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De Gaulle (Lacouture) tome 1 sur 3
EAN : 9782020121217
870 pages
Seuil (02/05/1990)
4.14/5   58 notes
Résumé :
"Après huit cents livres sur de Gaulle, voici le premier" écrivait Pierre Nora, à la sortie voici plus de vingt ans de l’exceptionnelle biographie de Jean Lacouture.

A l’occasion du soixante-dixième anniversaire de l’appel du 18 juin et du quarantième anniversaire de la mort du général de Gaulle, ce coffret prestigieux rassemble les trois tomes de l’œuvre monumentale de Lacouture.
Que lire après De Gaulle, tome 1 : Le rebelle (1890-1944)Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Dire "non", c'est le courage de l'homme d'exception. Un "non" d'autant plus remarquable qu'il vient d'un homme censé obéir, parce que militaire et officier. Quand d'autres, notamment Pétain, qui avait été son supérieur et qui s'était servi de De Gaulle comme d'un porte-plume entre les deux guerres, se couchèrent devant l'occupant en accusant les politiques en place avant eux et en n'ayant même pas le courage de reconnaître que l'armée française n'avait pas su prévenir l'invasion, enfermée qu'elle était dans la logique de la défense arc-boutée sur la ligne Maginot alors que le colonel De Gaulle, à l'instar d'officiers américains, anglais et allemands prônait l'usage de corps blindés non disséminés dans les unités mais regroupés en masse pour faire percée, sous couverture aérienne. Pétain fit déclarer De Gaulle passible de la peine de mort au cas où il tomberait entre les mains des forces "légitimistes" pour sa fuite en Angleterre et son appel - le fameux appel du 18 juin - à continuer le combat contre les forces de l'Axe qui, affirma-t-il dès le début, seraient terrassées par les mêmes moyens mécaniques qui avaient d'abord assuré leur succès.
De Gaulle, le Connétable, le chef emblématique de la France Libre, tint tête à tous ceux qui voulaient étouffer ou minimiser le rôle des forces françaises qui voulaient continuer la lutte à ses côtés : contre Churchil, prêt à le sacrifier sur l'autel de l'entente avec Rossevelt, qui regardait De Gaulle comme un "apprenti dictateur", en réalité pour enfoncer la tête d'une France vaincue et humiliée en 1940 et bonne pour être mise sous tutelle américaine après la guerre, selon le Président des États-Unis. Roosevelt qui maintint longtemps ses relations diplomatiques avec le régime de Vichy, par la personne de son représentant en France, l'amiral Leahy, préféra Darlan à De Gaulle, quand Darlan, présent en Afrique du Nord lors du débarquement américain, se rangea du côté des Alliés contre l'Allemagne et l'Italie, bien qu'il eût été, peu de temps avant cela, reçu par le chancelier Hitler à Berchtesgaden ; le même Roosevelt préféra encore Giraud à De Gaulle, quand Giraud, échappé de sa prison allemande, atterrit à son tour en Afrique du Nord.
Saluons le courage de De Gaulle qui sut rassembler des hommes venus de tous les horizons politiques, des René Cassin, des Pierre Brossolette, des Jean Moulin, des Pierre Mendès France, des Edgar Pisani, etc., et qui le fit certes sans comprendre pendant longtemps l'importance de la résistance intérieure avant qu'on ne lui ouvrît les yeux, et qui sut empêcher les Américains de "démembrer" la France, comme ils en avaient le projet (idée du rattachement du Nord de notre pays à la Belgique) et de mettre en place une monnaie indexée sur le dollar et une administration militaire américaine en France. Il mena un combat de tous les instants, à la fois contre l'occupant allemand pour qu'il subisse à son tour une défaite sans appel, et contre les Alliés qui voulaient profiter de la défaite de juin 1940 pour mettre fin à la "grandeur" française. Gardien vigilant des intérêts de notre pays, Charles de Gaulle veilla à les préserver par tous les moyens, mais avec la nature qui était la sienne, et qui lui faisait confondre sa personne avec le destin de notre pays. Il faisait de cela une affaire personnelle, et c'est à la fois ce qui fait sa grandeur et sa petitesse. Car il devait nous entretenir pendant longtemps dans l'idée que c'était toute la France qui avait continué le combat. Cerise sur le gâteau, il finit par convaincre Eisenhower de laisser la 2ème Division blindée du général Leclerc entrer dans Paris dont les forces vives s'étaient insurgées contre l'occupant allemand en août 1944, alors qu'Hitler, dans un accès de furie, ordonnait au commandant militaire de la place de détruire la capitale française.
Jean Lacouture, avec le style qui est le sien (usage de beaucoup de guillemets), a su rendre un bel hommage à Charles de Gaulle, dont il fut, en d'autres circonstances, comme journaliste, après le retour du Général au pouvoir, en 1958, un opposant responsable. Je tiens ce livre comme l'un des plus beaux qui aient jamais été écrits sur Charles de Gaulle.

