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4,11

sur 788 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Quelques mois d'études et réflexions sur l'oeuvre n'ont pas épuisé le sujet... Nous avions même pondu avec un ami quelque 100 pages sur le thème du cercle, du cycle et de l'ouragan, c'est dire !

Les chants sont ce qui a été écrit de plus définitif dans notre belle langue: le cri ultime de l'homme entre l'ange et la bête, l'effroyable condamnation de qui se rend compte qu'à décrire son semblable, il plonge dans un tourbillon (encore lui) indescriptible ou rien ne prendra forme, rien n'arrivera à sa fin, ne se structurera selon une pensée saine et consistante, rien de bon ne sortira sans son contraire.

Lautréamont, comme Diderot Dailleurs, a aussi touché du bout de sa plume un autre mystère de l'homo scribens à savoir que rien non plus ne s'écrira sans le lecteur. Aussi les Chants sont-ils avant tout un long dialogue avec un lecteur inéluctablement complice de la perversité décrite.

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Voici une oeuvre, Les Chants de Maldoror, d' Isidore Ducasse (alias comte de Lautréamont) qui laisse une impression étrange, peut-être à cause des secrets qu'elle cherche à taire tout en tentant de les dévoiler. A la manière d'un Antonin Artaud cherchant à exprimer sa souffrance, Isidore Ducasse présente une succession de scènes macabres et désolées, où une force maléfique sous la forme d'un prince de la Nuit, Maldoror, tente par tous les moyens possibles de détruire les apparences trompeuses des hommes et de leur soi-disant bonheur, jouant avec les angoisses de l'époque, comme la mort de Dieu. Ducasse, double de Maldoror, apparaît ainsi accablé derrière ces tableaux marécageux. Un être profondément frustré, contrarié, ne supportant pas l'inassouvissement de ses pires fantasmes. Cette incroyable énergie engendre un véritable hymne blasphématoire, porté par une prose hallucinée qui témoigne aussi, rétrospectivement, des intérêts de la société du milieu du XIXe siècle : les découvertes scientifiques (mathématiques, médecine, psychanalyse, sciences naturelles). Cet enfer pourrait rapidement nous lasser, mais, ayant fait le choix du récit épique, comme Dante, Isidore Ducasse nous tient par le merveilleux. Inspiré de ses longs voyages transatlantiques, domine dans Les Chants un bestiaire à dominante marine (baleines, poissons abyssaux, oiseaux migrateurs). Isidore Ducasse démontre indirectement que la question sexuelle est bien au centre de toutes nos pulsions, causes de nos comportements et de nos emportements sources des guerres, des crimes, tueries et autres actes de domination et de puissance.
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Isidore Ducasse (1846-1870), qui avait jadis pris pour pseudonyme : Comte de Lautréamont en hommage à Eugène Sue et à son personnage Lautréamont. Il avait en tout, écrit deux oeuvres magistrales. À savoir, "Les Chants de Maldoror", "Poésies I" et "Poésies II".

"Les Chants de Maldoror" est une longue imprécation, une litanie faite d'orages, de mouvements de houle, d'éructations, d'invectives dont le dénominateur commun est un profond sentiment de révolte existentiel propre à certains génies tels que Antonin Artaud, Jean Genet ou Luigi Pirandello.
Un recueil extrêmement subtile et composé de 6 chants où Maldoror alias Lautréamont, alias Isidor Ducasse décline leur frénétique avancée dans les ténèbres, pris dans la spirale du mal. le héros est aussi mystérieux que son auteur le très énigmatique isidor Ducasse né en Uruguay et mort très jeune à Paris dans des circonstances inconnues. On sait qu'il jouait du piano des nuits entières. Lautréamont, Maldoror et Ducasse ne font plus qu'un dans ces
pages, où progressivement, le "il" se débarrasse de tout ce qu'il a d'humain pour embaumer ses pages ténébreuses où l'ambiance moyenâgeuse nous
propulse dans un univers glauque et sulfureux, tout en prenant littéralement possession de notre âme. Ici tout y est, la cruauté, la violence et le blasphème, unit dans un savant mélange qui dégage une sensation de volupté. L'auteur nous transporte dans un monde cauchemardesque, risquant de nous faire peur et même de nous faire refermer ce livre en hâte. Cela dit, il faut tout de même, aller jusqu'au bout de la dernière ligne droite, car ce livre est une véritable merveille, une perle.
On y entre dans un monde périlleux, noir, glauque, dans un monde qui apparaît comme bien pire que l'enfer même, mais où on trouvera le
génie de son auteur. Lautréamont, Isidore Ducasse de son vrai nom, est un vrai magicien noir qui fait peur mais surtout qui envoûte.

