La
jeunesse éternelle est un sujet classique, souvent exploré en littérature.
Mais ici, la mémoire est au coeur de l'histoire.
Celle qui nous échappe, celle que l'on cache ou bien celle qui nous construit.
J'ai beaucoup aimé la descente de Shanel et l'éclosion de Léna. À mesure que Shanel perd la mémoire, le lecteur comprends et sait ce qui arrive (pour certains, le suspens est gâché, mais je ne crois pas que le suspens était le but de l'auteur, plutôt le faire réagir lecteur en prenant les émotions en pleine poire comme la détresse de Shanel). Donc, lui (le lecteur), il sait. Shanel, elle, devient incontrôlable et apparaît alors comme agaçante. Mais c'est là tout le talent de l'auteur. On est impuissant alors qu'on a envie de l'aider ou de la secouer.
Un autre point bien mené : la différence de personnalité entre Shanel et Léna (c'est fort. Très fort. Mais je n'en dis pas plus pour ne pas gâcher les lectures futures). Shanel se bat comme une furie contre sa mémoire (autant d'agressivité, de souffrance que l'on retrouve dans la maladie d'Alzheimer ; on sent que l'auteur s'y est référée car il y a de fortes similitudes de comportement), ce qui la construit, ce qu'elle était. Léna semble résignée, presque passive à ce qui lui arrive, mais elle n'a plus de souvenirs, elle est une coquille vide (on ne sait rien d'elle et pour cause), elle glisse doucement sur le fil de la vie, goûtant ce qui l'entoure. Jusqu'à ce petit déclic dans son cerveau qui fera basculer l'histoire et nous amenera à une fin inattendue.
Et puis il y a Etaine. Cette soeur qui a jugé par le passé alors qu'elle ne connaissait pas vraiment son aînée, alors qu'elle n'avait pas tous les éléments. Et en même temps, elle était très jeune. Elle a le rôle d'aidant, également bien retranscris. Et là, je pense à tous les proches des personnes atteintes de déficiences cognitives. On ressent aussi la souffrance, l'impuissance, la culpabilité, l'égoïsme bien naturel face à la déchéance de ceux qu'on aime.
Enfin, le personnage de Myrtille. Cette petite bien mystérieuse qui sera le déclic de Léna. Ce personnage clef qui apportera la paix. J'ai adoré sa personnalité très à part, sa joie de
vivre, sa force, sa perspicacité. Elle m'a fait rire. Une bouffée d'oxygène dans ce roman poignant qui fait réfléchir sur cette éternelle question : y a-t-il un sens à la vie ?
Je conclus sur la couverture réussie. Ce regard triste et sage à la fois, vieux et jeune, dans ce visage juvénile et presque trop parfait. Bravo à l'illustrateur.