François Sarindar
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La vie de Charles de Gaulle est un vrai roman.
Je croyais connaître l'homme du 18 juin, son action pendant la Seconde Guerre mondiale et sa présidence et je souhaitais découvrir son passé. Qu'est-ce qui a amené cette personnalité à se mutiner contre son propre gouvernement, son ancien mentor ?
Le travail de Jean Lacouture est vraiment extraordinaire. Une somme d'informations, de renseignements nous permet de cerner l'histoire de ce personnage hors du commun. de son enfance dans le Nord, à ses études et surtout cette carrière militaire, souvent oubliée et qui en ont fait un grand défenseur d'une stratégie offensive.
De Gaulle est devenue officier et son premier mentor, dès avant la Première Guerre Mondiale est le colonel Pétain, qui n'arrêtera pas de le soutenir dans sa carrière jusqu'à la fin des années 1930. Il sera capitaine pendant la Grande Guerre et s'évadera d'un camp de prisonnier. Il acquiert une énorme culture dans le domaine de l'histoire de France et surtout de son histoire militaire et enseignera aux futurs hauts gradés. Mais surtout dans l'Entre-Deux-Guerres, il devient le théoricien de l'utilisation des blindés comme divisions spécialisées. Il se bat contre toute une hiérarchie qui le regarde de haut et qui, après la boucherie de 1914-1918, ne jure que par la défensive. le paradoxe voudra que ce sont les généraux allemands qui vont le lire avec le plus d'attention et d'intérêts.
De Gaulle est aussi le grand défenseur du commandement civil sur le militaire. Pour lui, l'armée obéit au gouvernement démocratiquement élu. C'est une des raisons de sa rupture avec Pétain juste avant la Seconde Guerre mondiale.
Les moments de mai-juin 1940, si important pour son avenir et pour celui de la France, sont racontées en détails, avec tous les états d'âmes, les nuances, les discussions, combinaisons, etc.
Ensuite, Jean Lacouture raconte la création difficile de la France Libre, les relations tumultueuses avec Churchill et très compliquées avec Roosevelt qui voyait en lui un danger un potentiel dictateur.
C'est passionnant de bout en bout. Une biographie qui se lit comme un roman où tout est vrai et nuancé.
Ce n'est pas non plus une hagiographie. La personnalité complexe, hautaine, parfois méprisante envers les autres du général De Gaulle est aussi souvent évoquée.
L'auteur ne sombre jamais dans la facilité, écueil inhérent à de nombreuses biographies. Au contraire, on a envie de lire la suite et aussi de découvrir celles de Churchill, notamment pour compléter le sujet.
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J'ai retrouvé ce livre dans la bibliothèque de feu mon père. C'est peut-être la meilleure étude historique consacrée à De Gaulle. Il fallait le magistral ouvrage de Jean Lacouture pour retracer l'extraordinaire destin d'un tel personnage hors du commun. le livre expose dans les moindres détails tout son parcours pendant la guerre (jusqu'en 1944). Maintenant que les querelles partisanes sont apaisées, personne ne nie le rôle crucial qu'il a joué lors d'une catastrophe majeure pour notre pays. Dans la débâcle, cet officier a osé désobéir au gouvernement français en place. Analysant la vraie nature de la guerre contre l'Allemagne nazie, il a compris que le conflit n'était pas seulement européen, mais qu'il allait concerner le monde entier. D'où l'appel du 18 Juin 1940. Il s'est révélé être un organisateur remarquable, un meneur d'hommes, un homme politique d'autant plus intransigeant qu'il était encore faible. Considéré à Vichy comme un traître, il a inspiré et dirigé la Résistance française depuis Londres, non sans ferrailler durement contre Churchill et surtout contre Roosevelt (après l'entrée en guerre des USA). D'abord, la France Libre fut une force presque ridicule; puis elle acquit une place remarquable au milieu des Alliés en raison de la volonté inébranlable de De Gaulle. En fait, celui-ci était à la fois un visionnaire et un homme viscéralement attaché aux valeurs du passé. Il reste la question fondamentale: en s'identifiant quasiment à sa patrie, Charles de Gaulle a-t-il eu pour unique ambition la résurrection de la France, ou bien les soupçons de pouvoir personnel (qui seront plus ouvertement exprimés sous la Vème République) étaient-ils justifiés ?
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LE REBELLE constitue le premier des trois gros volumes consacrés par Jean Lacouture au Général de Gaulle. Plus de 800 pages ou presque, par volume ! Aurai-je le courage de poursuivre ? Je ne sais pas.