Je déconseillerais particulièrement aux personnes dont la personnalité n'est pas très structurée, car l'appel schizophrénique est ici, très puissant. Au final, "Les Chants de Maldoror" est un pur chef-d'oeuvre lyrique et magistral, servi en guise avec une prose la plus somptueuse jamais écrite. A découvrir et à lire d'urgence cette sublime Épopée Fantastique !
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Récit poignant, prose hallucinée, images saisissantes, les chants demeurent tout de même hétéroclites, les actions disjointes. Tout ça manque d'unité. La première lecture est fascinante, la relecture est décevante. Mais j'aime les proses baroques et forcenées. Ce livre brille d'un éclat unique et singulier dans la littérature française.
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Voilà un auteur qui a marqué ma jeunesse, avec un ami nous nous récitions les Chants de Maldoror qui nous exaltaient. Des purs moments d'extase littéraire. J'avais plus de mal à m'enthousiasmer pour les poésies, mais je connais encore par coeur plusieurs Chants, dont le premier, il est vrai inoubliable.

«Plût au ciel que le lecteur, enhardi et devenu momentanément féroce comme ce qu'il lit, trouve, sans se désorienter, son chemin abrupt et sauvage, à travers les marécages désolés de ces pages sombres et pleines de poison; car, à moins qu'il n'apporte dans sa lecture une logique rigoureuse et une tension d'esprit égale au moins à sa défiance, les émanations mortelles de ce livre imbiberont son âme comme l'eau le sucre. Il n'est pas bon que tout le monde lise les pages qui vont suivre; quelques-uns seuls savoureront ce fruit amer sans danger. Par conséquent, âme timide, avant de pénétrer plus loin dans de pareilles landes inexplorées, dirige tes talons en arrière et non en avant. Écoute bien ce que je te dis: dirige tes talons en arrière et non en avant.»
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Né le 4 avril 1946 à Montevideo, en Uruguay, Le Comte de Lautréamont, de son vrai nom Isidore Lucien Ducasse, fait partie des écrivains de génie qui n'auront laissé que peu de travaux à la postérité. Mais, dans son cas, c'est son décès prématuré, à l'âge de vingt-quatre ans, qui aura été la cause du peu de matière laissée à la littérature, ce qui est d'autant plus triste que le peu qu'il a écrit le propulse au rang d'écrivain de génie.
On ne sait finalement que peu de chose de cet auteur qui a été publié en pointillé. Des informations sur sa scolarité et ses études, avec son lot d'incertitudes et de suppositions. Quelques points sur ses tentatives avortées de publication de son vivant. Des suspicions quant à sa consommation de cocaïne associée aux opiacés, ainsi qu'à une possible addiction. Des références éditoriales sombres et incertaines. L'ombre d'un père, François Ducasse commis-chancelier au consulat de France à Montevideo et un homme, dit-on, de grande culture. Une mère Jacquette Célestine Davezac, morte dans de sombres circonstances, le 9 décembre 1847 ; on évoque la possibilité d'un suicide. Ses adresses successives : le 32 rue Faubourg-Montmartre qu'il aurait quitté en 1870 pour le 15 rue Vivienne. La publication complète et l'impression en Belgique des six chants, fin août 1869, sans référence d'éditeur ni de distribution. On s'interroge sur les dédicaces de son premier recueil de poésie, et on se creuse la tête sur le quatrième nom – Louis Durcour – au point de se demander s'il n'y a pas eu une erreur de retranscription. Même son acte de décès a été rendu public, avec l'inscription "Sans autres renseignements" sous la date du 24 novembre 1970. Même les causes de la mort sont fouillées en profondeur : tuberculose, intoxication médicamenteuse au laudanum, suicide par ingestion volontaire d'une dose massive
En bref, tous les ingrédients pour rendre le mystère tenace et faire qu'aujourd'hui encore, des passionnés cherchent des informations comme des archéologues en quête de la moindre miette de cette vie trop courte, trop obscure ; un peu trop d'ombre pour les curieux.
Mais, en vérité, quelle importance. Tout ça n'a aucune importance au regard des quatre pièces de ses oeuvres complètes, à commencer par "Les Chants de Maldoror", au nombre de six, qui représentent une mine de mots associés d'une façon inédite encore à l'époque. Une brève série de courriers rassemblés dans un court assemblage titré "Lettres". Et puis la poésie, deux recueils simplement titrés "Poésie I" et "Poésie II", sur lesquels on peut encore voir indiqué :
"Prix : un franc".
Mais si l'on se penche bien sur la couverture du premier de ces fascicules, édités et vendus par la librairie Gabrie, dans le 9ème arrondissement, leur seul point de vente, on peut lire un texte introductif, en tous petits caractères, qui en dit long sur l'auteur… Bien plus que toutes les recherches biographiques du monde :
« Je remplace la mélancolie par le courage, le doute par la certitude, le désespoir par l'espoir, la méchanceté par le bien, les plaintes par le devoir, le scepticisme par la foi, les sophisme par la froideur du calme et l'orgueil par la modestie. »
Cette simple note de couverture résume le personnage mieux que tous les essais, les études de textes, les thèses, les antithèses et les synthèses. Et surtout, la curiosité pointilleuse de fouilleurs de tombes et de poubelles.
Isidore Ducasse ne connaîtra pas le succès de son vivant, et d'après moi, il n'en avait que faire. Il fait ce qu'il a fait avec simplicité déposant ses petits fascicules chez les libraires et se satisfaisant d'une publicité dans la Revue Populaire de Paris.
Alors qu'il soit mort d'une overdose au laudanum, volontaire ou pas, ou de la tuberculose, là ne sont pas les questions que l'on doit se poser. D'ailleurs, il n'y a aucune question à se poser. Il suffit de plonge dans les lignes, de voir briller la pointe du stylet de Maldoror et de trembler à chaque phrase ou le génie est omniprésent.
Finalement, il y a peut-être une question : quel trésors nous aurait offert Lautréamont si la mort ne l'avait pas frappé aussi jeune ?
C'est à peine imaginable…

