Greco, ses bras qui semblent figurer une lyre, le visage livide du géant renversé en arrière comme pour une consécration… Un climat proprement mystique. Et la voix fameuse qui psalmodie ces phrases intensément lyriques, à la dimension du moment, ces phrases jaillies de cette communauté enivrée et consciente… Là, de Gaulle est vraiment l'interprète de la nation, l'écho des grands orateurs chrétiens aussi bien que des conventionnels appelant à la levée en masse : car il s'est trouvé que ce stratège machiavélien était aussi, porté par l'évènement, un grand orateur populaire…
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C'est ce même 24 août [1944] que le général reçoit un télégramme qui l'émeut : le roi George VI, ayant entendu la BBC annoncer que Paris était libéré (l'anticipation peut être une forme d'information ...), lui exprime la " profonde émotion " qu'il éprouve en apprenant que " les habitants de Paris ont chassé l'envahisseur " et conclut sans emphase excessive : " Je me réjouis avec Votre Excellence, en cette heure de leur triomphe, comme je me suis associé à eux pendant leurs longues années de souffrances. " Texte dont le Connétable, jamais à court d'analyses décapantes, jusque dans les heures de triomphe, tire argument pour opposer entre eux ses alliés, la chaleur des Anglais contrastant avec le ton empreint d'une certaine " aigreur " de la Voix de l'Amérique.
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