En tout cas, le premier volume consacré au Rebelle est tout simplement magnifique, magnifique comme une épopée. Jean Lacouture, biographe, admire son sujet. Son style est celui d'un grand conteur, tant il est vrai que la vie, l'attitude, la vision du Général durant les deux guerres qu'il a traversées et sa volonté de réarmer la France, durant l'entre-deux-guerres, notamment avec son "moteur combattant" (que les ennemis ont adopté ) relèvent de la geste d'un Chevalier sans peur (de la hiérarchie ou de la puissance méprisante des alliés de la France pendant le 2ème guerre mondiale) et dont le biographe adopte le ton.

Ne l'a-t-il pas surnommé le Connétable? Comme Churchill dans ses moments d'admiration pour ce Français indocile qu'il a fini par détester ?

Connétable : le dictionnaire enseigne que ce terme désignait au Moyen-Âge et sous l'Ancien Régime un grand officier de la Couronne et commandant suprême des armées royales.

Quand j'étais adolescent, je lisais beaucoup de BD en édition « Mon journal », parmi lesquelles, la geste de Bertrand du Guesclin connétable de France. J'adorais ce grade et ce mot que je trouvais particulièrement euphonique (à l'époque, je ne connaissais pas « Euphonique », je disais que ça sonne bien à l'oreille). Je regrettais qu'il ait disparu en tant de haut grade militaire.

Ce surnom donné au Général de Gaulle, lui, si féru d'histoire de France lui va comme un gant. Pourtant, comme l'a fait remarquer un Babélien, cette première époque de cette très longue biographie n'a rien d'une hagiographie, car Jean Lacouture sait poser la critique, pointer les faiblesses, voire l'intransigeance déplorable du grand homme, quand il le faut.

Cependant notre héros, car c'en est un, a su s'imposer à un Roosevelt aveugle, un Churchill roublard, un Giraud marionnette, des chefs résistants divisés et individualistes, et surtout imposer une certaine vision de l'Etat qui perdure encore de nos jours.

Une très grande biographie. Peut-elle être dépassée, alors que De Gaulle continue de susciter de nouveaux écrits ?