Ghislain GILBERTI
"Le Cabaret du Néant"
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Voilà un auteur que je n'ai pas lu depuis longtemps mais qui m'a marqué à jamais et dont je récite encore quelques textes par coeur... (ou du moins je crois)

"ô Mathématiques sévères, je ne vous ai pas oubliées depuis que vos savantes leçons, plus douces que le miel, filtrèrent dans mon coeur, comme une onde rafraîchissante."

Il y avait quelque chose de magique à découvrir cette poésie étrange et hors norme. Une lecture d'adolescence (et à présent que j'écris cette critique, j'ai 54 ans).
Relire ces textes, puissamment gothiques me procure les mêmes étranges sensations qu'autrefois : dégout, horreur et en même temps saisissante fascination pour la beauté de l'écriture pour cette voix fascinante du mal qui énumère des horreurs comme Baudelaire écrit magnifiquement sur une charogne.
"Au reste, que
m'importe d'où je viens? Moi, si cela avait pu dépendre de ma
volonté, j'aurais voulu être plutôt le fils de la femelle du
requin, dont la faim est amie des tempêtes, et du tigre, à la
cruauté reconnue: je ne serais pas si méchant. Vous, qui me
regardez, éloignez-vous de moi, car mon haleine exhale un
souffle empoisonné. Nul n'a encore vu les rides vertes de mon
front; ni les os en saillie de ma figure maigre, pareils aux
arêtes de quelque grand poisson, ou aux rochers couvrant les
rivages de la mer, ou aux abruptes montagnes alpestres, que
je parcourus souvent, quand j'avais sur ma tête des cheveux
d'une autre couleur. Et, quand je rôde autour des habitations
des hommes, pendant les nuits orageuses, les yeux ardents,
les cheveux flagellés par le vent des tempêtes, isolé comme
une pierre au milieu du chemin, je couvre ma face flétrie,
avec un morceau de velours, noir comme la suie qui remplit
l'intérieur des cheminées : il ne faut pas que les yeux
soient témoins de la laideur que l'Etre suprême, avec un
sourire de haine puissante, a mise sur moi."

Ces textes parlent de solitude, de tourments, de brulures intérieures. Comme cela me parlait à une époque tourmentée de la vie. Mais aujourd'hui, en une période très paisible et sereine, j'y trouve toujours une description vraie et authentique, quoique voilée de poésie, des tourments de l'âme humaine.

"A peine le dernier coup de marteau s'est-il fait entendre, que
la rue, dont le nom a été cité, se met à trembler, et secoue
ses fondements depuis la place Royale jusqu'au boulevard
Montmartre. Les promeneurs hâtent le pas, et se retirent
pensifs dans leurs maisons. Une femme s'évanouit et tombe sur
l'asphalte. Personne ne la relève: il tarde à chacun de
s'éloigner de ce parage. Les volets se referment avec
impétuosité, et les habitants s'enfoncent dans leurs
couvertures. On dirait que la peste asiatique a révélé sa
présence. Ainsi, pendant que la plus grande partie de la
ville se prépare à nager dans les réjouissances des fêtes
nocturnes, la rue Vivienne se trouve subitement glacée par
une sorte de pétrification. Comme un coeur qui cesse d'aimer,
elle a vu sa vie éteinte."

L'envers du décor, le petit reste gluant de la condition humaine succombant à sa propre folie, le voyage au bord du gouffre. Ces délires poétiques valent autant que toute la philosophie, que tout ce que l'on a pu écrire sur le mal.
Nous voyageons au bord du gouffre tantôt dans l'illusion d'une verte prairie, tantôt dans l'illusion de sombrer dans un abîme insondable.

Mais la vérité, la vérité toute nue, c'est qu'il n'appartient qu'à nous de trouver la beauté, et de lui donner vie.
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Un très bon livre. Il est très sombre et très réfléchi. de beaux moments de poésies qui rendent le sujet à la fois plus terrible et plus magnifique. Les passages sur l'océan sont mes préférés!
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Il se lit presque comme un roman, il est d'une force poétique extraordinaire, pourquoi n'est-il pas plus célèbre ? L'Uruguayen est maudit ! Il y aurait tant à dire, mais simplifions : Lisez-le. C'est mon oeuvre préférée.
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Du romantisme noir, agressif et rebelle, mais avec un style alambiqué, souvent inspiré de précis scientifiques médicaux ou naturalistes, de l'ironie dans la parodie, de la sincérité aussi parfois, il faut songer qu'on a affaire ici à un jeune auteur que la phtisie pulmonaire va bientôt emporter.. une poésie sauvage et étrange que personnellement j'ai apprécié.
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