La Fontaine n'était pas en reste avec ses amis pour la joie et les fredaines. De tempérament vigoureux, de complexion aimable, facile aux tendres épanchements , prompt à s'enflammer, prompt à s'éteindre, à Reims comme à Château-Thierry il courut quelques aventures; l'écho en retentit, çà et là, dans ses œuvres, sans jamais trahir un nom de femme. Faut-il penser que, dès lors, avec son indolence incorrigible, n'apportant pas plus de volonté à diriger sa vie qu'à tenir droit son grand corps déhanché, aussi incapable d'obstination dans la poursuite que de résistance à une tentation, il s'adressait volontiers à des beautés faciles ?
Tel fut l'homme : aucune ambition, pas de volonté, pas de caractère. Dans ce poète, craintif et modéré, rien des violentes passions, personnelles ou sociales, qui échauffent les grands créateurs d'images et les agitateurs de l'âme, Dante, Shakespeare, Victor Hugo, Lamartine ; rien non plus des fortes convictions, morales ou intellectuelles, qui soutiennent les lettrés éloquents, Ronsard, Malherbe, Corneille, André Chénier. Chacune de ces grandes inquiétudes auxquels les poètes sont d'ordinaire en proie, ne fût-ce que dans les chaleurs de la jeunesse, la soif de la renommée, l'orgueil de la pensée originale ou de l'apostolat littéraire, la préoccupation anxieuse de la beauté ou de la vérité, ne semble avoir tourmenté ce viveur paisible.