Pat

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Là, je suis a priori très éloignée de mes bases (la SF, l'anticipation, l'imaginaire). Et pourtant. Quel scénario incroyable! Et quelle plume!
De toutes les bio que j'ai pu lire, les 3 volumes de Lacouture sont autant une somme qu'une référence absolue.
Tout commence avec ce récit exhumé des écrits de jeunesse de De Gaulle : quand je serai grand, on m'appellera sur le champ de bataille. Et je libèrerai la France.
Une telle introduction aurait été jugée peu crédible si un romancier l'avait mise au point. quelques 2 000 pages plus tard, on se dit que ce destin dépasse l'imaginaire de n'importe quel auteur. Et quand en plus, c'est écrit avec un tel talent et documenté aussi précisément, on se régale. le premier volume reste le meilleur pour moi. Mais c'est excellent jusqu'au bout!
à lire comme un roman.
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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
D'emblée, c'est le géant qui frappe les imaginations. Ces cent quatre-vingt quatorze centimètres propulsés au-dessus des agitations moyennes de ses contemporains retiennent l'attention des plus indifférents, et aussi cette façon irrationnelle qu'il a d'en user, semblable à ces colosses de kermesses flamandes agités par Till l'Espiègle. Bizarres moulinets, surprenants sursauts, étranges élancements. Rien de moins conforme aux us et coutumes, aux qu'en-dira-t-on, normes anthropologiques et règles innombrables forgés au pays de Vaugelas et de M. Faguet.
"Drôle de corps", dit-on d'un original. Aucune formule ne lui sied mieux. Il n'a pas fini d'étonner son monde rien qu'à entrer dans une pièce, rien qu'à dresser, au-dessus du populaire, ses bras en forme de mât de cocagne. Et pour peu que le terrain s'y prête, comme aux abords de Montcornet en mai 1940, il juge bon de hausser sa grandeur sur quelque butte, remblai ou talus pour mettre encore d'autres couches d'air entre le regard de ses interlocuteurs et le sien. La foudre doit tomber de haut.
Ensuite, la tête. Surmontée ou non de ce képi en forme de tuyau avorté que l'armée française inflige à ses gradés les plus considérables, elle bourgeonne en méplats improbables, en un nez surtout dont l'ampleur bourbonienne s'accentue d'être braquée sur le contradicteur comme une bouche à feu, si massif qu'il a confisqué l'aspérité du menton et fait oublier un front cerné de mèches brunes qu'on dirait plaquées là par une pluie imaginaire.
Visage d'avant notre époque moyenne et ordonnée, tête pour le heaume, la fraise ou la perruque, face comme un parchemin griffonné par Froissart ou Commynes qu'éclairent d'un feu circonspect les yeux petits, dardés comme la baïonnette d'une sentinelle du fond des orbites en forme de caverne.
"Un homme à peindre", eût dit un bon auteur du temps où le Louvre n'était pas encore un musée, non sans ajouter : "Quelle physionomie" ! Peint ou pas (il le sera très peu), il saisit, déconcerte et refuse de se laisser oublier. Maréchal de Guise, cardinal de Montmorency ou sénéchal des Ardennes, combien de portraits de cette sorte ornent les salles d'armes de très vieux châteaux de chez nous, entre la cuirasse du capitaine des mousquets et l'écu du mestre de camp ? Sous les murailles de Jérusalem, Godefroy de Bouillon et Renaud de Châtillon durent avoir la démarche lourde, les gestes démesurés, les éclats de voix, les coups d'œil fulgurants que les Français vont apprendre à connaître en cet été 1944, après Winston Churchill, Robert Murphy et Henri Giraud...
Ce corps singulier l'embarrasse-t-il ? Il s'en soucie comme d'une guigne, n'étant incommodé ni par le chaud ni par le froid et restant fort peu sensible à la douleur - éprouvée du fait des blessures de 1914 à 1916, mais non de maladies dont il fut presque toujours exempt - hormis deux crises plus ou moins d'origine paludéenne qui l'ont terrassé durant quelques jours, à Londres en mars 1942 et à Alger en janvier 1944.
Les intempéries lui sont indifférentes. Il a bon appétit, mange vite, boit modérément et peut supporter un long jeûne - au moins à l'époque où nous sommes. Cette grande carcasse où il abrite son grand rêve ne l'incommode pas. Il y voit plutôt quelques avantages : d'abord qu'elle le transforme en sémaphore, donnant à ses gestes, au V que dessinent ses bras, une ampleur surhumaine ; ensuite qu'elle lui donne une valeur d'enseigne vivante : " A la plus grande France. "
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Mais le mieux est de laisser au mémorialiste le soin de commenter : dix ans plus tard, il s'analyse avec une formidable pertinence :
" ... Mon intention [était] d'aller d'abord, non point à l'Hôtel de Ville où siégeaient le Conseil de la Résistance et le Comité parisien de libération, mais " au centre ". Dans mon esprit, cela signifiait au ministère de la Guerre, centre tout indiqué pour le gouvernement et le commandement français. Ce n'était point que je n'eusse hâte de prendre contact avec les chefs de l'insurrection parisienne. Mais je voulais qu'il fût établi que l'État, après les épreuves qui n'avaient pu ni le détruire ni l'asservir, rentrait d'abord tout simplement chez lui. Lisant les journaux, Combat, Défense de la France, Franc-Tireur [...], je me trouvais tout à la fois heureux de l'esprit de lutte qui y était exprimé et confirmé dans ma volonté de n'accepter pour mon pouvoir aucune sorte d'investiture, à part celle que la voix des foules me donnait directement. "
Le propos est d'une telle éloquence, sinon bonapartiste, au moins consulaire, qu'on s'en voudrait de le noyer dans quelque glose. Mais il faut, sinon le nuancer, en tout cas le compléter par une confidence faite quelques jours plus tard à Louis Joxe et par un propos tenu le lendemain, dans ce même château de Rambouillet, à un jeune homme nommé Philippe Vianney.
Il expliquait ainsi à Joxe le choix du ministère de la Guerre pour " centre " du nouveau pouvoir, plutôt que Matignon, le Quai d'Orsay ou l'hôtel de Lassay : " je campe ici, vous comprenez pourquoi ? La guerre n'est pas terminée, il faut qu'on le sache pour le cas où on aurait tendance à l'oublier, et puis, le ministère de la Guerre, c'est Clémenceau. Je n'occupe d'ailleurs pas son bureau, notez-le."
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Le 23 août, Charles de Gaulle quitte Le Mans pour Chartres. Évoquant cette étrange progression oblique vers Paris, au gré d'une stratégie interalliée dont il est toujours prêt à contester le bien-fondé, il met surtout l'accent sur le climat populaire dans lequel il évolue : " Je me sentais entraîné par une espèce de fleuve de joie... ". Partout on l'arrête, on l'acclame, on le supplie de prendre la parole : il le fait avec profusion, et non sans émotion. Son esprit a beau être tout entier tendu vers Paris, les risques qu'y courent encore une population peu armée et un État dont l'autorité reste problématique, il sait participer à cet émoi que son nom, son apparence, sa légende suscitent.
C'est la veille, en arrivant au Mans, que se situe l'épisode le plus savoureux de cette chevauchée. A peine installé dans ses fonctions de commissaire de la République à Angers, Michel Debré a pris place dans la voiture qui conduit le général de Laval vers Chartres. En arrivant au Mans, la foule est devenue énorme. Un groupe de femmes enthousiastes bloque le véhicule et l'une d'elles, un bouquet à la main, clame : " Vive le maréchal ! " - et on la voit aussitôt affolée de sa méprise. Alors Charles de Gaulle prend le bras de Debré : " Comment voulez-vous qu'ils s'y retrouvent ? ".
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C'est un intellectuel : on veut dire quelqu'un dont la vie, les décisions, les actes sont inspirés et motivés par des idées. Certes, on a constamment marqué à quel point cet homme d'action se méfiait des doctrines et s'attachait à tenir compte des circonstances. Dans son esprit, en effet, les doctrines sont nocives en ce qu'elles coagulent en systèmes le libre mouvement des idées. Ce machiavélien est un idéaliste qui, attentif au réel, le conceptualise par un constant effort de volonté. Dans la formule fameuse qui lui sert à jamais de devise : " Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France ", le mot clé semble être " fait ". Inspiré par une idée, certes : mais par une idée qu'il s'est faite, qu'il a sculptée à son image, exigeante, orgueilleuse, inaccessible. On dirait d'un jansénisme de la France.
Réaliste, de Gaulle ? Certes, dans les visées immédiates et les procédures, et dont la stratégie n'est presbyte que pour corriger la myopie générale qui sévit autour de lui dans le pouvoir, les institutions, l'entourage, dans le siècle... Mais c'est un réaliste de l'imaginaire qui " traite ", manipule et triture de sa main puissante des données préalablement modelées par son génie inventif. Et Dieu sait si, conjuguées, la volonté et l'imagination de Charles de Gaulle s'entendent à modifier les données du réel tel que le voient les petits hommes...
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Mais le conflit est sur cet homme, en cet homme. Il n'a pas plus tôt poussé ce cri de vérité, ce cri de ralliement, qu'un débat va renaître. Bidault, au bord des larmes, se tourne vers lui : " Mon général, nous vous demandons ici, au nom de la France résistante, de proclamer solennellement la République devant le peuple rassemblé. " L'idée est belle, et digne de l'instant que vivent ces hommes. En cinq phrases cinglantes, qui tombent comme des coups de sabre sur le malheureux Bidault, le Connétable la foudroie :
" La République n'a jamais cessé d'être. La France libre, la France combattante, le Comité français de libération nationale (*) l'ont tour à tour incorporée. Vichy fut toujours et demeure nul et non avenu. Moi-même suis le président du gouvernement de la République. Pourquoi irais-je la proclamer ? "
* Pas question ici du CNR...

C'est la thèse, marmoréenne, de la légitimité assumée depuis le 18 juin 1940, qu'il a opposée à Alger à ceux qui avaient déjà tenté de lui faire adopter cette idée. La leçon n'est-elle pas trop dure, humiliante ? Edgard Pisani, alors bras droit de Luizet, écrira trente ans plus tard : " Il avait peut-être raison. Mais ça nous aurait fait tellement plaisir ! " Certains déjà, au CNR, au CDL, songent à relever ce " défi ", à prendre leur revanche de cette " distance " qu'il ne cesse de marquer. Tandis que, non content d'apparaître à la fenêtre de l'Hôtel de Ville, de Gaulle se hisse debout sur le rebord, géant dans sa niche, et fait ainsi redoubler l'ovation, ils envisagent de proclamer, en son absence et malgré lui, dans un climat d'amertume enfiévrée, cette République qu'il prétend incarner sans trêve.
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Video de Jean Lacouture (31) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean Lacouture
20 mai 1996 Olivier BARROT présente une biographie de MONTAIGNE, écrite par Jean LACOUTURE, aux éditions du Seuil : "MONTAIGNE A CHEVAL". Images d'archive INA
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